La porte s'ouvre en trombe et Osore entre précipitamment dans la salle de classe. Tous les regards convergent vers elle et nous la fixons avec étonnement pendant qu'elle s'exclame :

- Je l'ai vue ! Elle m'est apparue !

- Quoi donc ? lui demandé-je, intriguée.

- La fille fantôme de la rumeur ! Je l'ai vue dans le miroir qui se trouve au-dessus des lavabos ! Elle m'a sourit, c'était horrible ! s'écrie-t-elle, les larmes aux yeux.

Je pousse un soupir en levant les miens en l'air et me reconcentre sur ma peinture, tandis que mes camarades se précipitent vers elle pour lui demander, curieux :

- Elle était comment ?

- Elle a de longs cheveux en désordre qui encadrent son visage et de grands yeux d'un bleu si pâle qu'ils semblent sans vie !

- Ce n'est pas étonnant, remarqué-je sans quitter des yeux mon tableau. C'est sensé être un fantôme, non ? Il n'est pas étonnant que ses yeux paraissent sans vie puisqu'elle est justement morte. Enfin, si on en croit la légende . . .

- Tu n'y crois pas, toi ? me demande Osore en me fixant de ses yeux noirs.

- Franchement, je m'en fiche, répondé-je sans réfléchir. J'ai mieux à faire que de penser à ça. Qu'elle soit réelle ou non, cela ne change rien à ma vie. Et si vous voulez un bon conseil, ajouté-je en les regardant, vous feriez mieux de faire comme moi et de vous concentrer sur ce qui compte vraiment : les études. Ce sont elles qui vous permettront de bâtir un bon avenir et certainement pas cet esprit.

Sur ces mots, je me replonge dans mon travail. Un long silence s'installe dans la salle, coupé par la voix de notre professeur :

- Kizoku a raison ! Oubliez donc cette histoire et remettez-vous au travail, leur ordonne-t-il d'un ton ferme en tapant dans ses mains pour attirer l'attention sur lui.

Mes camarades de classe obéissent et se remettent tous à peindre. Une demi-heure plus tard, la sonnerie rententit. Nous nettoyons les pinceaux, rangeons le matériel et saluons notre enseignant.

Je m'engouffre dans le couloir et me rends à la bibliothèque. Il s'agit d'une grande salle où trônent bon nombre d'étagères pleines de livres, mais aussi des tables sur lesquelles se trouvent des ordinateurs. Je m'installe à l'une d'entre elles et ouvre mon sac pour en sortir mon agenda, ma trousse et mes cahiers. Je prends un stylo et commence à faire mes devoirs en silence.

Au bout d'un moment, je suis tirée de ma concentration par des sanglots. Je regarde autour de moi, mais ne vois personne. Les quelques élèves qui étaient avec moi dans la pièce sont déjà partis. Est-ce que c'est la bibliothécaire qui pleure ? Je m'approche de son bureau, mais elle est plongée dans la lecture d'un livre, écouteurs aux oreilles. Elle semble parfaitement calme.

Intriguée, je ferme les yeux pour me concentrer sur le son. Les sanglots semblent provenir du fond de la salle. Je me dirige de ce côté, m'attendant déjà à voir l'une de mes camarades en pleurs. C'est sûrement Osore, la fille la plus craintive et sensible de la classe.

J'arrive au fond de la salle, mais, à ma grande surprise, ce n'est pas la petite fille aux yeux noirs que je vois, mais une personne qui m'est totalement inconnue ! Elle a de longs cheveux argentés en désordre qui lui tombent jusqu'au bas du dos et son visage est enfoui dans ses mains. Son corps est secoué de sanglots. Je sens d'ici sa profonde tristesse.

Je m'approche doucement d'elle et lui demande :

- Pourquoi pleures-tu ?

Elle se retourne en sursaut pour me faire face. Son visage, clair comme la lune, est baigné de larmes qui brillent comme des diamants. Elle me fixe avec étonnement de ses grands yeux bleu pâle.

Les mots de ma camarade me reviennent en tête : " . . . des yeux d'un bleu si pâle qu'ils semblent sans vie !"

Les miens s'écarquillent lorsque je réalise à qui j'ai à faire . . .