Vésémir soupira. Un voile sombre s’était abattu sur le ciel, rendant le paysage autour de la cité de Bésingal encore plus déprimant. Après plusieurs heures de méditation et de récupération de mana au relai, il était descendu restauré physiquement, mais pas mentalement. Il n’avait que peu traîné, les membres survivants de la caravane lui jetant des regards haineux. Il les comprenait un peu. Il avait échoué à les protéger, même si techniquement le contrat passé avec le chef de la caravane était arrivé à son terme à Bralgar. Sans sa présence, l’Invoqué ne les aurait probablement pas attaqué. Vésémir avait récupéré son cheval, et était parti sans demander son reste. Il avait fini les deux derniers jours de son voyage seul, plongé dans la morosité et la culpabilité. La vue de la tour de Mirnan avait quelque peu chassé ses noires pensées. Son plan, muri depuis de nombreux jours, allait enfin se concrétiser.

Bésingal était une cité labyrinthique, inhospitalière et froide. Les pierres des alentours étant noires, les murs des bâtiments étaient de la même couleur. La plupart des fenêtres étaient condamnées, et la majorité des constructions menaçaient de s'écrouler. Le sol était inégal et composé de pavés grisâtres, dont les joints étaient remplis de détritus. Un mélange d'odeurs de fumée, de pourriture et de crasse emplissait l'air. De rares silhouettes encapuchonnées marchaient au pas de course, et des activités probablement illégales se tramaient dans l'ombre des ruelles. Il fut plusieurs fois accosté par des marchands suspects, lui proposant de la contrebande, ou des produits illicites. Vésémir ne leur prêta pas la moindre attention. La sienne était entièrement fixée sur la tour qui pointait vers le ciel, tel un doigt crochu et accusateur. Il arriva enfin à l'esplanade qui entourait la tour. Contrastant avec le reste de la ville sinueuse et étroite, ce dégagement laissait respirer le regard. Vésémir contemplait les rares zones de verdures qui peinaient à embellir la cour, lorsqu'il pâlit. Plusieurs estrades en bois avaient été érigées au milieu de ces jardins, sur lesquelles des corps étaient suspendus. La tête couverte d'argent. Vésémir n'eut pas besoin de se rapprocher. Il savait qu'il ne trouverait que des vahnae, mérones et draks parmi les victimes. Vésémir serra les poings. Il respira un bon coup. Au moins, ce qu'il avait pressenti s'était révélé exact. Mirnan était derrière les massacres. Et Vésémir allait découvrir pourquoi.

Il avisa plusieurs gardes armés, surveillant les accès. La tour était une forteresse, imprenable même par une grande armée. La ville alentour servait de rempart, et de nombreuses plateformes où des archers et des albalétriers avaient une vue sur toute la cité. Vésémir ne doutait pas que Mirnan avait garni sa tour de runes protectrices, de pièges mortels et défenses invisibles à l'oeil nu. Sa nuque vibrait quasiment devant la puissance des sorts du bras droit du Nécromant. Il inspira, puis expira doucement. Tel l'ogroloup qui avait déjoué la vigilance des poules, il allait duper l'un des plus puissant mage de ce temps. Il se concentra. Il souffla d'abord une rune d'invisibilité, pour tromper les gardes. Cela ne serait pas suffisant pour les défenses magiques de la tour. Il plaça une rune miroir devant la rune d'invisibilité. Ainsi, les runes détectrices de mana ne reflèteraient qu'elles-mêmes. Il replia ensuite sa mana dans le coin le plus éloigné de son esprit, et leva une à une ses runes protectrices. Il serait donc invisible, mais sans aucun moyen de se protéger de la moindre attaque magique. Il sourit. Tel était son plan. L'équivalent de courir nu au-devant d'une bête féroce. Il réprima un rire jaune, et s'avança.