Nouveau départ
L'Angleterre avait pour Hedony un goût de liberté, de renouveau. En posant les pieds sur le sol anglais, elle avait eu l'impression que sa vie allait pouvoir prendre un autre tournant, plus positif. Ses grands yeux verts s'émerveillaient de tout. Du ciel grisonnant, de la brise froide qui fit grelotter Adhara à la pureté de l'architecture de l'aéroport international de Manchester.
« Allez viens, on va directement voir Connor. » l'interpella Adhara en prenant les valises.
Les épaules de Hedony s'affaissèrent dans un soupir. Le jeune homme était d'humeur maussade depuis leur départ ne laissant planer entre eux qu'un silence épais. Chacun avait pris ses distances et Adhara n'attendait que le moment où Hedony ne serait plus à sa charge. Ce serait probablement un soulagement pour lui. Quant à Hedony, elle ne savait pas si elle devait s'en réjouir ou s'en attrister. Derrière sa carapace de macho et d'éternel blasé, elle devinait bien qu'il était plus sensible qu'il le laissait croire. Puis Adhara était la dernière personne qui reliait son passé à son présent, comme s'il était l'élément déclencheur de tous ces chamboulements. Dire qu'hier soir elle avait été enlevée et secourue dans la foulée, tout allait beaucoup trop vite.
« Pour quelle raison est-ce que ton patron aurait envie de me voir ? » finit-elle par demander dans la voiture.
C'était bête, elle avait eu largement le temps de poser la question avant mais elle n'y avait tout simplement pas réfléchi. Cette possibilité d'échapper à son quotidien et l'espoir de vivre une nouvelle vie avaient comme happé toutes ses pensées pour rendre tout questionnement abscons. Jusqu'à ce qu'elle ne soit devant les faits. Maintenant qu'elle était en route, en Angleterre avec Adhara, les doutes l'assaillaient.
« J'en sais rien. Mais on va bientôt le savoir, on est arrivé. »
La voiture d'Adhara s'arrêta sur le parking d'un immeuble, il passa un bref coup d'oeil dans ses rétroviseurs avant d'ouvrir sa portière. Ils sortirent de l'habitacle et Hedony contempla la façade du bâtiment, fort semblable à tous les autres dans la rue. Alors c'était ici que travaillait Adhara ? Mais que faisait-il réellement, quel était son métier ? Cela ne ressemblait pas à un poste de police... Hedony n'arrivait pas à aligner ses interrogations de manière à obtenir un semblant de réponse, tout restait flou.
Elle suivit le tuahine jusqu'au bureau de réception. Elle se triturait les mains, en proie au stress. Qu'est-ce qui l'attendait après cette entrevue ?
« Bonjour Katya, j'ai un paquet à délivrer à Connor. »
Derrière ses grosses lunettes noires, Katya dévisagea Adhara et Hedony tour à tour. Hedony fronça les sourcils. C'est moi le colis dont il parle ?, se questionna-t-elle. L'air de bênnet qu'il afficha par la suite le lui confirma. Elle lui lança un regard assassin, son angoisse soudainement envolé. Il fit mine de ne pas le remarquer, mais elle l'attendait au tournant. La vengeance est un plat qui se mange froid, glacé même.
La réceptionniste replaça une mèche rebelle dans ses cheveux châtains, embêtée.
« Je suis désolée, mais Monsieur Lynch est parti pour une affaire urgente.
— Comment ça, il est parti ?! » s'offusqua Adhara.
Sur ces mots, il avait posé ses deux mains à plat sur le comptoir pour se pencher vers Katya. Celle-ci recula légèrement.
« Non, il ne pouvait pas me faire ça ! Je suis en congé normalement, je voulais en finir au plus vite... Tu ne peux pas lui téléphoner ?
— Euh, je peux essayer. »
Il hocha la tête pour approuver et elle pianota un numéro sur son téléphone. Lorsqu'il se tourna vers Hedony, elle avait croisé ses bras sur sa poitrine, le visage fermé. La voix de Katya le rappela à l'ordre. Elle avait réussi à contacter leur patron.
« Bonjour Monsieur Lynch. Oui... Justement, il est là. Oui, c'était pour ça. Je vous le passe, fit la réceptionniste et elle donna le combiné à Adhara.
— Connor ?
— Adhara, je suis content de t'entendre. Comment est-ce que ça se passe ? Tout va bien avec mademoiselle Paxton ? »
Il jeta un regard à la succube. Elle était en train de détailler la pièce et de lire les diverses affiches accrochées aux murs. Son jeans moulait parfaitement le galbe de ses jambes et sa menue silhouette. Ses longs cheveux cuivrés retombaient dans son dos tels une cascade.
« Ouais, ça va. »
Un corps de rêve avec une grande gueule, on se rixe tout le temps mais tout baigne, ironisa-t-il pour lui-même.
« Tu n'es pas aussi bavard que d'habitude. Je suppose qu'elle ne doit pas être bien loin. Nous en parlerons demain.
— Tu ne sais pas être là avant ?
— Hélas, le devoir m'appelle. Je serais de retour pour dix heures demain matin. Tu sauras encore garder un œil sur elle d'ici là ? »
Adhara devinait dans l'inflexion de sa voix le sourire badin de son patron. Il leva les yeux au ciel et soupira.
« Ai-je vraiment le choix?, fit remarquer le tuahine.
— Je rallongerai tes vacances d'une semaine en guise de remerciement.
— Ouais, d'accord. À demain alors. »
Il reposa le combiné sur son socle, sur le bureau de Katya.
« Merci. » ajouta-t-il à son encontre.
Il passa une main dans ses cheveux. Hedony le fixa avec sérieux, ces tergiversations l'inquiétaient. En son for intérieur, elle avait le pressentiment que la tournure des événements n'allait pas dans le sens voulu. Elle eut envie de se ronger les ongles, réflexe qu'elle avait pourtant depuis longtemps abandonné. Chassez le naturel, il revient au galop.
« Alors ? demanda-t-elle.
— Il sera pas là avant demain matin.
— Et on fait quoi en attendant ?
— J'ai pas trop le choix, il veut que je garde encore un oeil sur toi d'ici là, dit-il en reprenant ses mots. À ton tour de venir chez moi du coup... »
Un peu étonnée, Hedony leva les sourcils.
« Mais...
— Mais... ? Répéta le jeune homme. »
Hedony hocha négativement la tête. Elle ne s'imaginait pas ça en venant en Angleterre. N'était-ce pas une simple formalité de venir ici et de voir le patron d'Adhara ? Répondre bêtement à des questions, remplir des formulaires de banalités et passer à autre chose, vivre une nouvelle vie ? Pourquoi sentait-elle ce trouble en elle ?
« Je peux très bien aller dans un hôtel et revenir demain pour l'heure convenue.
— Si cela ne tenait qu'à moi, je te dirais amen. Mais Connor a été clair, et les nouvelles vont vite... on ne sait jamais que quelqu'un d'autre soit à tes trousse maintenant.
— Il... pourrait y en avoir d'autres ? »
Adhara haussa les épaules.
« J'en sais rien... mais autant rester sur nos gardes. »
Cela ne lui disait rien qui vaille... Elle ne comprenait pas ce qu'on pouvait lui vouloir, surtout à ce point. N'étaient-ils pas en train d'éxagérer les faits ? Elle l'espérait.
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