Captive
Il lui fallait un plan. Hedony devait trouver un moyen de sortir de cette chambre et de retrouver sa liberté. Elle ne désirait plus rien savoir sur les créatures surnaturelles. Elle irait loin, très loin d’ici pour recommencer une nouvelle vie et laisser derrière elle tout ce pan de mésaventures.
La jeune femme faisait toujours les cent pas dans la pièce alors que ses idées faisaient leur chemin. Jusqu’à ce qu’à ce que la première ébauche de son plan prit forme. Elle s’arrêta devant le miroir pour regarder son reflet. Elle passa lentement un doigt sur sa bouche, contemplant la couleur rosée de ses lèvres, et sa main descendit le long de son corps.
« Tu es une succube. »
Les mots du tuahine lui revenaient en mémoire. Ces mêmes mots qui avaient valu une claque à Adhara étaient peut-être la solution à son problème. Des créatures capables de hanter les hommes pour coucher avec eux… et aspirer leur vitalité. Était-ce possible ? Pouvait-elle le faire ? Se mirant toujours dans le miroir, elle se mordit la lèvre inférieure. C’était décidé. Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’elle sût contrôler son pouvoir parce qu’il était désormais temps pour elle d’en connaître l’étendue.
Hedony retira pull et tee-shirt pour se retrouver en pantalon et sous-vêtements. Si elle arrivait à aguicher le prochain venu dès le début, ce serait déjà ça de gagner. Il ne lui restait plus qu’à attendre sa proie. La succube avait du mal à rester tranquille.
Elle attendit de longues heures avec cette impression d’être un lion en cage. Elle s’ennuyait ferme. Plus le temps passait, plus elle s’imaginait que son idée était bidon. Charmer un geôlier ? Si elle avait des pouvoirs, probablement qu’ils en avaient aussi.
Bon Dieu !, pensa-t-elle, mais comment utiliser mes pouvoirs ?
Elle voulut s’arracher les cheveux, elle n’en avait aucune idée. Elle soupira de désespoir, assise sur son lit, quand un cliquetis retentit. Hedony se redressa, passa une main dans sa chevelure cuivrée. Que faire pour paraître naturelle ? Ou alors devait-elle tout de suite prendre une pause aguicheuse ? Trop de questions à la fois !
Elle se leva, la porte s’ouvrit lentement. Un plateau dépassa la porte et puis… une femme ! Hedony resta décontenancée. Ça ne fait pas partie de mon plan ça, pensa-t-elle.
« J’apporte le repas. » dit la jeune femme blonde en rentrant.
Celle-ci évitait soigneusement le regard de la captive, déposant son plateau repas sur la petite table de bureau. Hedony se rapprocha. Quitte à rester un jour de plus car son plan ne fonctionnait pas avec la jeune femme, elle espérait au moins que la nourriture fut bonne. Viande rouge, purée de pommes de terre et carottes, simple mais suffisant. Pas le meilleur, mais mangeable. Et le petit point blanc à côté ?
« C’est pour quoi ça ?, demanda Hedony en désignant la pilule.
— Vous n’êtes pas obligée de la prendre. »
J’espère bien que j’y suis pas obligée, pensa la succube.
« C’est pour vous aider à vous souvenir… »
Sur ces mots, la blonde osa enfin lever les yeux vers Hedony. Une demie seconde, le temps de découvrir ses doux yeux noisette. Cette manière qu’elle avait d’éviter de la regarder. Comment interpréter cette fuite ?
La jeune femme fit en pas en direction de la sortie. Hedony lui prit le poignet, elle prenait le risque. Autant tenter le tout pour le tout.
Surprise, la blonde se retourna, mais ce contact actionna un réflexe de défense chez elle. Un puissant courant électrique parcourut sa main pour atteindre la succube. Hedony lâcha un gémissement de douleur lorsqu’elle reçut l’onde de choc de plein fouet et lâcha immédiatement sa prise.
« Ne me touchez pas ! »
Et l’inconnue sortit de la pièce en claquant la porte. Bon, la première tentative avait lamentablement échoué. Au suivant ?
***
« Tu vas bien ? »
Elle toisait monsieur Lynch avec un regard mauvais.
Cette question devait être ironique, Hedony devenait folle. Rester aussi longtemps dans une seule pièce, c’était un véritable enfer. Surtout sans une once de compagnie, cela relevait de la torture psychique selon elle.
Connor était venu la chercher pour discuter dans son bureau. Le trajet d’une pièce à l’autre lui semblait déjà être une aventure après être restée enfermée plus de douze heures dans sa chambre d’appoint. Avait-elle déjà précisé qu’elle appréciait d’avoir sa liberté ?
« Je n’sais pas… Je suppose que je le suis autant qu’on peut l’être quand on est enfermé. »
Elle s’était assise face à lui. Le patron soupira. La jeune femme avait les traits tirés d’une mauvaise nuit et n’aspirait qu’à sortir de ce maudit bâtiment.
« Ce n’est qu’une question de temps. Si tu te montrais coopérative, je n’aurais aucun scrupule à te laisser sortir.
— Hallelujah ! Sortez-moi tout de suite alors. Je jure de ne pas transgresser vos lois, je pars vivre en Amazonie et j’oublie tout ça. Ça marche ? »
Elle avait tendu sa main vers son interlocuteur pour conclure le marché, mais il resta de marbre. Au mieux, il détailla sa main d’un regard lasse.
« Ce n’est pas aussi simple.
— Ah ! Rien n’est jamais simple avec vous, râla-t-elle en levant la main au ciel.
— As-tu pris la pilule ?
— Non.
— Tu n’as pas envie de retrouver tes souvenirs ?
— J’ai envie d’être à nouveau libre. Genre dehors, répondit-elle, sardonique. »
Le patron ne réagit toujours pas. Il croisa les mains au-dessus de son bureau.
« As-tu eu de nouveaux souvenirs alors ?
— Non. »
Elle le défia du regard. Cet interrogatoire allait-il durer encore longtemps ?
« Je ne suis pas sûre que nous ayons la même définition du mot coopérer.
— Et moi, je ne comprends même pas pourquoi vous désirez tant me garder en "observation". Ça rime à quoi ? Je ne suis pas une criminelle ! J’aurai fait quelque chose, bah, à la bonne heure ! Mais ici ? »
Elle s’était levée pour mettre sa main à plat sur le plan de travail. Elle s’emportait toute seule et cela l’énervait encore plus de voir l’apathie du patron de la CGCS.
« Pourquoi me garder alors ? Pourquoi ne pas me laisser vivre ma vie ?
— Tu disais que tu avais ressenti la douleur et la tristesse d’Abel lorsque Liora est morte. »
Hedony leva les yeux au ciel, elle soupira, regrettant amèrement ses paroles. Pourquoi avait-elle dit ça au juste ?
« Oui, mais je vois pas ce que ça à voir dans cette histoire.
— Tout, justement. »
Il se leva et contourna le bureau. Il s’appuya contre celui-ci. La succube le fixait sans ciller. Elle inspirait profondément comme pour se préparer à le contrer. Une vague invisible et tiède picora sa peau et lui provoqua des frissons. L’air se raréfiait. La tension monta d’un cran lorsqu’il partagea ces révélations.
« Abel avait des plans, s’il a fait tout ceci, ce n’est pas en vain. Tu dois faire partie intégrante de son plan. S’il n’est plus là et que tu as hérité de ses souvenirs, c’est pour que tu le fasses à sa place. »
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