Évasion

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Le sort était lancé. Aaron saisit la raison pour laquelle cette créature démoniaque était là. Connor Lynch savait tout, il prédisait parfois même ce qu’il se passerait. Il devait se douter que la succube comptait se faire la malle et il avait pris ses dispositions.

Le métamorphe tenta de garder une expression neutre. Les chances de s’enfuir pour Adhara et Hedony s’amenuisaient drastiquement contre cet homme au regard de glace dont la seule présence suffisait à le terrifier.


« À toi de jouer, Hetaeris. »


Monsieur Lynch avait dit cela sans se préoccuper. À Aaron, la situation lui donnait l’impression que son patron lâchait ses chiens enragés dans une chasse à l’homme.

Un sourire sadique naquit sur les lèvres de la créature menaçante et il se redressa, dépliant les bras qu’il avait jusqu’alors croisés sur sa poitrine. Lorsqu’il se mouvait, son pouvoir ondulait dans la pièce, lugubre et étouffant.


« J’ai carte blanche ? demanda-t-il au patron de la CGCS. »


Une lueur prédatrice brillait dans son regard d’azur. Aaron retint son souffle en attendant la réponse de son supérieur. Ce dernier inspira et expira profondément.


« Pas de quartier pour les Lumières. Quant à la fille… On se tient au courant. »


L’homme acquiesça et sortit de la pièce. Le métamorphe frémit lorsqu’il passa à côté de lui tant son aura puissante et sordide pesait dans toute la pièce. Être aussi proche de lui, même un fragment de seconde, éveillait dans son instinct le sentiment d’un danger imminent. Ce fut un véritable soulagement de le voir partir. L’air devint à nouveau respirable et Aaron essaya de calmer les battements de son cœur.


« Je pensais que vous le détestiez, fit-il remarquer.
— Aux grands maux les grands moyens. »


Connor ouvrit un dossier sur son bureau.


« Vous n’avez pas d’autre solution ? tenta-t-il encore.
— Je l’ai déjà sous-estimée une fois et tu en as fait les frais. On ne m’y prendra pas une deuxième fois. Surtout avec un tel pressentiment, ça me pendait au nez. »


Aaron fronça les sourcils.


« Comment ça ?
— Je me doutais que ça allait arriver. J’avais déjà prévenu Hetaeris. Ce n’était plus qu’une question de temps après…
— Pourquoi tant de précautions ? Vous pensez qu’elle rejoindra les Lumières ? demanda-t-il en se remémorant ce qu’il avait dit à la créature. Il y a plein de créatures aussi puissantes qu’elle, si pas plus, dans la nature. Serait-ce utile de tous les surveiller ? »


Monsieur Lynch esquissa un sourire. Il referma le dossier devant ses yeux et se leva.


« N’y a-t-il pas une salamandre qui s’est échappée ?
— Si Monsieur ! »


Aaron se pencha dans un geste révérencieux comme pour faire pardonner sa curiosité mal placée et s’en alla sans demander son reste, la boule au ventre.


***


Les deux jeunes gens faisaient de leur mieux pour rendre leur fuite discrète. Adhara tendait l’oreille pour éviter les surprises. Lorsqu’il entendait des bruits de pas ou de voix à l’autre bout d’un couloir, il faisait marche arrière pour bifurquer dans une autre allée. Quant à Hedony, elle vérifiait inlassablement derrière elle que personne ne les suivit.

La crainte d’être prise ne la lâchait pas. Que lui arriverait-il s’ils découvraient la supercherie ? Si Connor Lynch l’attendait au bout d’un couloir, un sourire sadique sur les lèvres ? Son cœur battait la chamade. Adhara lui avait pris sa main pour la hâter. Hedony tentait de le suivre, mais elle traînait la patte derrière lui. Trop préoccupée, stressée, à se demander si c’était une bonne idée, bien qu’elle eût envie de partir et d’être libre. Le jeune homme avait-il seulement pris en compte tous les risques qu’ils encourraient ?

L’alarme incendie se mit en marche et leur vrilla les tympans. Avec lui, l’odeur de brûlé vint chatouiller leurs narines. La salamandre s’était échappée et mettait le feu au bâtiment. Ils devaient redoubler de prudence, mais Adhara était soulagé que le plan fonctionnât. Ils avaient encore quatre étages à descendre et la sortie serait à portée de main. Il redoubla d’efforts pour l’atteindre au plus vite.

Le hurlement des boîtiers faisait écho au tumulte qui se jouait dans la tête d’Hedony. Trop d’émotions l’assaillaient alors qu’elle courait. Elle avait chaud, très chaud. Ses pensées se faisaient de plus en plus floues et sa respiration saccadée ne l’aidait pas à aller de l’avant. Elle perdait pied. Le malaise grandissait.


« Adhara attends ! »


Elle ralentit et tira sa main pour l’obliger à stopper sa course, mais déjà son esprit s’évada dans les limbes. Le tuahine se retourna, inquiet et toujours sur ses gardes. Il eût à peine le temps de regarder la succube qu’elle perdît connaissance.


« Ha non ! Me fait pas ce coup-là ! Pas maintenant ! C’est pas le moment ! » Se plaignit-il en la rattrapant dans ses bras.


***


Ils courraient dans la forêt à en perdre haleine. Abel, devant, tenait la main de Liora pour l’encourager et la tirer. Cela faisait plusieurs heures qu’ils tentaient de leur échapper. Abel se maudissait de ne pas avoir été plus prudent, de ne pas avoir pris plus de précautions. Liora était tout pour elle, s’il lui arrivait malheur, il s’en voudrait. Et voilà qu’ils avaient attiré l’attention de la Haute sur eux.

Qu’avait donc Liora en tête lorsqu’elle a révélé sa nature à cet humain ? Le samsaran tournait cette question dans tous les sens sans trouver de réponse.

Derrière lui, Liora trébucha et lâcha sa main. Sa robe ne cessait de s’accrocher dans les ronces et son pied avait du rester coincé dans les branchages. Abel s’arrêta pour vérifier son état.

Ses mains qu’elle releva des mauvaises herbes étaient égratignées, mais au lieu de se relever, la femme resta à genoux.


« Dépêche-toi mon amour ! On n’a pas le temps. » l’intimait Abel d’une voix agacée, inquiet de la tournure qu’avaient pris les événements.


Les épaules de Liora tressautèrent, tête baissée. Elle amena ses mains à son visage que ses cheveux recouvraient.

Abel tentait de calmer son souffle erratique et s’abaissa près de sa femme.


« Hé… Qu’est-ce qu’il y a ? »


Elle releva la tête vers lui, les joues inondées de larmes.


« Je… Je suis désolée Abel. Je… Je n’aurais jamais dû faire ça, sanglota-t-elle.
— Ne t’en fais pas, mon ange. On s’en sortira. On s’en sort toujours.
— Je… Je ne pouvais pas m’en empêcher. »


Ses sanglots redoublèrent d’intensité et Abel la prit dans ses bras. Il se pinça les lèvres alors qu’elle s’effondrait en son sein.

Il passa une main réconfortante dans son dos.


« Cesse de pleurer, allons-y avant qu’ils ne nous rattrapent. »


Le samsaran se relevait déjà, mais ce fut Liora qui le retint.


« Non. On ne leur échappera pas. Pas aujourd’hui. Pas comme ça… » Abel devinait déjà son intention.


Dans son regard, il voyait cette nouvelle détermination.


« Que veux-tu que je fasse alors ? Demanda-t-il avec la gorge nouée.
— Tues-moi, répondit-elle en sortant un couteau du sac qu’elle portait en bandoulière. On se retrouvera. Comme à chaque fois. C’est le seul moyen de se retrouver, c'est d'attendre notre prochaine vie. »

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