Chapitre 20 :
Je me regardai dans le miroir, interloquée. J’étais passée chez le coiffeur il y a déjà deux heures. Et je n’arrivai déjà pas à me faire de mon visage. Mes cheveux m’arrivaient désormais à peine au menton et prenait une teinte plus foncée avec des reflets auburn. Je devais laisser tomber mes lentilles de contacts pour des lentilles qui donnaient à mes pupilles une couleur verte, et je remettais mes lunettes correctrices par-dessus. Je n’étais pas du tout prête à sortir comme cela, que ce soit devant mes amis ou dans la rue. Pour ne pas être reconnu, c’était chose faite. Je m’écroulai sur mon lit en roulant sur le ventre pour enfoncer ma tête contre l’oreiller pendant un bref instant. La porte toqua et je marmonnai un presque inaudible « entrer » sans vérifier qui entrait. La personne ne parlait pas, et ne faisait aucun bruit, en tout cas, s’il s’approchait, je ne l’entendis pas. Je me redressai et faillis me cogner contre l’épaule de Nathan qui venait de s’asseoir au bord du lit. Je le regardai dans les yeux et il posa délicatement sa main sur ma joue avant de ramener le pouce coller à ses autres doigts. Je fermai les yeux et posai ma main sur la sienne en souriant. Peut-être que je ne devrais pas profiter de ce moment… Je n’en savais rien.
— Cela va aller ? se renseigna-t-il d’une voix douce.
— Sûrement pas, mais je n’ai pas le choix. Tu le sais très bien.
— Je suis désolé… tout ça c’est de ma faute et…
— Tu as fait ce que tu as pu point. Te blâmer ne te servira à rien. On paye tous les conséquences de nos actes, qu’ils soient bons ou mauvais.
Il se leva et me tendit sa main que j’acceptais pour me lever à mon tour. Il ne la lâcha pas, et je ne la lâchai pas non plus.
— Des conseils à me prodiguer ? suggérai-je.
— Les regards de mes amis risquent de te paraître assez… étrange et stressant. Ignore-les et fait comme si de rien n’était. Ils essayeront juste de te tester de cette manière. N’en sois pas déstabilisée.
Je ne répondis pas, et il lâcha ma main pour m’encadrer le visage.
— Hey, je vais te sortir de là, d’accord ? Qu’importe le moyen. Je ne laisserai pas ta vie devenir un cauchemar.
Je posai ma tête sur son torse et il passa ses mains dans mon dos. Cela me rassurait de savoir qu’il était là pour moi maintenant. Il était devenu lui-même, en plus mature, en plus assagis. Il n’était plus celui qui restait froid et énigmatique. Malgré tout ce qu’il avait vécu, je pouvais imaginer à quel point il avait dû se sentir mal pendant des années. Il s’éloigna un peu en reprenant ma main et m’entraîna avec lui. Je le lâchai lorsqu’on entra dans le salon où il y avait toute la colocation rassemblée. Je ne me sentais pas vraiment très bien mais je tentais d’ignorer la boule qui se formait dans ma gorge. Tout le monde me dévisageait à part Nathan qui me tendit mon manteau que j’enfilai. Seulement Clément, Dorian, Mallo et Dylan étaient au courant. Pour les autres, j’avais prétexté une envie de changement, chose qui ne me ressemblait que quand j’allais mal. Pourtant, ils n’ont pas bronché et n’ont fait aucune remarque sur la quelconque raison qui aurait pu me pousser à changer comme cela.
— Pour changer, c’est réussi, souffla Linda. Et on peut savoir où est-ce que vous allez les amoureux ?
— On n’est plus ensemble depuis longtemps, répliquons-nous fermement en même temps d’une même voix amère.
Sa main effleura la mienne et je répondis qu’on devait parler à Vanessa et on partit de la maison. Je m’installai à la place passagère, comme depuis quelques jours dans sa voiture. Le trajet se déroula en silence, je ruminais le changement la tête posée contre la vitre et appréhendait la suite des événements et de ma vie comme si tous allaient mal se passer. Peut-être que c’était le cas… J’avais aussi peur de rencontrer le gang de Vanessa et de Nathan. Même s’ils en faisaient partie, cela ne me rassurait tout de même pas. C’était là où ils étaient partis sans explications et où ils s’étaient terrés pendant des années. J’avais quand même des a priori par rapport à cela, de plus, si cela se trouvait être dans le même milieu que celui de Lucas, ce qui était fort probable, même accompagnée j’aurais du mal à me sentir totalement en sécurité. La voiture s’arrêta plus tôt que j’avais prévu. Je détachai ma ceinture et il me retient la main alors que j’ouvris la portière. Je ne cachais pas ma surprise lorsque je fis volte-face et il approcha le visage du mien et s’arrêta lorsque nos nez se touchèrent. Il serra légèrement plus fort ma main et je fis glisser l’autre sur son bras. Le sang nous remontait aux joues et on rigola nerveusement tous les deux. Je fermai les yeux et l’embrassai. Doux et rapide. On se détacha et je clignai des yeux alors qu’il se mordit la lèvre.
— Je t’aime toujours… prends le temps de réfléchir, je t’en pris.
Il ne dit rien de plus et sortit de la voiture en même temps que moi. Il me rejoint sur le trottoir et attrapa ma main avant de marcher vers une ruelle aussi douteuse que laquelle j’ai dû passer pour rejoindre le QG de Lucas. Néanmoins, cette ruelle-là était tout simplement déserte et je ne privai pas d’en faire la remarque. Nathan expliqua qu’il y avait très peu de toxico dans son gang et qu’il accueillait les SDF qui s’aventuraient dans cette ruelle. Je trouvais cela sympathique de leur part. Je me demandais comment un groupe de personnes pouvaient-ils et faire du trafic de drogues, des braquages et tournés dans de salles histoires avec d’autres gangs alors que d’un autre côté ils accueillaient généreusement des sans-abris. Je ne lui posai pas la question. Nathan s’arrêta et s’appuya contre le mur en jetant un coup d’œil derrière lui.
— On va attendre Vanessa, murmura-t-il.
Je hochai la tête et un silence s’installa entre nous. Il vérifia si Vanessa ne lui avait pas envoyé un message et il activa le mode avion de son téléphone. Il sembla se perdre dans ses pensées, évitant l’embarras qui pouvait s’installer si on faisait attention l’un à l’autre. Je le regardai pourtant, en pensant. Il m’aimait toujours. Il le disait. C’était cela qu’il voulait dire quand il disait lorsqu’il disait que rien n’avait changé. Et je ne savais pas quoi faire car même si ce n’était pas de sa faute qu’il soit parti, il avait quand même fait et j’avais été blessée. Mais je l’aimais toujours, et c’était ce que je ne voulais pas vraiment. Néanmoins, je le réalisai, je le savais, et au fond de moi, mon cœur le choisissait toujours. Il était lui-même, plus assagis et touchant. Je serrais si fort mes poings que je les relâchais vite sentant les ongles formés des petits croissants sur les paumes. Je n’arrivais pas à capter son regard pour lui faire comprendre que je voulais lui parler, il semblait tellement perdu dans ses pensées…
— Est-ce que tu te rends compte de ce que tu me demandes ? criai-je presque en me postant devant lui.
— Quoi ?
Il avait pris une si petite voix que je faillis me raviser mais même si le sang me montait aux joues je balançai brusquement le bras sur le côté en parlant d’une voix un peu trop forte :
— Tu te rends compte de ce que tu dis au moins ? Tu me dis je t’aime, en me disant de réfléchir à nous. Alors que je ne t’ai jamais oubliée, que les sentiments sont revenus. Et pourtant, tu sais quoi ? Oui, je t’aime. Mais j’ai toujours cette colère contre toi, et cette haine et ma fierté ! Et je ne sais tellement pas quoi faire que j’ai l’impression d’être une folle ! Une folle ! Et c’est ce que je suis depuis que tu es…
— Tu n’es pas folle ! Je veux juste que… tout soit un minimum normal alors que cela ne l’a pas été pendant des années ! Tu ne peux pas savoir à quel point je souffrais parce que je t’aimais ! Alors, ouais, je veux qu’on soit ensemble. Parce qu’on l’a été, et que c’est la seule chose qui est restée intacte de nos passés : nos sentiments. Alors oui, je comprends ta colère, alors laisse-la sortir de temps en temps. Laisse-toi me détester quelques fois si cela te plaît. Mais ne nous laisse pas tomber alors que la flemme renaît et ne s’éteint pas.
Je restai bloquée sur sa dernière phrase qui se répétait en boucle dans ma tête comme un écho. Il se décolla du mur et je le repoussai contre en posant mes lèvres sur les siennes, serrant les bouts de son manteau entre ses mains. Je sentais une de ses mains dans mes cheveux et l’autre sur ma taille. Au finalement, je ne voulais plus me priver de lui car cela faisait mal inutilement. Je finis par rompre le baisé pour respirer et il me garda à quelques centimètres de lui comme s’il ne voulait plus me voir loin de lui. Je posai ma tête contre son torse en posant mes pieds à plats sur le sol.
— Ah bah dites donc, cela avance vous deux ! fit remarquer Vanessa en arrivant.
On se sépara et aucun de nous ne prit la peine de lui répondre, ce qui la fit rire. Cependant, elle reprit vite une mine sérieuse en contemplant la porte qui se trouvait juste à côté de nous. Nathan avait beau qualifier le gang comme une famille, Vanessa aussi, ils semblaient retenir quelques mauvais souvenirs de leur passage ici. Des souvenirs que je pouvais deviner être assez sombre. Et j’espérais que ce ne soit pas trop mon cas. Je ne comptais pas m’y engager de toute manière, mais ma liberté allait y être discutée. Tout reposait sur les paroles convaincantes de Nathan et Vanessa.
— Faut que je parle à Billy, mais je vous rejoins après, déclara Vanessa en ouvrant la porte.
Nathan me prit la main et on entra à notre tour. Il referma la porte et on descendit un grand escalier étroit et faiblement éclairé. Heureusement que je n’avais pas opté pour mes talons comme à mon habitude. Leur quartier général ressemblait beaucoup à une boîte de nuit avec plusieurs pièces en rajouts. Je me laissai guider par Nathan qui connaissait parfaitement cet endroit quelque peu imposant. Il y avait vraiment beaucoup de personne se trouvant dans la salle qui discutaient entre eux alors qu’il y avait de la musique en fond. Comme Nathan m’avait prévenue, beaucoup de regards étaient braqués sur moi, même si je pensais que c’était surtout parce que j’accompagnais Nathan. On me dévisageait et relookait de toutes parts. Je les ignorais et lorsque j’en rencontrais certains, je les assaillais de toute la noirceur que je pouvais avoir. Nathan et Vanessa faisaient peut-être confiance à ses personnes, mais pas moi, je restais méfiante. Je repérai mon ancienne meilleure amie du coin de l’œil. Elle parlait avec un homme brun, d’une trentaine d’année qui faisait plus de deux têtes qu’elle. Elle paraissait très sérieuse et soucieuse et son interlocuteur aussi. Mes mains étaient tellement moites. Je pris vraiment conscience que j’avais peur. On s’arrêta enfin et Nathan relâcha ma main, se rendant compte qu’il la serrait un peu trop fort. On était devant un bar et je m’installai sur un tabouret, à côté de Nathan qui scrutait la foule. Une grande blonde aux cheveux bouclés et très maquillée s’approcha alors que j’activai le mode avion de mon portable. Elle s’installa de l’autre côté du bar et on se retourna.
— C’est elle ? souffla-t-elle en me regardant alors que Nathan confirma à mi-voix. Elle est plutôt mignonne.
— Je ne ressemblais même pas à cela il y a deux heures, répliquai-je sèchement.
Nathan rigola avant que la jeune femme sourit à son tour. Il lui montra une photo de moi avant et on fut ébloui par les lumières qui remplacèrent les projecteurs de lumières colorées. La foule s’écarta sur les côtés et Vanessa nous rejoignit rapidement alors que l’homme avait qui elle parlait s’avançait en plein milieu, encadré d’une femme brune aux multiples tatouages et piercings et d’un autre homme plus petit que lui qui était vêtu d’un costard cravate.
— C’est qui ce grand homme avec qui tu parlais et qui s’avance ? me renseignais-je discrètement auprès de Vanessa qui s’appuyait contre le bar en penchant la tête vers le bas pour parler à la fille dont je ne connaissais même pas le nom.
— C’est Billy, annonça Vanessa. C’est le grand chef de la bande quoique ses bras droits et certaines personnes possèdent une place importante et influente.
— Et vous faites partie de ses personnes ?
— Nathan oui, moi, non. Très peu de personnes arrivent à démontrer une grande valeur pour devenir important. Et Billy choisit sérieusement. Il sélectionne des personnes qui ont la tête sur les épaules et qui sont susceptibles de choisir les meilleures décisions possibles, en qui il place sa confiance et qui s’attend à ne pas être déçu.
— Malheureusement, comme je vais aussi parti de cette décision, je n’ai pas le droit de trop appuyer l’avis des gens, juste, de dire ce que je pense, renchérit Nathan.
— C’est déjà bien, Nathan. Vu son caractère, elle s’en sortira très bien dans le gang, assura la blonde.
— Ce n’est pas dans ses projets de rentrer dans le gang, la contredit Nathan en me regardant.
— Pourtant, elle serait un excellent élément, continua la jeune femme. Ou alors c’est peut-être toi qui ne veux absolument pas qu’on la recrute ? Ne me dis pas que c’est cela quand même ? On connaît tous ton côté protecteur, mais on n’est pas des sauvages ici. Tu le sais en plus même si nous ne sommes pas les personnes les plus accueillantes ! Comme si cela viendrait à l’idée de faire du mal à une nouvelle…
— Je n’ai pas vraiment réfléchi à l’éventualité de vous rejoindre, murmurai-je en scrutant la foule qui commençait à s’animer alors que les trois personnes du milieu se concertait entre eux.
— Tu devrais, répliqua la jolie blonde en offrant un verre à Vanessa qui lui assura qu’elle le boirait plus tard.
— Comment t’appelles-tu ? continuai-je en me retournant vers le trio qui discutait encore entre eux.
— Samantha. Sam pour les intimes, précisa-t-elle.
Elle semblait être une jeune femme très bavarde puisqu’elle parla avec Nathan et Vanessa en attendant la suite des événements. J’étais dans l’incapacité totale de poursuivre une conversation, alors, j’espérais que je n’aurais rien à dire pour je ne sais quelle raison. Nathan offrit son tabouret à son amie et se plaça entre eux et passa le bras autour de mes épaules. Je posais pas tête sur son épaule en soupirant.
— Cela va aller, promit-il.
Je n’en étais pas vraiment certaine mais je n’objectais pas. La foule se tut alors que l’homme prénommé Billy s’empara du micro. Il expliqua donc la situation. En reparlant du petit-frère de Nathan, une tension électrique se sentit et je plaçai mes mains sur mon visage en fermant les yeux. Je n’arriverais pas à sortir d’ici sans faire une attaque de panique. Mon cœur battait tellement fort et j’avais l’impression de commencer à suffoquer. Je n’arrivais même pas à me reprendre. Lorsqu’il eut terminé, la foule se remit à parler mais il la fit taire rapidement en reprenant la parole.
— Comme d’habitude nous procéderons par un vote, et si des personnes veulent absolument donner un avis quelconque, manifestez-vous. En attendant, nous allons écouter ce que Nathan et Vanessa vont nous dire, de plus, nous écouterons Leïla et Jamie et un de vous pour représenter l’opinion du reste. C’est un choix, certes très importants pour tous le monde, mais il sera décidé de la même manière que tous les autres.
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