Intrusion
Une heure trente. Je me retourne pour la millième fois dans mon lit, pensant encore à elle. Je ne sais plus exactement à quel moment je suis devenu à ce point obsédé par Holly. J’hésite entre l’instant où je suis entré un peu trop vite dans sa chambre hier soir, la trouvant à moitié nue - sans soutien-gorge pour être exact -, ou c’est peut-être à cause de sa façon de m’avoir répondu si naturellement : "Ben quoi, t'as jamais vu une paire de seins ?" Elle a ri, se détournant de moi avec sa nonchalance que j'adore.
Bien sûr qu’à dix-neuf ans, j'avais déjà vu une paire de seins, des tas même, elle le savait très bien. J'en avais déjà caressé, léché, sucé, mordu, palpé, malmené... Mais aucune de ces filles n'avait une poitrine aussi parfaite que la sienne. Ça fait des heures que toutes mes pensées vont vers ses deux beaux nichons fermes et dorés. Je fantasme sûrement sur eux parce qu'il m'est moralement interdit de les toucher, vu qu'Holly est ma meilleure amie. Depuis qu’on s'est rencontré à une fête chez Jake, un ami commun, trois ans auparavant, on ne se quitte pour ainsi dire, jamais. On a tout de suite accroché, c’est dingue, une véritable fusion. À peine arrivé sur place, je l'avais tout de suite remarquée avec ses grands yeux gris rieurs, ses longs cheveux châtains et son rire communicatif. Mais c’est quand elle m’a comparé à Jeff Goldblum que j'ai vraiment craqué. Pas que je ressemble à l'acteur mais Jurassic Park est mon film préféré, le sien aussi : autant dire que ça m’a fait plaisir de pouvoir partager ça avec quelqu’un. J'ai des copines, notre amitié n'a jamais été ambiguë. On est toujours fourré ensemble au bahut, en soirée, au café, au parc, chez elle ou chez moi... On parle de tout et de rien, on rit beaucoup. Durant ces trois ans, je me suis tapé pas mal de filles et elle, de mecs ; on se voit après nos rancards et on se raconte tout. Vraiment tout. Il n'y a jamais eu aucune gêne entre nous, c'est une chouette relation ; simple et fraîche, sans prises de tête. C'est ce que je croyais jusqu'à la vue de ses magnifiques nichons. Depuis, je n’arrive plus à la visualiser avec des fringues. “Cette relation n'est plus aussi saine maintenant que je me branle en pensant à elle”, remarqué-je en triturant ma bite toute dure. J’essaie tant bien que mal de m’épuiser en me masturbant à nouveau et cette fois j’essaie de réfléchir à d’autres filles qui m’excitent, sans succès. L’image d’Holly seins nus et souriante revient constamment dans ma tête et grâce à elle, j’ai l’impression de pouvoir jouir sans fin. Ce qui ne m’arrange pas vraiment, je vais être épuisé demain pour les cours. Penser à l’université me réfrène un peu, encore plus quand je vois les visages de mes parents exaspérés par mon manque de maturité. Ça me coupe toute envie et je débande illico. Note pour plus tard : Penser à mes parents pour débander. Je ne l’avais encore jamais fait (pourquoi l’aurais-je fait ?) et ça marche. Mon corps se détend enfin de toutes tensions sexuelles.
Je ne sais pas à quelle heure je me suis endormi mais la sonnerie tonitruante du réveil me sort brutalement du dix-huitième rêve que je fais avec Holly durant cette courte nuit. J'émerge difficilement de mes ébats torrides avec mon imaginaire débridé. Pourquoi maintenant ? Et pourquoi elle, bordel ? Je n’arrive pas à me l’enlever de la tête, il faut que j’arrête ! Je me pose un instant sur le dos, au milieu des dizaines de mouchoirs usagés qui jonchent mon lit. Bon, on est vendredi, me rappelé-je, le soleil brille et après les cours, je dois rejoindre Jake, Tyler et Nina à la plage pour picoler. Holly sera évidemment là et j’ignore comment je vais gérer de la revoir après l’avoir plantée d’un coup dans sa chambre. Elle a apparemment cru au mensonge que je lui ai envoyé par message où je prétextais un soudain malaise, du genre « vomi imminent ». Mais mon mutisme ne passera pas inaperçu, elle va me le faire payer, je la connais, je dois la contacter au plus vite avant qu’elle ne le fasse, énervée. L’imaginer m’engueuler me file une demi-gaule, je saute du lit pour prendre une douche froide et me remettre les idées en place. L’eau glacée me donne le coup de fouet qu’il me fallait. Je prends la décision d’agir le plus naturellement possible avec elle et ce soir, je cherche une fille pour assouvir mes pulsions. Je dois être en manque de cul, reportant mon désir sur celle qui est la plus proche de moi. C’est ça ! Je sors de la douche, plus confiant qu’en y entrant, je m’habille en vitesse et je pars de mon immeuble machinalement, sans regarder où je vais. Je sens que j’écrase quelque chose avec mon pied... Oh ! Un autre pied ! Je remonte la jambe et je reconnais de suite l’énorme T-Rex tatoué sur la cuisse d’Holly. Je rigole, elle a la même tête que la bête en ce moment. Soulagement. Tout est normal.
-Putain, Ethan ! Regarde où tu vas quand tu sors de chez toi comme un tricératops en rut ! Tu viens de m’écraser les orteils de tout ton poids et ça te fait rire. Tiens, prends ça, méchant !
Holly me frappe avec son sac avant de m’embrasser chaleureusement sur la joue. Je tressaute, surpris par son geste, pourtant quotidien et familier. Je m’écarte d’un bon, lui offrant mon plus beau sourire moqueur.
-Pour ta gouverne, Ellie Sattler, tu te trouvais au mauvais endroit au mauvais moment. Tu es un dommage collatéral de ma sortie empressée.
Ses seins. J’ai regardé vite fait et c’est déjà trop. Vite, remonte vers ses yeux espèce de débile ! Lâche une vanne, je sais pas, mais fais quelque chose, putain ! Pense à tes parents et ressaisis-toi ! Je n’en reviens pas comme ce truc fonctionne bien sur moi, je me calme direct. Il est temps parce qu’Holly trépigne d’impatience en tapant du pied devant mon soudain mutisme. Elle a l’air d’attendre que je reprenne mes esprits pour m’annoncer sa grande nouvelle. J’ai déjà peur de ce que je vais entendre mais je dois me comporter comme j’en ai l’habitude en l’écoutant puis en me moquant d’elle.
-Tu ne te sens pas mieux ? T’as l’air bizarre... Ailleurs.
Son inquiétude parait sincère, dépêche-toi de redevenir l’Ethan qu’elle connait sinon tu vas passer au détecteur de mensonges spécial Holly et ça, ça ne doit pas arriver.
-Si, un peu mais c’est pas encore la super forme. Alors, qu’est-ce que tu as de si urgent à me dire pour venir jusque chez moi à sept heure cinquante ? Tu n’as pas cours avant dix heures...
-J’ai rendez-vous ce soir avec Chad Bradley ! Chad Bradley, tu m’entends ? Je suis si excitée ! Je sais qu’il a un entraînement à huit heures et demi alors je voulais venir plus tôt à la fac pour faire mine de le croiser “par hasard”.
Elle a mimé les guillemets avec ses doigts sur ces deux derniers mots, elle fait tout le temps ça et elle a effectivement l’air excitée en se mordant la lèvre comme elle le fait. Sa bouche est souriante et ses yeux pétillent rien qu’à l’évocation de leur rencard, qu’est-ce que ça va être ce soir ? Je suis sûr que Chad va la défoncer sauvagement dans un coin sordide comme il le fait généralement avec sa horde d’admiratrices et ça ne me plait pas du tout. Je dois me montrer content pour elle alors que j’ai peine à cacher la haine qui m’envahit. Trop concentrée à penser à ce connard de Chad, Holly n’a pas l’air de remarquer mes sourcils froncés et les palpitations de ma mâchoire. Elle parle pour nous deux, ma présence semble lui suffire même si je ne pète pas un mot. Nous marchons côte à côte jusqu’à la fac après avoir pris deux cafés à emporter au shop en face de chez moi. Les quelques mètres qui nous séparent de l’entrée de la fac me paraissent être des kilomètres tellement j’ai envie de m’enfuir loin d’elle. Penser à ne pas avoir envie d’être avec Holly alors que je l’adore m’émeut, je suis en train de perdre la boule. Je suis limite heureux quand ce blaireau de Chad - rencontré “par hasard” évidemment - me l’emprunte au passage, bien que je regrette aussitôt de la voir partir en sa compagnie. En plus, il a fallu qu’elle se retourne vers moi pour me faire un clin d’œil... Si elle savait que mon regard sur elle a changé, elle ne voudra plus qu’on se fréquente aussi régulièrement... Voir plus du tout. Je dois trouver une solution rapidement sinon je risque de perdre ces choses qui me sont si précieuse : Holly et sa compagnie quotidienne et rassurante.
Ses seins. Bordel.
La matinée passe difficilement, j’écoute à moitié les profs, je m’isole chez moi pour déjeuner et me branler entre les nichons imaginaires de ma meilleure pote, puis je retourne subir les dernières heures de cours à la fac avant de me saouler sur la plage avec les autres et oublier Holly. Par chance (ou pas), elle n’est pas là (merci Chad), ce qui me laisse l’esprit vide pour draguer une fille ou l’autre et la ramener dans mon studio. Je trouve ma proie en deux petites heures seulement : Gwen, une jolie fille qui est en chimie avec moi. On a déjà baisé ensemble en début d’année et c’était pas mal, elle fera l’affaire cette nuit. Je m’enivre encore un peu pour être sûr d’agir de façon “mec en rut” et me vider les burnes sans réfléchir. Tant pis pour Gwen, l’année est presque finie et, bien qu’elle soit mignonne, elle n’est pas Holly donc je m’en tape de lui faire du mal. J’ai toujours respecté les femmes mais là c’est une question de survie. Quand elle commence à m’embrasser à pleine bouche, soutenant mon regard avec une intensité qui semble dire “prends-moi maintenant”, je décide de la ramener chez moi sans tarder. À peine rentrés, je la fous à quatre pattes sur mon lit, la pénétrant avec précipitation. Je croyais être assez imbibé pour ne pas imaginer Holly sous mes coups de butoir contre les fesses de ma camarade de classe, et bien… c’est raté. J’éjacule en trois minutes top chrono en prononçant le mauvais prénom. Gwen n’a pas l’air satisfaite, mais je m’en fiche. Je me sens tellement pathétique d’avoir joui en criant le prénom d’Holly au lieu du sien, que je la dégage sans ménagement. Elle m’insulte en ramassant ses vêtements et je l’entends encore hurler mon prénom suivi d’insultes jusqu’à ce qu’elle disparaisse au coin de ma rue. Je ne donne pas cher de ma peau mardi en chimie mais tant pis, c’est pas ça qui m’importe le plus en ce moment.
-”Ethan, espèce de con”, m’engueulé-je tout haut, “tu ne peux pas juste passer à autre chose ?”
Je me retourne encore et encore sur mon lit à peine défait par ce torride ébat de moins de cinq minutes (quel champion !), ressassant cette journée de merde. Mon téléphone vibre sur mon torse, je prie pour que ce ne soit pas Holly me racontant sa soirée avec l’autre débile. Mon pouls s’accélère, je n’ose pas regarder mais ma curiosité l’emporte. C’est elle, évidemment. Son message me fait balancer mon portable de l’autre côté de la pièce : elle dit qu’elle n’a jamais passé “un moment de sexe aussi merveilleux depuis Jordan Rage en quatrième” - son meilleur coup à ce jour - et qu’elle a “hâte de me voir demain pour me raconter son extase sexuelle avec Chad fucking Bradley”. Je me relève d’un bond, explosant ma lampe de chevet avec une fureur qui ne me ressemble pas, avant de mettre mon poing dans mon reflet sur le miroir de ma chambre. Bien entendu, je me coupe en ramassant les morceaux tranchants de mon visage éparpillé sur le sol. Je pleurniche comme une gamine : pathétique. En vingt-quatre heures, j’ai appris à me détester comme jamais, je ne me sens plus moi-même. J’enrage, je hurle, ma colère explose. J’ai envie de lui répondre, savoir où elle est mais je serais capable d’y aller et de faire des choses que j’allais certainement regretter. Aux grands maux, les grands remèdes, je décide de m’assommer à coup de barbituriques. C’est nul d’en arriver là alors qu’il y a deux jours, tout allait bien dans le meilleur des mondes mais il faut que je dorme. Que mon cerveau se mette sur off et que j’arrête de penser à elle. Mes idées commencent à devenir confuses, mon esprit s’égare... Deux heures du matin, bordel. Qu’est-ce qu’elle est en train de faire ? À ton avis, imbécile ?! J’aimerais tellement être invisible pour les espionner, elle et Chad, pensé-je fort avant de sombrer dans les abîmes médicamenteuses.
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