CHAPITRE VIII

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Pierre-Olivier se rappela cet étrange moment où ses pensées s’étaient transformées en colonnes de fumée. « Comment des idées pouvaient devenirs suffisamment puissantes et organisées pour réussir à se transformer en entités tangibles ? » Puisque le livre continuait d’écouter le fil de ses pensées, il capta les questionnements de l’humain, mais orienta leur réflexion vers les différentes parties de la situation qui restait à éclaircir.

Étranger au monde de l’autre, leurs sensations s’étaient révélées inadaptées à percevoir avec exactitude la réalité des évènements et des actions qui s’étaient déroulées lors de leurs visites. Ce qui avait défilé devant eux, devant leur « yeux », n’avait rien avoir avec les répercussions réelles de leur visite. Les contours qu’ils avaient crus distingués reprenaient leur véritable aspect de sillons : des trous aussi grands que des océans. Même leur conscience, en ce moment décuplé dû à leur union, peinait à saisir tout ce que cela signifiait… Neuvième débuta un long monologue.

« Je comprends à peu près ce qui a du se passée lors de ton passage, alors laisse-moi te raconter ce qui s’est produit pour moi. Je crois que tu auras là l’essentiel de tes réponses. À la lueur des répercussions que ces actions ont eues dans ta réalité, ma narration de ceux-ci t’apparaitra d’une antipathie telle qu’elle frôlera l’ironie, mais sache que ce n’est là nullement mon intention. Je choisis avec minutie chacun de mes mots. J’aimerais que tu en fasses de même lorsque tu répondras à mes questions par la suite.

Sache aussi que je croyais ton espèce n’être au départ qu’un de ces êtres de possible, ceux que tu as appelés “point lumineux”, qui sont si fréquents dans mon monde. Or je pensais que mon devoir, comme à l’habitude, était d’observer le détenteur du livre et de raconter ce qu’il était. Nous sommes les histoires qui ne peuvent se raconter d’elles-mêmes. Comme à l’habitude. Je puis ensuite entrer en contact avec les gens de ton monde par le livre. Je pouvais à l’aide des mots compléter vos phrases et vos pensées, lorsque ceux-ci vous échappaient. Puis, finalement je pus… Les humains de ton monde et mon espèce semblent partagés depuis longtemps un lien spécial. Il ne date pas d’hier que nous entendions parler de livres qui prennent possession de l’esprit des femmes et des hommes de chez toi… Mais au-delà de ces quelques cas de figure, la situation était nouvelle en ce qui te concernait. Du moins à ma connaissance.

Tu es le seul avec qui j’ai pu dialoguer. Tous les autres ont fini par m’abandonner par peur ou ennuis. Tu es d’autant plus le seul que j’aille… “Incorporé”. Ce qui, si j’avais mieux saisi la situation, m’aurait freiné sur le champ. Jamais je n’altèrerai une histoire de mon propre gré… Je croyais que ton histoire était d’entrée en contact avec moi. J’eus même, à un moment, l’audace de croire que j’écrivais peut-être ma propre histoire. Cela c’est déjà vu. Mais… non. Je ne suis finalement pas un de ces êtres exceptionnels qui ne brillent qu’une fois tous les cent ans.

Pour le premier passage, je comprends sans ambigüités que les répercussions de ma présence furent chez toi d’un écho connexe à l’agressivité et à la violence que j’ai expérimentée moi-même… Cependant pour le second, la situation me semble si diamétralement opposée que je devrai me questionner longuement sur les implications d’une telle divergence. Je divague… Je passe trop de temps avec toi il faut croire.

J’étais un jeune homme engagé comme matelot sur un navire nommé Le Victorieux II. En tout point supérieur à son prédécesseur. Un sublime bâtiment.

La mer nous avait été favorable jusqu’à maintenant, près de deux mois après notre départ du continent. En cette nuit chaude, tout changea. Une mutinerie venait d’éclater contre le capitaine Johnston qui, preuve à l’appui, je savais un bon et juste capitaine. Les rumeurs desquelles la mutinerie avait pris naissance étaient fausses et j’avais en ma possession un document officiel le prouvant. En cet instant, je savais mes effets personnels et importants, dont ledit papier, caché sous le matelas de mon minuscule lit. Lequel était situé à l’autre bout de la cabine. L’émeute y atteignait son paroxysme. Mes anciens amis et collègues se déchiraient et se mutilaient à coup d’épée et d’arme à feu... La pièce sombre était remplie de la lourde fumée provenant des canons et des filaments plus minces venant des chandelles tombés quelques secondes plus tôt. Une pluie de sciure et de morceaux de bois, éclatés par les balles et les corps contre le mobilier, piquaient les yeux et enfumaient les poumons. Les longues pailles noircies et encore fumantes tranchées à même les poutres flottaient dans l’air autour de nous. Le chaos était déchainé. Partout. On peinait à voir ses propres pieds.

Je réussis à atteindre mes possessions qui par chance étaient demeurées intactes malgré le désordre. Une fois la lettre de l’amiral en main, un matelot me saisit les bras par derrière. Je sentis tout de suite une lame piquante et froide se déposer sur mon cou nu. Son haleine fétide sur ma nuque me permettait d’identifier sans difficulté que c’était Hamilton… Ce salaud d’enfant de…! Bref, tout s’arrêta quelques instants après.

Un peu plus tard, alors que je croyais cette histoire interrompue à tout jamais, j’eus un dernier moment duquel j’eus beaucoup de difficulté à extraire une fin… J’étais dans le ciel. Je virevoltais à travers lui. Je le parcourais furtivement. Les planches du quai étaient encore sous mes pieds, je les voyais, mais nous avions été catapultés ensemble à travers les nuages. Je crois qu’un autre navire venait de nous heurter d’un boulet.

Le deuxième évènement, la deuxième… prise de contrôle, me parait d’autant plus pernicieuse pour notre destin mutuel puisqu’elle en est d’une banalité triste. Comment imaginer des résultats aussi catastrophiques découlant d’une si simple et insipide soirée.

Je me trouvais intéressé ou plutôt rattaché à cette histoire mettant en scène un riche homme d’affaires huppé. J’étais juste assez pédant et rocambolesque pour être accepté parmi les plus distingués. Cette nuit-là, je décidai de sortir pour aller assister à une soirée grandement recommandée par ces amis aux gouts des plus raffinés. Ma femme fît sa difficile et décida qu’elle préférait rester à la maison plutôt que d’affronter le temps glacial de la mi-mars. J’ai quitté seul. Ce fut si banal que j’ai peine à me remémorer… Voyons. J’arriverai là-bas dans la demi-heure suivante… Hum… Ensuite j’eu une petite altercation avec l’un des employés de la salle, puis avec une autre spectatrice qui se mêla, à tord je dois dire, de la situation. Notre dispute concernait une merveilleuse petite pierre, si je ne me trompe, que j’avais trouvée par terre un peu après mon entrée. Mon œil d’expert descella un rubis de bonne qualité. Il m’avait subjugué. Il me brulait les mains… J’avoue peut-être avoir réagi excessivement et avec trop d’empressement. J’étais animé d’une douce folie… Mais, dans tous les cas, la chicane découla rapidement sur ma remise de l’objet à l’employé et se solda par un retour au calme dans la bonne humeur et l’agréabilité générale.

S’en suivit un magnifique spectacle qui surpassa les attentes créer par mon cercle social. L’oeuvre mélangeait théâtre de qualité et danse parfaitement chronométrée. L’ensemble fut soutenu pendant tout l’heure et quart que durait la représentation d’un orchestre puissant. La représentation s’est close sous un tonnerre d’applaudissements. La foule noyait les artistes, comédiens et musiciens, d’acclamations vigoureuses et de regards larmoyants. Moi-même, la détresse et la colère qui émanâmes du personnage du pantin allâmes jusqu’à me faire verser une larme. Loin de moi l’idée fut que cette quelconque soirée ai créé flammes et destruction chez toi. »

Silence. Fondu au noir. « Tout se termine ainsi ? » L’époque où ils partageaient la même espace de pensée n’avait été que trop courte. Pierre-Olivier avait réinvesti son seul esprit. De nouveau à l’écart de celui de Neuvième.

- Tu n’es donc pas ce livre?

- Non. Initialement… Initialement j’étais autre chose. Un être qui se trouve fort similaire à ce que tu es, en fait. Un être dont la solitude mena à mourir dans un appartement rempli de crasse et de faux-semblants… Longtemps après je devins… autre chose. Proche de ce que je suis aujourd’hui. Je constatai alors que le livre était une partie existante de moi… Ou… cela s’était passé auparavant ? J’ai été un livre pour ensuite devenir… L’ordre des choses n’importe jamais vraiment. Dans tous les cas, j’ai évolué par-delà mes limites. Je suis attaché au livre comme on peut l’être à un souvenir cher, mais qui ne m’est plus essentiel…

- Qu’es-tu ?

- Que puis-je répondre ? C’est une question dont peu peuvent prétendre connaitre la réponse. Et parmi ceux-ci, tous se trompent. Que répondrais-tu, toi humain ? Que tu es un humain justement ? Chez moi, nous n’avons pas de mots pour nous nommer. Simplement parce qu’il n’est pas nécessaire d’être nommé. Nous ne servons qu’à décrire, à recréer des mondes presque vrais de par la beauté des mots. Mais eux... les mots ! Ils sont… supérieurs. Supérieurs à nous tous. Je ne suis pas l’un d’eux.

Pierre-Olivier sentit l’admiration et la soumission qui émanait de Neuvième, où qu’il soit. Il en éprouva les mêmes émotions. Il sentait sa relation avec les mots changés à tout jamais. Sans qu’il n’en sache la raison. Cette compréhension se transforma en un douloureux sentiment de deuil.

Neuvième enchaina :

« Les mots. C’est eux, au fond, qui gouverne. Les mots… Ils le font non pas par désirs, mais par force des choses. Les mots vivent pour créer. Ou alors, est-ce la vie qui fût créée pour qu’ont écrivent à son sujet ?

Ils savent exactement comment se nomme chaque chose, en chaque instant, c’est toi et moi, nous, qui sommes incapable d’associés correctement leurs caractères aux justes symboles du monde. Tous ces problèmes de langues que les miens et les vôtres semblent rencontrer parmi nos semblables doivent leur paraitre insensés à eux qui savent l’orthographe réelle de toutes choses. Nous ne savons même pas vraiment à quoi les associer justement. On conceptualise les mots comme étant parfaitement formé, mais on comprend lentement qu’au contraire, ils sont infinis. Universelle de par leur fond. Ils servent à dire, décrire ou traduire, certes… mais, leur valeur et leur but vont par-delà ces choses si chères aux êtres que nous connaissons. Ils proviennent et accomplissent des actes qu’ailleurs, sur des monts gargantuesques et gouvernés par des sages, ils qualifient d’indispensables à l’histoire du monde. Il n’y a qu’eux pour connaitre leurs vraies motivations. Les desseins de leurs existences. Leurs désirs… Leurs peines. T’es tu déjà arrêté à réfléchir au fait que les mots étaient la seule chose dénuée de matière tangible, mais qui pouvait influencer les esprits et le monde physique ? Les mots enflamment les esprits et peuvent mener des individus à vouloir et pouvoir déplacer des montagnes! Et certains doutent quand même de leur force… Une bande d’insensés aveugles !

Une image vaut mille mots, mais chacun de ces mots peut tout de même évoquer des milliers d’images non ? Celles-ci, chacune d’elles, à chacune de leur tour, peuvent engendrer des détails et évoqués des milliers d’images nouvelles, elles aussi constamment changeantes… Qu’est ce que cela peut signifier pour les habitants de mon monde ? Du tien ? On dit souvent sans y penser que nous apprenons ou découvrons un nouveau mot… Cela confirme que leurs naissances nous ont précédés et que leur existence nous perdurera! Comment expliquer… Parfois, quelle fût inspirée par l’un des êtres de possible ou quelle proviennent de mon être même, je peux penser à une idée. Elle nait et s’agrandit dans mon esprit, en son, en émotions… puis éventuellement, la majorité du temps, en mots. Au mieux, elle s’articule en une phrase. C’est inévitablement si elle veut être comprise et ainsi devenir moteur d’actions. Mais où apparait alors cette phrase ? Vient-elle de naitre par mes propres moyens? … ou alors ne l’ai-je que finalement découverte là, enfoui sous des couches et des couches d’ignorances ? Elle qui aurait séjourné dans cet endroit précis de notre âme depuis des siècles… Aucune de ces phrases ne nous appartiennent. À qui appartiennent-elles ? Aucune idée… Le saurais-je un jour ? Non. C’est là, je crois, la source primordiale de leur puissance et de leur emprise sur nous. »

Pierre-Olivier n’effleurait que difficilement ce que voulait expliquer Neuvième… Déjà il voyait moins clairement les mots autour de lui… Il lui semblait qu’ils apparaissaient d’une distance d’ores et déjà plus lointaine. Une question impulsive, mais dont les conséquences seraient lourdes, se faufila hors de ses lèvres :

- Et maintenant ?

- Maintenant ?

- Que faisons-nous ?

- Eh bien. En voilà une drôle de question… Nous expérimentons! Il faut développer notre lien.

- On ne peut pas.

- Si.

- Non.

- Nous le pouvons. Et le devons.

- Pourquoi ?

- Tu ne vois pas l’intérêt ? Je ne comprends pas comment tu pourrais craché sur…

- Combien d’êtres devront périr pour une cohabitation dont nous ignorions ne serait-ce que si elle est possible.

- Il m’importe peu de ces êtres.

- Pas à moi.

- Ils sont insignifiants.

- Ils ne le sont pas pour moi.

- Pour les miens, cette seule idée est l’équivalent d’un sacrilège! Vivre ces moments est pour nous notre seule raison d’exister !

- Je ne mets pas en doutes vos croyances.

- Il en va de notre salut. Nous avons le bonheur de connaitre le but à l’existence de notre espèce, mais nous avons aussi le malheur d’avoir ensuite à en remplir ses énormes souliers !

- Je le comprends bien. Comme tu me l’as demandé, je pèse méticuleusement mes mots.

Le jeune homme reprit après un silence :

- Qu’est-ce qui arrivera à ce que nous sommes dans nos mondes respectifs ? En dehors du livre ? Si nous…

- Nous ? Mais, nous ne sommes pas importants, nous…

- Tu parles comme un insensé.

- Il en importe peu à la chenille qu’elle veuille ou non se transformer en papillon..!

- Tu continues.

- Ne pas comprendre quelqu’un ne signifie pas indubitablement qu’il soit détraqué.

- C’est vrai… Mais je comprends ce que tu dis. Limpidement. Et je te le répète : tu t’exprimes comme un fou. Tu te sers des mêmes mots que ceux qu’un fou emploierait. Cela fait-il de toi un fou ?

Neuvième sembla réfléchir… longuement. Pendant cette éternité figée, l’humain put savourer le passage tourbillonnants des siècles passées et futures. Il attendit donc, plus que calmement, l’acceptation inévitable de Neuvième.

ÉPILOGUE

La conversation s’était terminée abruptement. La décision avait été acceptée à contrecœur. Il s’était alors muré dans un silence de marbre jusqu’à leur séparation. Le jeune homme avait senti qu’il s’était aussitôt enfui jusqu’à son monde isolé. Celui-là était, au moins le croyait-il certainement, à portée de compréhension.

Pierre-Olivier avait placé non loin de l’eau, dans un baril rouillé aménagé à cette fin, un petit amas de branches trouvé par terre ou délivré de la glace et quelques pages déchirés du livre. Il ne s’était pas régénéré… Il sortit le paquet d’allumettes qu’il avait toujours dans les poches et, après avoir minutieusement examiné chacune d’elles, constata qu’aucune n’était utilisable… Baissant les yeux, il en vit une intacte au fond du contenant de métal! On lui avait amené d’une façon fort étrange le livre et on lui donnait aujourd’hui, de manière similairement mystérieuse, la chance de s’en débarrasser. L’univers le voulait ainsi… Il souligna en lui-même que s’il était directement venu ici, sans passer par le dépanneur, il aurait tout eu à sa disposition pour terminer toute cette histoire bien avant sa finale tragique… L’univers joue parfois des blagues cruelles. Il frotta l’allumette sur la couverture du livre.

« …jamais je n’aurais les nerfs de vivre en fugitif. Et pour espérer combien de temps ? Non. Demain… J’irais me rendre demain… Une dernière journée à espérer que tout ceci n’eu été qu’un rêve horrible et magnifique à la fois. Me réveiller avec une histoire abracadabrante sans incidence sur ma vie! »

La simple vue de la flamme replongea le journaliste dans une torpeur profonde. Il lui revenait à l’esprit toute les ignominies que son corps avait engendrées pendant ses absences... qui croirait que ce n’était pas lui? Il s’apprêtait à mettre feu à la seule pièce à conviction… un livre. Un ridicule petit livre. Il lança l’allumette qui embrasa le tas.

« Au moins, mes plus grands rêves ont été comblés… Je serais célèbre. Je le suis déjà! Nommé, insulté, pointé du doigt par amis, connaissances et étrangers… mais connus d’eux tous. J’ai toujours su que ce serait mon orgueil qui me mènera jusqu’à la tombe. Soit! Je mérite la prison. Ou… l’asile ? Qu’est-il préférable ? Que l’on se rappelle de moi comme d’un fou, d’un suicidaire, d’un pyromane ou d’un tueur? J’ai l’embarras du choix. Qu’est-ce qui entache le moins une réputation ? J’espère avoir le temps de te voir Laurence. Je vais tout te raconter! Tout te dire pour que tu saches la vérité ! Dans les moindres détails, avec minutie... Ensuite ! Ensuite, je pourrai sans rancœur mourir oublié! Hais de tous dans un cachot pouilleux. Peu m’importera… j’ai déjà assez vécu pour toute une vie. Et j’y serai protégé par ton amour, j’y resterai éternellement en sécurité. Encouragé par tes yeux brillants aux travers mes idées, elles chaque jour de plus en plus compliqué à saisir. Je serais maintenu en vie par les images de nos précieux souvenirs, par tes promesses de retrouvailles futures, par… »

Un sourire las, presque mélancolique, insuffla ses lèvres devenues bleues.

« Ne te l’heur pas… Tu n’es qu’un fou maintenant. Tu n’as plus rien à espérer des femmes et des hommes de ton monde. Sauf leur dédain et leurs yeux menaçants. Jusqu’à la toute fin. Pour eux et pour moi-même aussi, je ne serais qu’une carcasse vide qui trainera toujours derrière sa destinée. Déchu parmi les élus. Je pourrais amener Neuvième avec moi… Peut-être reviendra-t-il pour moi ? Nous pourrions… Si nous procédons avec précautions et que…»

Pierre-Olivier feuilleta les pages du livre pour une dernière fois. Il retrouva à l’intérieur la retranscription détaillée de son voyage dans l’autre monde. Exactement, à la virgule près, tel qu’il aurait imaginé le raconter lui-même. Il était incapable d’en détacher son regard. « C’est ainsi qu’on devient le héros d’une histoire ? »

Il n’avait pas l’impression d’avoir vaincu un adversaire colossal au bout d’une quête glorieuse… Ni d’être sortie gagnant d’une lutte sanglante contre un être vil et infâme. Au contraire… Il avait l’impression de perdre un ami. De devoir faire le deuil d’une personne qui fût terriblement chère à son cœur bien qu’il ne la comprendrait jamais.

Le livre et lui se séparèrent. Finalement! Aux suites de douleurs et de doutes profonds provenant des deux côtés… Jusqu’à la toute fin, l’esprit de l’homme et le corps du livre resta ligoté l’un à l’autre. Leur séparation, suivie de la chute de ce dernier, fut presque insoutenable. Atterrissant dans les flammes, comme un pauvre animal agonisant, le livre laissa échapper un dernier gémissement.

Le soleil se levait sur les dernières pages encore lisibles dans le minuscule brasier. Avant que tout ne soit brulé, le jeune homme put lire ces quelques dernières phrases :

Le soleil se levait sur les dernières pages encore lisibles dans le minuscule brasier. Avant que tout ne soit brulé, le jeune homme put lire ces quelques dernières phrases :

L’histoire se révéla n’être qu’une petite colonne vaporeuse de fumée grise et bleue. Ces fines lignes disparaissaient déjà.

Un monde unique, s’évaporant pour toujours dans le ciel orange de l’aurore.

- FIN -

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