Cher inconnu,

En supposant que nous soyons dans la même école.

Je suis surprise que tu aies pris la peine de sortir ta plume et de m'écrire toutes ces lignes au sujet d'un simple titre de livre.

J'ignore si tu te joues de moi... personne ne m'avait jamais envoyé de billet comme le tien. Ni demandé d'y répondre en passant par la bibliothèque. Elle est vide, triste et silencieuse, il n'y a pas âme qui vive dans cet endroit. Le bibliothécaire même se meurt lentement dans l'attente d'une visite. Ce pauvre Monsieur Desivert s'est accoutumé à la solitude, à la faible lueur de sa lampe de bureau. Je pensais être la seule à m'y rendre, on ne s'est jamais croisés, toi et moi. Je suppose que tu lui trouves un certain charme, comme moi.

Pourquoi ne pas être venu me voir dans la cour devant le lycée ? Tu as l'air de m'espionner ; tu aurais dû constater que je suis souvent assise sur l'un des bancs, à l'ombre d'un tilleul. Ou tu aurais simplement pu venir à ma rencontre à la cafétéria, comme l'aurait fait une personne spontanée. Écrire pour correspondre est devenu une activité désuète. Surtout quand on a la chance de se voir tous les jours.

J'ai été fâchée d'être sollicitée pour une question qui me réduisait à une fille associable, seulement intéressée par des histoires sur papier dans sa petite vie peu enviable. Est-ce que c'est ce qu'on pense de moi au premier abord ? Que je ne prête pas attention à ce qui m'entoure ?

Je veux bien te laisser une chance. J'ai besoin de savoir ton prénom, maintenant ; c'est plus fort que moi. Surtout quand il s'agit d'un lecteur qui m'a fait découvrir Gaskell. Je l'ai d'abord feuilleté, curieuse. Puis je l'ai fini en une semaine. La fin est anéantissante.

J'aimerais savoir ce que tu penses de la relation entre Sylvia et Philip?

Ellie.

PS : Le roman d'octobre, c'est Petits oiseaux de Yoko Ogawa.