7. L'indice
La voiture de police déambulait dans les rues d’Helsinki. Jalmani conduisait la berline avec prudence, compte tenu de la météo verglaçante. Il scrutait chaque recoin de la ville à la recherche du moindre indice. Adhara, quant à lui, s'était avachi dans son siège, laissant le paysage défiler à travers la fenêtre sans y porter grande attention. Il continuait à penser que cette mission n'avait aucun intérêt pour lui, que Connor aurait pu trouver une autre personne pour effectuer cette recherche qu'il estimait ingrate.
Soudain, le véhicule s'immobilisa. Sans qu'Adhara ne l'ait remarqué, ils avaient dépassé Gustavsgård depuis trois minutes. Jalmani se tourna vers l'Anahera.
« Si je ne me trompe pas, c'est ici qu'ils ont perdu sa trace. »
L'ange déchu se redressa et passa une main sur son front pour sortir de sa torpeur. Ses yeux gris évaluèrent le lieu. Des bâtiments industriels se hissaient de par et d'autre de la route. Des camions étaient parqués le long des trottoirs, aplatis par les années et les nombreux passages des poids lourds, tandis que le faible éclairage des lampadaires illuminait le chemin asphalté en une longue ligne droite.
« Dans une rue comme celle-ci ? » s'étonna Adhara.
Jalmani hocha la tête.
La voie se déployait devant eux, brillant à cause du gel et d'une rectitude pareille aux chemins de fer. Comment leurs bandits avaient-ils pu échapper à ses collègues ? Comment avaient-ils faits pour disparaître d'une seconde à l'autre dans cette rue aussi dégagée ? Aucune cachette n'était possible. Adhara ne comprenait pas.
« Avance lentement », demanda l'anahera.
Le véhicule se mit en branle pendant qu'Adhara plongea sa main dans son pull-over. Il en ressortit un pendentif dont il vérifia la couleur. Son saphir brillait d'un bleu royal, éloquant. Le jeune homme serra la gemme entre ses mains et l'apporta contre son front pour une prière silencieuse.
S'il te plait, aide-moi à voir la vérité.
Adhara observa alors les hangars emmitouflés sous leur manteau de neige, tout en gardant sa pierre précieuse à l'oeil. Ce saphir était un cadeau de sa meilleure amie, Sarah, qui l'avait ramené d'un voyage en Birmanie. Elle l'avait prévenu que la gemme était empreinte d'un sort qui lui permettait de s'éclaircir lorsque son porteur était touché par un enchantement d'illusions. Cette même pierre précieuse lui déjà avait permis de détecter quelques incantations magiques. Adhara ne doutait donc pas qu'il serait le premier averti si les ravisseurs de sa victime en avaient utilisé. Et il ne se trompait pas.
« Stop, attends ! » requit Adhara.
Arrivés devant un grand grillage, le saphir prit une teinte bleu clair. L'anahera fronça les sourcils.
« Recule un peu, pour voir...
— Pas de souci » répondit Jalmani en s'exécutant.
Lorsque la voiture revint en arrière, la couleur du saphir s'assombrit à nouveau sous le regard étonné du Finlandais.
« Ces fils de chiens ! Ils nous ont entubé ! » marmonna Adhara en descendant du véhicule.
L'ange déchu effectua quelques pas en avant, puis en arrière, pour savoir exactement où se trouvait la limite à laquelle le sort s'activait ou non. Jalmani le rejoignit, mais il ne lui lança pas un regard. Adhara étudia chaque recoin, puis gratta la glace sous ses pieds.
« La pierre te permet de voir si on nous lance un sort ? s'enquit le Finlandais.
— Uniquement les illusions », précisa Adhara en se penchant sur le macadam.
Sous la couche de verglas, une bande blanche était tracée sur le sol, accompagnée de quelques écritures anciennes.
« Les bâtards, ils ont bien mis un sort... Je parie qu'ils ont tracé un périmètre dans lequel ils cachent quelque chose, mais quoi ?
— Un chemin peut-être ? tenta Jalmani.
— Sûrement... Si on arrive à casser le cercle, je pense qu'il y a moyen de casser le sortilège.
—Comment tu veux qu'on procède ? »
Adhara passa un doigt sur la ligne blanche afin d'en découvrir la substance. Elle resta collée au sol, alors il gratta dessus. Un bout entier se décrocha et Adhara l'émietta dans sa main.
Du cascarilla, sûrement.
En levant les yeux, il découvrit que le grillage sur la droite venait de laisser place à une entrée de parking. Adhara avait vu juste, rompre la ligne suffisait à défaire l'illusion. Ils avaient trouvé leur piste.
« Est-ce possible que ? supposa Jalmani
— On va retrouver ces enculés... » confirma l'ange déchu.
Les deux hommes retournèrent dans la voiture et s'engagèrent sur le chemin. Adhara s'électrisait sur son siège, trop heureux de voir le dénouement de cette histoire arriver. Il fut désenchanté cependant en voyant que la route ne menait non pas à un parking, mais bien à plusieurs et qu'une enfilade d'entrepôts se suivaient. Des automobiles étaient garées de-ci de-là, ce qui leur compliquait la tâche de savoir laquelle serait celle de leurs malfrats.
« Je vais déjà prévenir les autres », prévint Jalmani en attrapant le talkie sur le tableau de bord.
Adhara le stoppa d'une main.
« Attends au moins qu'on trouve leur voiture... on aura l'air con si ils ne sont même pas ici... »
Jalmani hésita, puis il abdiqua finalement en voyant l'air sûr de son coéquipier.
« Ouais, tu as raison. »
Ils déambulèrent dans le parking. À la recherche de la fameuse Peugeot Break rouge. Ils en virent une, s'exclamèrent, puis se navrèrent lorsqu'ils se rendirent compte que la plaque ne correspondait pas. Adhara soupira.
« On va jamais y arriver...
— Attends, il y en a encore une là-bas, signala Jalmani en pointant une voiture rouge dans le parking suivant.
— Espérons que ce soit la bonne, maintenant. »
Ils se rapprochèrent entre les deux entrepôts et la plaqua afficha DAK – 481.
« C'est... C'est notre voiture, peina à réaliser le Finlandais.
— Génial ! Préviens déjà Taïna alors. »
Adhara sortit son Browning en descendant de l'auto et attendit que Jalmani prévînt ses coéquipiers. Ce dernier quitta son siège pour passer la tête au-dessus du toit.
« Taïna dit qu’elle sera là dans un quart d’heure, le prévint-il.
— Parfait. »
Impatient, Adhara s’avançait déjà vers la porte du premier bâtiment, piochant au hasard. S'ils ne sont pas dans celle-là, ils vérifieront dans l'autre, mais l'ange déchu n'était pas enclin à perdre de nouvelles minutes.
« Tu rentres déjà ? Tu n’attends pas les autres ? le retint Jalmani en posant une main sur son bras.
— Et puis quoi encore ? Plus vite on aura fini, mieux ce sera. »
Sinon c’est encore Taïna qui va me voler la vedette, ronchonna-t-il pour lui-même. Il passa outre les conseils de son coéquipier et, le flingue en main, rentra dans la bâtisse.
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