Pseudo :  Tyresque   Titre :  Une pièce maîtresse

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La berline féline se glisse le long des quais de Vallon en Chantecoeur ; dans la circulation urbaine le commissaire se rend au trente sept de la rue du port, gyrophare bleu sur le toit, allure vive, conduite souple, les voitures s'écartent volontiers pour le laisser filer. Jean en position de co pilote lui détaille l'affaire qui les attend.

- Un homme d'une quarantaine d'année abattu par balle, retrouvé dans la chambre d'une certaine Lydia Johnson.
- Johnson, les poêles Johnson ?
- Oui, les poêles Johnson, les casseroles Tim, Fire et Glove ; mais aussi…
- Compris Jean, tu ne vas pas me faire la liste des marques de la dame, vas à l'essentiel.
- Oui commissaire, c'est elle qui a appelé. Elle déclare ne pas l'avoir tué, c'est elle qui l'a trouvé mort dans son lit à son réveil.
- Glauque non ?

Le commissaire esquisse une manœuvre d'approche rapide et pose la berline le long du trottoir. Marcel se déplie pour sortir de sa voiture, l'inspecteur lui se glisse hors du véhicule. Marcel interroge du regard l'inspecteur, les sourcilles froncés.

- Dans son lit ?
- Oui commissaire.
- De mémoire la dame n'est pas mariée, c'est son amant, son fiancé ?
- Nous ne savons pas encore commissaire.

Ils s'introduisent dans l'immeuble, Marcel escalade les escaliers, Jean suit. Le commissaire arrive le premier sur les lieux du crime, la chambre à coucher située au bout d'un long couloir qui distribue toutes les pièces de l'appartement ; dans la salle attenante la propriétaire est assise sur un canapé, effondrée, en pleurs. Il s'adresse au légiste.

- Salut Bob.
- Salut Marcel. Une balle en plein cœur à bout portant. L'heure du crime se situe aux environs de deux heures du matin, je serai plus précis après l'autopsie. Rien de plus pour l'instant.
- Le calibre ?
- Tiens regarde, l'arme du crime, un 9 mm.
- Un format très féminin.
- Oui, note qu'ils ont été drogués tous les deux.
- Le champagne ?
- Oui.

Il se tourne vers son inspecteur.
- Jean, des nouvelles de la veuve ?
- Oui elle vient d'arriver, j'ai donné ordre de la bloquer à l'entrée de l'appartement pour l'instant.
- Bien vu Jean…

Au même instant on entend une bousculade dans le couloir et des bruits de pas ; déboule alors une furie dans la chambre, la veuve de Mike. Elle se jette sur le corps de son mari avec démonstration. Les vigiles la maitrisent et l'éloignent. Le commissaire intervient.

- Bonjour commissaire Fressi, Marcel, je suis en charge de l'enquête.
- Quelle enquête ? C'est cette pouffe qui l'a tué !
- Vous vous connaissez ?
- Non, je ne savais pas que mon mari avait une maitresse, je vais lui faire la peau.

Le commissaire s'oriente vers la maitresse assise sur son canapé, l'air songeur, il réfléchit. En passant par la chambre, le lieu du crime, il s'adresse au légiste.

- Tu as vérifié la présence de sédatif ?
- Les prises de sang sont en cours.
- En attendant, Jean tu m'embarques tout ce petit monde.
- Oui ?
- Oui, l'épleurée et la furie. Veille à ne pas me les mélanger.

Tout ce petit monde, comme le dit Marcel, prend la direction du commissariat. Le légiste est parti de son côté avec le corps de la victime. Chaque dame rejoint une cellule individuelle, le commissaire et l'inspecteur s'isolent dans le grand bureau du commissaire.

- Jean, des idées ?
- C'est la femme pour faire accuser la maitresse.
- Tu es en train de vérifier son alibi, non ?
- Oui c'est juste commissaire. Alors c'est la maitresse.
- Et les sédatifs, tu en fait quoi ?
- Ce n'est aucune d'elle alors ?
- Moi je crois que si, répond le commissaire comme s'il savait.

Il se dirige vers sa machine à café et sert deux tasses ; les deux policiers sirotent leur café en menant leur réflexion respective dans un grand silence. Soudain le téléphone de Marcel vibre.

- Salut Bob, …, la trace de sédatif est confirmée, d'accord, …, comment ça différent ? …, okay, …, mais, …, bien, merci Bob.

Le commissaire finit d'un coup son fond de café et pose sèchement sa tasse sur la table. Il lance un regard vainqueur à l'inspecteur.

- J'avais vu juste, lance-t-il triomphant.
- Oui commissaire ?
- Le meurtre parfait n'existe pas pour le commissaire Fressi !
- Bien, bien. Commissaire, j'ai le sentiment que vous me prenez…
- Mais non Jean, tu apprends vite, bientôt tu sauras voler de tes propres ailes.

Il s'approche de son tableau blanc sur lequel sont tracés les emplois du temps des trois personnages principaux. Il pointe alors le moment du repas dans la chambre.

- Ici vois-tu Jean, madame Johnson nous a menti.
- Elle n'a pas mangé ? Bu du somnifère ? Je ne vois pas.
- Si mais après la victime. Bob confirme que la prise de somnifères s'est faite plus tard pour la dame.
- Mais pas de trace de poudre sur sa main, pas de gant, rien…
- Son mouchoir qu'elle nous a exhibé pendant tout l'interrogatoire.
- Vraiment ?
- Vraiment, Bob confirme, sourit le commissaire en réajustant le col de son pilote en cuir bleu.
- Mais pourquoi ?
- Viens, on va lui demander.

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