Pseudo : Corona Sirius Titre : Coronavirus Parfait
— Je te préviens gamin, je vais t’avoir à l’œil !
La menace à peine voilée tournait dans sa mémoire comme un poisson rouge dans son bocal. « Quelle connerie ai-je faite là », se demandait-il à l’époque après la nuit de noces. Il avait eu l’idée, après avoir vu un reportage sur toutes ces stars mariées avec des midinettes (eh oui, essentiellement des vieux connus), le reportage les montrait après un divorce, fructueux pour elle, et cela avait fait son chemin dans sa cervelle immature. Dix-neuf ans, venant de la DDASS, plutôt bien foutu, il s’était dit pourquoi pas moi !
Dans la région vivait une châtelaine octogénaire, riche à millions… et veuve bien entendu. Il la visita bien vite. Il lui proposa ses services pour entretenir son terrain conséquent. Il n’économisa pas ses efforts, toujours torse nu si possible. Il remarqua qu’il ne la laissait pas indifférente. L’argent achète tout, la mamie devait penser à des actes inavouables contre monnaies sonnantes et trébuchantes. Il fut plus malin que ça.
L’été chaud avait facilité les choses. Elle l’invita à se reposer en plongeant dans la piscine. Ils discutèrent et il se confia sur son enfance d’orphelin. Il était assis à même le sol, il termina en larme, sa tête sur les cuisses fripées. Ce qui devait arriver arriva, ils finirent la journée dans la chambre de la vieille. La chance qu’il eut fut sa très grande propreté. Elle ne tolérait pas les odeurs fortes et la crasse, de ce côté-là, il s’entendait bien. Avec un peu d’imagination et d’ombre, lui faire l’amour ne fut pas compliqué, à son âge, on sautait n’importe qui.
Elle lui proposa de le payer, il joua les offusquer et s’enfuit sans demander son reste. Il ne donna pas de nouvelles durant deux semaines et elle le rappela. Elle l’accueillit d’une caresse sur la joue et l’attira à elle. Il ne la quitta plus, jusqu’à sa mort.
Deux mois plus tard, le mariage était signé. Le commissaire Machu ne lui laissa même pas le plaisir de chercher la meilleure manière de s’en débarrasser. Il lui fit comprendre qu’il l’avait cerné. Il était l’ami de la vioque depuis longtemps, elle l’avait appuyé pour son poste et personne ne la blesserait. Il lui cracha sa menace alors qu’il montait à l’étage pour sa nuit de noces sous les hourras des convives.
— Je te préviens gamin, je vais t’avoir à l’œil !
Ce soir-là, il lui fit l’amour sans entrain. Il se réveilla, et la pire des cochonnes remplaçait la mamie chic. Elle l’observait, nue, son sexe gris aux lèvres distendues l’invitant à venir prendre place « pour une dévotion bien de chez nous », comme le chantait le père Brassens. S’il voulait tenir jusqu’à l’héritage, car un divorce ne la dérangerait pas, il lui fallait jouer la comédie… et bien s’il vous plait. C’est ici, le nez dans ses affaires, qu’il se demanda quelle connerie il avait faite.
Les infos et la météo de cette année 2020 l’aidèrent. Le château était en hauteur et prenait les orages en pleine face, fièrement, mais au détriment de l’électricité. Un générateur de secours était là, mais uniquement pour les outils de santé de Madame, qui était très fragile des poumons. Cette année fut celle du coronavirus, très dangereux pour les anciens ayant des soucis au niveau respiratoire.
Il revenait d’un voyage, côté Italien, lorsqu’il vit l’ambulance repartir. Le commissaire l’accusa tout de suite, mais fut freiné par le médecin et par ses collègues policiers. Son épouse était décédée d’une infection au coronavirus, durant la nuit, seule. Il pleura comme il se doit, songeant déjà à la vie de rêve qui l’attendait. Le Sieur Machu lui posa des questions, essayant de le piéger tant il était sûr qu’il y était pour quelque chose.
— Comment avez-vous pu la laisser dans son état ?
— C’est elle qui m’a dit d’aller rendre visite à ma famille avant la fermeture des frontières.
— Comment se fait-il qu’elle n’ait pas pu prévenir le SAMU ou les pompiers ?
— Avec les orages et les inondations, le courant a été coupé dans la région, mais il y a le générateur. La pauvre était seule, pourquoi ne s’est-elle pas servie de son téléphone ?
— Nous l’avons retrouvé déchargé. Vous pouvez me l’expliquer ?
— Non, je n’étais pas là.
Mes larmes coulèrent de plus belle ce qui énerva le policier au plus haut point. S’il savait. Les gens du coin connaissaient des passages dans la montagne pour se rendre chez nos voisins transalpins. Il y était allé au début de l’épidémie, rencontrer un ami hospitalisé pour ce virus. La surveillance était minime. Il profita de le voir endormi pour récupérer un mouchoir tout frais utiliser. Il faillit vomir en léchant celui-ci, mais sa liberté avait un prix. Il était jeune et risquait peu, et la mort valait mieux que continuer avec cette vieille obsédée. À son retour, il fit l’amour à sa chère et tendre tous les soirs de la semaine. Il avait attrapé une légère fièvre, preuve de sa contamination, qu’il donna en secret à sa moitié.
Lorsque tout le monde fut parti, et le nécessaire fait auprès des pompes funèbres. Il entra seul dans le grand château qui était maintenant à lui. Il lui restait une chose à faire. Il intervertit son chargeur avec celui de sa femme… son ex-femme, pardon. Si le commissaire revenait, il ne trouverait rien de répréhensible… le meurtre au coronavirus était parfait !
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