Chapitre 41 :
L'après-midi fut très tendue. On se regardait en chien de faïence : moi, Jimmy, Linda et Maëlle. J'avais donné de piteuse nouvelles sur Pola. Lorie et Clément comptaient aller la voir alors que nous discutions. J'avais aussi parlé un peu avec Clément. Il fallait agir vite, parce qu'il ne savait pas non plus combien de temps le père de Nathan allait pouvoir être dupe. Les parents de Lucas aussi d'ailleurs. Je leur avais aussi révélé l'identité du traître. Je crus bien que Jimmy allait se barrer tellement que les traits de son visage se déformaient à cause de la colère. Il devait vivre mal le fait de voir son frère et un de ses amis proches se faire kidnapper et maltraiter par son chef qui pouvait le faire couler à tout moment. Je ne savais pas exactement ce qu'il avait effectué pour David, mais à ce que je pus en déduire, ce n'était pas des choses très honorables. Cela me fit mal au cœur de voir où il était tombé.
Aucun de nous ne prit la parole. On attendait que quelqu'un débute. Et pour cela, il fallait que quelqu'un arrête d'attendre les réactions des autres.
— Je veux bien le tuer si vous ne vous sentez pas de le faire, commençai-je.
— Non Laurianne. Tu as été dans ce monde parce que tu étais obligée pour ta sécurité. Ce n'est pas à toi de payer le prix.
Maëlle hocha la tête et ses propos sur son enfance et son adolescence me remontaient dans l'esprit. Lucas et Maëlle n'étaient pas les mêmes personnes, mais il y avait des points communs dans leur enfance.
— Vous non plus, répondis-je. On a tous eu des raisons différentes pour entrer dans ce monde. Rien est comparable.
— On peut faire un tirage au sort, proposa Jimmy à voix basse alors qu'il ne semblait même pas lui-même très convaincu par sa proposition.
Peut-être parce qu'il craignait que la chance ne soit pas avec certaine personne ? Son annonce flotta entre nous un petit moment alors que je regardai ma montre. Cela faisait déjà beaucoup trop longtemps que Lucas et Nathan avaient été enlevés.
— Le tirage au sort me va. Ce sera au petit bonheur la chance, accepta Linda.
— Au moins on ne choisira pas de nous même. On n'aura pas un poids sur la conscience même si ce n'est pas simple ce choix, renchéris-je.
Maëlle secoua tristement la tête et Jimmy allait déjà prendre les petits bâtons qu'il préparait avec les bâtonnets en bois pour brochette. Je restais pensive et on ne parlait pas trop. Sûrement le stress qui nous rendait beaucoup moins aimables. Maëlle enfouit son visage entre ses mains et je lui pris une main en la regardant.
— On va le sauver ton frère, affirmai-je. Si je ne les sauve pas, je ne me le pardonnerais jamais.
—Lucas avait raison, souffla Maëlle. Lucas pensait que l'on était prêts à vivre nos vies sans l'aide des gangs pour nous protéger. Mais je ne voulais pas. Je ne me sentais pas prête… et maintenant… voilà où on en est !
— Ce n'est pas de ta faute, murmura Linda à l'oreille de Maëlle. Si Lucas n'était pas d'un naturel protecteur, il aurait pris son indépendance.
— Il est en danger de mort, glapit la jeune femme en pleurant. C'est ma faute.
— Non Maëlle. Ce n'est pas ta faute mais la mienne, déplorai-je. Si Lucas ne m'avait pas connue, il n'en serait pas…
— C'est surtout de la mienne, ajouta Jimmy en arrivant. J'ai entraîné Nathan dans ce monde et cela t'a mise en danger puis tu as dû t'y immiscer. Et il s'est passé ce qu'il s'est passé. J'ai tout déclenché.
— Ne te blâme pas, le rassurai-je en le serrant dans mes bras. On a tous un rôle à jouer tu sais. Ne te remets pas toute la culpabilité.
— Puis, cela ne sert à rien d'alourdir votre peine comme cela. Vous partirez pessimistes et ce n'est pas cela qui faut si vous voulez les sauver.
On se retourna vers Vanessa dont on n'avait même pas remarqué la présence et qui se décolla du mur, le regard sombre.
— J'ai appris pour Nathan, commença-t-elle en s'adressant à moi et en me lançant un regard qui voulait me dire : "tu as intérêt à finir avec lui" . Qu'est-ce que vous faites ? Vous avez décidé de faire quelque chose…
— On fait un tirage au sort pour savoir qui va tirer sur David, prononça froidement Maëlle qui n'avait pas l'air d'apprécier plus que cela Vanessa.
— Bien ! Ajoute un dernier bâton, Jimmy. Je tire aussi.
Jimmy grogna et retourna dans son coin pour couper un nouveau bâton. Les regards que Vanessa lançait à Maëlle refroidirent l'ambiance, directement. Ce qui m'agaçait, car ce n'était pas le moment de créer des tensions alors que l'on devait s'entendre pour sauver deux personnes.
— On sauvera aussi Lucas je suppose, dit Vanessa sur un ton sarcastique.
— On tuera David donc cela sauvera tout le monde, assura Maëlle avec une voix cordiale.
— On doit se parler après, me dit-elle durement.
Je l'ignorai et me levai pour me servir un verre d'eau. La discussion de tout à l'heure risquait d'être houleuse. J'avais intérêt à me faire à l'idée car je savais que Vanessa pouvait faire très mal dans ses paroles. J'en connaissais quelque chose… Jimmy revint avec le nombre voulu de bâtons et demanda à Mallo de tenir les bâtons.
— Plus petite ou plus grande ? Celui qui tuera David, précisa Jimmy.
— Plus petite, choisit Linda puisque personne n'eut la force et l'envie de répondre.
On avait tous la pression. Chaque personne espérait que cela soit quelqu'un d'autre mais cela tomberait bien sûr quelqu'un. Et cela ne serait agréable pour personne. On resta en apnée tout le long. On choisissait les bâtonnets les yeux fermés, sans pouvoir avoir une idée. Lorsque l'on rouvrit les yeux, on posa nos bâtons sur la table. Je remarquai rapidement que j'avais le plus petit. Comme quoi, tout s'accordait : j'étais petite et j'obtenais le plus petit. Les autres me fixèrent péniblement. Maëlle avec un regard désolé, celui de Vanessa était déterminée.
— J'avais bien fait de me proposer, marmonnai-je. Maintenant, on doit savoir…
— Laurianne ! Il y a une enveloppe rouge pour toi ! me coupa Dylan en la déposant devant moi sur la table.
Je le remerciai en fronçant les sourcils. Je n'attendais pas de lettres particulières à part les derniers résultats de mon père. Mais dans une enveloppe rouge… cela paraissait trop louche pour être cela. Je la pris précautionneusement entre les mains. Elle était légère, il n'y avait rien de lourd dedans. Je la retournai, il y avait écrit mon prénom et mon nom sur cette face. Maëlle se cambra, n'étant pas du tout rassurée.
— C'est l'écriture de David, affirma-t-elle avec Jimmy.
Et cela ça ne voulait rien dire de bon pour moi. Je ne sais pas ce que cela pouvait m'annoncer, mais indéniablement rien de bon. Et les autres semblaient assez d'accord avec moi. J'ouvris l'enveloppe rouge et Jimmy me demanda de la lire. Je m'exécutai :
— Laurianne, c'est David. J'imagine que Maëlle et Lucas t'ont parlé de moi et de mon caractère. Ce que tu as trafiqué au sein de mon gang… c'était intelligemment tenté. Rallier Lucas et Maëlle à ta cause, tu as fait fort ! S'il y a d'autre personne qui essayait de t'aider, je les trouverais. Préviens les avant qu'ils subissent le même sort que tes deux petits-copains. Qui préfères-tu d'ailleurs ? Je vais être clair, très clair. Je ne te laisse pas le choix. Je sais que tu connais la ruelle du quartier général. Je te donne rendez-vous là-bas, demain à vingt heures. Tu peux venir seule ou accompagnée. Je m'en fiche. Il y aura Lucas et Nathan, à ma merci. Et demain soir, tout sera terminé. Et je t'assure que tu ne pourras sauver personne.
Génial… il ne manquait plus qu'une menace de David, c'était le pompon !
— Tu ne peux pas tuer David, admit Maëlle. Si tu te ramènes demain avec une arme, tu te feras abattre avant même de l'avoir pointé sur David…
— Maëlle a raison, concéda Jimmy. Tu ne peux pas le tuer dans cette situation. On refera un tirage au sort sans toi, ou on en discutera.
— Mais demain, c'est sûrement notre seule occasion ! analysa Linda.
— Oui. Et on fera cela demain, qu'importe qui le fera et qu'importe ce qui arrive.
Je commençai déjà à stresser. J'éloignai l'enveloppe et la lettre de moi. J'avais très peur pour Nathan et Lucas. Une menace planait sur eux, et je ne pourrais rien faire. Jimmy me promit que tout allait bien se passer mais j'avais des doutes. Vanessa comptait prévenir le gang pour qu'il reste en retrait et agir si cela tournait mal. Même si cela lui coûtait de dire cela, Maëlle fut d'accord. Vanessa se leva et m'entraîna dans ma propre chambre alors que je n'eus même pas la force de m'y opposer. Je tombai mollement sur mon lit alors que j'attendais qu'elle me parle.
— J'attends, m'annonça-t-elle. Je t'écoute.
— Quoi ? Que veux-tu que je te dise ?
— Qui est-ce que tu vas sauver ?
— Tu es sérieuse ? m'exclamai-je en écarquillant les yeux. Tu me crois comme ça ? Tu penses que je ne sauverais qu'un seul d'entre eux et tu as peur que ce ne soit pas Nathan ! Pour qui me prends-tu ? On sauvera Nathan et Lucas ! m'énervai-je en accentuant sur le "et".
— Laurianne, soupira Vanessa. Ce monde n'est pas tout beau, tout blanc et tout rose. Je pensais que tu l'avais compris… y a peu de chance pour que les deux s'en sorte. Même toi.
Je restais muette car Vanessa avait raison et cela me frustra. Je ne voulais pas voir les deux mourir. Aucun des deux ne le méritait, et cela me faisait mal au cœur. Ils m'étaient beaucoup trop importants.
— Désolé d'être aussi froide avec cela, dit mon ancienne meilleure amie avec un tremblement dans sa voix. Mais Nathan m'a beaucoup aidée quand j'étais seule et sans personne. Il ne mérite pas de mourir.
Elle s'assit à mes côtés et je me laissai tomber sur le dos. D'un coup, je me sentais moins seule à être meurtrie par cette situation. J'avais tellement été centrée sur moi-même que je ne pensais même pas que quelqu'un d'autre pouvait en souffrir. C'était terrible ! Quelle égoïste je faisais, avec une des personnes qui avait le plus compté pour moi dans ma vie. Il y avait aussi Maëlle et Jimmy qui vivaient mal la situation. Eux, cela devait même être pire puisqu'ils avaient des liens de parentés. Peut-être parce que j'étais moi-même menacée par les ravisseurs que j'agissais comme cela, mais j'agissais peut-être mal… peut-être que je devais être plus courageuse. Je ne savais pas.
— Est-ce qu'il en vaut la peine ? murmura Vanessa en se tournant vers moi.
— Qui ? questionnai-je.
— Lucas. Est-ce qu'il vaut vraiment la peine de briser le cœur de Nathan ? D'abandonner ce que vous continuiez à construire depuis des années ?
— Je crois, fis-je en me sentant mal. Je n'aime pas laisser tomber les gens et j'ai toujours des sentiments pour Nathan. Mais après tout cela, je crois qu'il est temps que je tourne la page sur certaines choses.
— Sur quelles choses ? s'enquit Vanessa.
— Je ne sais pas… je ne suis pas encore bien sûre sur quelque chose, mais il a des choses que je sais où je veux qu'elles se dirigent.
— Fait le meilleur choix, pas seulement pour toi mais aussi pour le reste des personnes. Tes actes auront des conséquences, comme tout le monde. C'est comme cela que ça fonctionne.
Je hochai la tête. Cela, je le savais déjà, ce n'était pas nouveau. Je ressassais dans ma tête tout ce qui s'était passé depuis que Nathan était revenu dans ma vie… certains moments avaient été merveilleux et d'autres instants avaient couru à la catastrophe ! Il y avait eu des bons moments malgré tout… je passai du sourire à l'expression abattue en y repensant. C'était terrible ce ressenti !
— Penses-tu qu'un jour, tout redeviendra comme avant ? espéra Vanessa en se triturant les mains.
— Quoi comme avant ?
— Notre amitié… toi et Nathan… la vie d'avant.
— Non, cela ne sera plus jamais comme avant.
Cette déclaration, c'était la chose à laquelle j'avais le plus de certitudes. Le regard de Vanessa me poussa à argumenter un peu plus ma réflexion pour qu'elle comprenne que cela ne sera plus jamais comme avant :
— Nos rapports ont changé, nos vies ont changé, on a changé. On a rencontré de nouvelles personnes. Plus rien ne sera comme avant.
Vanessa hocha tristement la tête puis la posa sur mon épaule. Je sentis mon t-shirt se mouiller et mon ancienne meilleure amie commença à pleurer. Je la pris dans mes bras et elle pleura de plus belle, nostalgique du bon vieux temps.
— C'est horrible de devoir grandir, sanglota-t-elle.
— Mais c'est la vie, c'est comme ça ! Il va falloir que tu t'y habitues car on ne peut pas retourner en arrière malheureusement.
— On était bien tellement bien petite. Tu ne peux pas savoir à quel point cette époque me manque, marmonna Vanessa. La vie est tellement plus compliquée lorsque l'on est adulte.
— À qui le dis-tu ! commentai-je.
Les vies de tous le monde étaient difficiles ces derniers temps avec tout ce qu'il se passait. Personne ne faisait exception. Et c'est cela qui était dur à digérer.
— Il va falloir bien te préparer et te reposer ! insista Vanessa. Tu vas risquer ta vie demain. Et ceux qui vont en ressortir vivants peuvent s'estimer chanceux !
Je déglutis péniblement alors que je pensais qu'à ce que Nathan et Lucas pouvaient bien vivre. Leurs situations étaient sûrement bien pires que la mienne lorsque j'avais été captive. Il fallait les sortir de là, vivants. Si un des deux mourait, je ne me le pardonnerais jamais.
+++
Je ne passai pas une bonne nuit. La fin de toute cette histoire me stressait beaucoup trop. Vers quatre heures du matin je dus demander à Linda un somnifère pour bien dormir. Cela fit effet heureusement effet, mais à mon réveil, je ne me sentis pas vraiment réveillée.
Je restais enfermée dans ma chambre pendant toute la journée. Je ne sortis pas, ne parlais à personne, n'acceptais pas que quelqu'un rentre dans ma chambre et ne mangeais pas. Je pris juste une douche et m'habillais. Je passais ma journée immobile à réfléchir sans parler à me rendre compte que la peur et l'angoisse grossissaient et m'étouffaient petit à petit. J'étais seule et je maîtrisais sans peine la crise de panique qui avait faillis surgir.
Le sort de Nathan et Lucas n'étaient pas la seule chose qui me tracassait : qui allait tuer David ? Je ne savais pas et après la réunion, ils n'avaient pas révélé plus. Je m'inquiétais pour mes amis et je ne savais pas comme cela allait se dérouler pour lui. Je n'avais pas fermé la porte car les autres savaient que je ne voulais pas être dérangée, néanmoins, cela n'empêcha pas Dorian de rentrer.
— Tu devrais manger un peu, conseilla-t-il en lançant une pomme qui se posa à quelques millimètres de ma tête.
Je n'étais pas aussi douée pour les tirs… je n'étais pas douée du tout d'ailleurs. Je me redressai, pris la pomme, croquai et mâchai. Je n'avais pas faim, donc j'avais du mal à avaler. Pourtant je savais que s'alimenter et s’hydrater étaient importants. C'est pour cela que je me forçai à manger la pomme même si je ne ressentais pas le besoin de manger.
— Cela va bien se passer, assura mon ami en s'asseyant à mes côtés. Recharge tes batteries si tu ne le fais pas, c'est là où ça risque de mal se passer.
— Tu ne peux pas savoir, rétorquai-je en fixant ma pomme.
— Tu as intérêt à ressortir indemne en un seul morceau, soupira mon ami. Tu devrais descendre. L'heure approche et on t'attend en bas.
— Qui est-ce qui m'attend ?
— Viens ! Vanessa est en bas aussi.
— Qui garde Aaron ? s'enquis-je.
— Marius ! Fait pas cette tête ! Pour qui nous prends-tu ? On n'allait quand même pas laisser notre enfant seul à l'appartement ! Bon, on t'attend ! Tu ne devrais pas trop te faire attendre pour qu'on puisse partir. David n'aime sûrement pas quand on est en retard.
Il avait raison, mais j'allais y aller à reculons. Je ne voulais pas que la fin commence. Je n'étais pas assez courageuse pour cela. Pourquoi le destin m'avait choisie pour cela ? Je n'étais pas la personne la mieux forgée pour ce monde. Pas du tout. Je ne terminai pas ma pomme et la laissai négligemment sur mon lit. Je me levai lorsque Dorian commença à descendre l'escalier. Je rattrapai mon ami et on dévala les escaliers. Billy se tenait debout dans le salon, échangeant un peu avec Vanessa. Lorsqu'il me vit, il s'approcha et posa ses mains sur mes épaules. C'était assez réconfortant.
— Le reste des personnes du gang viendra après nous. Ils seront discrets, je te le promets… cela va aller ?
— Il le faut, soufflai-je. Pour tout le monde.
Il hocha la tête et s'aperçut que j'étais si déboussolée qu'il me prit dans ses bras. Je fis tout pour ne pas perdre le contrôle et ne pas me laisser aller. J'avais envie de pleurer, j'avais envie de savoir Nathan et Lucas sains et saufs. Heureusement je pris mon courage à deux mains : je devais affronter tout cela pour que les deux jeunes hommes aillent mieux. Pour que tout cela se finisse et que l'on quitte le monde dangereux des gangs. On ne partit pas immédiatement. Billy resta un moment au téléphone à donner des ordres aux membres de son gang qui surveilleraient de loin comme de près le déroulement de l'événement. Les recommandations étaient basiques mais utiles :
- Ne pas trahir sa position.
- Observer du mieux possible chaque personne et chaque détail susceptible d'être important pour sauver Nathan et moi.
- N'agir que lorsque la situation devient extrême.
- Ne tuer personne même si la situation devient extrême.
C'était sûrement les points les plus importants auxquels Bill pensait, mais je n'en voyais pas d'autres alors je ne lui redis rien. Je partis m'isoler un moment. Je ressentais tellement de pressions lorsque j'étais entourée de gens. Je reçus un message de Jimmy :
On s'est rassemblé avec Maëlle, Linda et Clément. J'espère qu'on pourra faire ça à temps pour que personne ne meure.
Je ne répondis pas, ce n'était pas nécessaire. Je me demandais juste pourquoi Clément y allait. Pour observer son meilleur ami se faire tuer ou survivre ? Ou pour tirer pour être certain que cela n'arrive pas ? Je ne comprenais pas vraiment, Clément m'avait prévenue sur les gangs et pendant des années il maintenait des limites pour ne pas être dans ce monde. Je ne voyais pas l'utilité de faire cela pour après finir par tomber dans le plus sombre de ce monde. Je croisais les doigts pour qu'il ne fasse pas de bêtises ! Je relevai la tête, les mains appuyées sur le bord du lavabo et je me fixai dans les yeux sur le miroir. Je ne me rappelais pas d'avoir pleuré, mais mes yeux étaient rouges. Je me morigénai d'être plus forte, de ne pas me montrer faible et de ne pas m'apitoyer sur mon sort. On toqua à la porte. Je projetai de l'eau sur mon visage et ouvrit la porte. Billy s'y trouvait.
— Tu… En as-tu besoin ? dis-je penaude en montrant légèrement la salle.
— Non. Je venais te dire qu'on allait y aller, prévint Billy avec douceur.
Je hochai la tête et refermai la porte. On partit vers le salon.
— Laurianne… je veux que tu saches que tu n'auras pas à te sentir coupable après ce qu'il va se passer. Tu dois comprendre que rien ne sera de ta faute. Ok ?
— Je vais essayer, assurai-je même si je savais déjà que je n'y arriverais pas. Je ne sais vraiment pas ce qu'il va se passer et comme je sais que c'est dangereux, j'ai peur.
— Quelqu'un va mourir, affirma-t-il avec certitude. Cela ne serait pas la première fois. Tu n'es pas dans ce monde depuis très longtemps. Il y a eu des faits extrêmement violents et meurtriers. Bien sûr, le dénouement risque d'être dramatique et douloureux pour toi, mais j'espère que cela ne sera pas le cas.
Ses paroles ne me rassurèrent pas plus que cela, mais de toutes manières je n'avais pas le choix. Tout cela allait se terminer ce soir, et cela commençait dès maintenant.
Je pris une veste et cachai une arme au cas où je devais vraiment me défendre si cela dégénérait et je partis avec Billy et Vanessa. Je calmai mon stress comme je pouvais alors que l'on prenait la direction du quartier des Deadly Devil. J'avais vécu des trucs là-bas : Lucas m'avait révélée l'existence des gangs et du danger qui me menaçait, puis j'avais été emprisonnée et on avait orchestré mon évasion. Il n'y reposait pas les meilleurs souvenirs de toute ma vie même si le pire restait la voiture de Lucas. On marchait prudemment en regardant partout autour de nous lorsque l'on arriva dans la ruelle en question. Et pour cause, on se méfiait : il n'y avait personne dans la rue. On se posta face à la porte et elle s'ouvrit. Il n'y avait pas Nathan et Lucas, et cela m'inquiétait. Juste David avec son air sévère et mesquin.
— Où est-ce qu'ils sont Lucas et Nathan ? demandai-je un peu trop agressivement.
— On va les retrouver, tes deux petits-copains. Pas d'inquiétude. Tu croyais que j'allais te les montrer immédiatement ? Tu rêves, m'annonça-t-il en me jaugeant du regard. Je me demande vraiment ce que Lucas peut te trouver… Nathan encore, je m'en fiche ! Mais un membre de mon propre gang, qui plus est celui qui était censé te tuer ! Je pensais que c'était la meilleure personne pour faire cela, lui qui s'attache rarement. Et je ne comprends pas ce qu'il te trouve… bref, balaya-t-il. J'espère que tu as une réponse à ma question.
— De quelle question tu parles ? demandai-je en fronçant les sourcils.
— Lequel des deux préfères-tu ? C'est assez important pour moi de le savoir tu sais… j'aimerais apprendre à te connaître avant de te tuer.
— C'est une question piège, objectai-je en serrant les poings. Si je réponds tu le tueras en premier. Et même si tu me dis que ce n'est pas le cas, je ne te croirais pas. Donc je ne répondrais pas à ta question.
David ricana en toisant du regard Billy. Il n'était pas idiot, il devait deviner qu'une partie de notre gang surveillait la situation. Son gang aussi surveillait sûrement, bien caché. J'espérais que Billy y pensa. David s'approcha de moi si près que je sentis son souffle sur mes cheveux et que Vanessa et Billy se tendirent.
— Je commence à comprendre… vive d'esprit, tu sembles être plutôt intelligente… suivez-moi ! Allons retrouver nos chers amis qui te servent de petits-amis.
Je lui lançai un regard noir en le suivant avec Vanessa et Billy qui se mirent en retrait. Je me demandais bien où il allait m'emmener. Le trajet ne fut pas très agréable. Le stress montait de plus en plus et je me demandais ce qu'il préparait. J'espérais que Jimmy avait été présent pour que le petit groupe puisse nous suivre. Pour que leur plan se déroule, il devait bien avoir David sous les yeux ! S'ils ne savaient pas où on était, cela risquait d'être très embêtant. J'avais assez peur. Je tournais la tête pour observer Billy et Vanessa qui arboraient une expression sombre. Billy me fit signe de faire comme si tout allait bien se passer et je gardais une main proche de l'arme dans la veste et continuai à marcher, les poings serrés. Le trajet me parut trop rapide à mon goût. Comme si David souhaitait précipiter la fin. On arriva dans une sorte de parc pour enfant sur bétons, où je ne pus rien voir car les lumières n'étaient pas allumées et qu'il faisait maintenant nuit. Je m'arrêtais pour garder une distance de sécurité. On était arrivé dans le lieu, cela ne me rassurait encore moins. Je n'entendais aucun bruit qui laissait penser à un signe de vie. Lucas et Nathan se trouvaient-ils vraiment là ? Si David m'avait menti, j'allais finir par perdre mon sang froid et sortir l'arme pour le menacer.
— David ! cria Billy. À quoi joues-tu ?
— Je ne joue pas puisque je sais que je vais gagner ! Sors ! Toi et ta copine. Je veux juste Laurianne, et je sais que vous êtes encore-là.
Vanessa me prit dans ses bras en me disant que cela allait aller, mais je savais que ce n'était pas vrai. Je les regardai partir avant de me retourner dans le noir.
— Ils sont partis ! répondis-je à voix haute.
Je fus ébloui par les lumières qui s'allumèrent d'un coup. Je mis une main sur les yeux comme une casquette, le temps que mes yeux s'habituent. David avait été plutôt réglo, il n'y avait pas le reste de son gang. Juste deux autres personnes avec lui pour tenir Nathan et Lucas.
Nathan avait un œil au beurre noir mais ne semblait pas être plus touché. Il n'avait pas dû se laisser faire puisqu'il était bâillonné. Mais il ne semblait pas dans un état déplorable . Mais j'eus le souffle coupé en voyant Lucas. Il n'avait pas d'œil en beurre noir comme Nathan, sûrement car les membres le connaissaient et l'aimaient bien, mais il avait plein de bleus qui tapissaient ses bras, sans doute ses jambes et j'espérais qu'il n'en avait pas dans le dos et sur le torse. Si Nathan semblait boitiller un chouïa, je me rendis compte d'un truc : le poignet droit de Lucas n'était pas à sa place. Il était cassé. Ils lui avaient cassé le poignet. Et il devait sûrement avoir un mal de chien. Cela me glaça le sang. David était prêt à tout.
Le regard de Nathan me disait de fuir immédiatement mais je savais que cela signerait mon arrêt de mort et les leurs aussi. Quand David se retourna un moment, je lus sur les lèvres de Lucas qu'il me demandait si cela allait aller. Je lui montrai mon pouce vers le haut et désignai mon poignet puis le montrai lui. Il me fit une grimace et je compris que j'avais bien deviné.
— Lucas j'ai dis, pas de discussion ! râla David en ne se retournant pas.
Il avait des yeux partout ! Je reculai de quelques pas lorsqu'il pointa une arme sur moi. Si je sortais mon arme maintenant, il avait le temps de me tuer directement.
— Approche Laurianne ! ordonna-t-il sans baisser son arme.
Je demeurais tétanisée et pétrifiée alors que je fixai l'arme j'aurais peut-être pu être plus rapide… le regard de Nathan me disait de fuir le plus vite possible, mais je n'avais jamais été très rapide dans n'importe quel type de course.
— Laurianne, il t’abattra si tu n'avances pas, il vise très bien, déclara tristement Lucas.
— C'est bien Lucas, souffla David. Parle pour dire des choses intelligentes mais cela ne sauvera pas ta petite-amie.
Je n'en doutais pas une seule seconde. Déjà que j'y pensais avant même que Lucas me prévienne. J'avançais lentement vers David et le danger s'approchait de plus en plus de mon cœur. Mon cœur s'accéléra dans ma poitrine et je jetai un coup d'œil vers Nathan qui gigotait un peu. Je lui fis discrètement signe de ne rien faire. David pointait toujours son arme vers moi en le collant à ma poitrine.
— Tu dois comprendre, qu'on ne se joue pas de moi comme cela. Et pour cela, tu vas mourir ! ricana-t-il. Mais avant, tu vas voir tes deux amoureux mourir avant toi ! Alors je te repose la question Laurianne. Lequel des deux préfères-tu ? Lequel des deux va mourir en premier ?
Je restais muette. C'était seulement une question piège. Si je répondais un des deux, il pourrait tirer sur celui dont je dirais le nom comme sur celui dont je ne dirais pas le nom. C'était juste une question pour briser le cœur d'un d'eux. David fit balader son pistolet vers moi et sur eux avant de revenir sur moi.
— Jimmy n'est pas encore arrivé bon sang ! Je lui avais dit que j'avais besoin de lui ce soir et qu'il devait aussi me ramener Maëlle !
S'il savait que Jimmy n'était plus sous sa coupe et tentait de nous aider. Je remarquai Lucas inquiet lorsqu'il entendit le prénom de sa petite-sœur, et je ne pouvais pas lui faire comprendre que cela allait bien pour elle.
— Qu'est-ce que tu comptes lui faire ? s'enquit Lucas.
— Je lui réserve un sort moins sinistre que le tien. Tu devrais t'inquiéter plus pour ta fin que ta sœur.
Lucas lui lança un regard noir mais David partait déjà vers Nathan qui continuait de se tortiller dans tous les sens dans l'espoir de se défaire du baraqué qui le tenait. David lui balança un coup de pied dans l'entrejambe et Nathan tomba à genou. Je laissai échapper un cri lorsque qu'il colla l'arme à la tempe de mon ex petit-ami. J'étais peut-être à deux doigts de faire une crise.
— Arrête de bouger ! Compris ? hurla-t-il.
Nathan avait conscience de l'arme et s'immobilisa. Il posa ses yeux sur moi et j'étais beaucoup trop pétrifiée pour comprendre son regard.
— Laurianne, j'aimerais bien une réponse, siffla David. Depuis des semaines tu as eu le temps de réfléchir ! Si tu ne dis rien, je vais devoir choisir par moi-même !
— De toute façon, quoique je dise, c'est toi qui vas choisir. Alors pourquoi est-ce que tu me demandes de faire un choix si ce n'est pas pour nous épargner ?
J'essayais de gagner un peu de temps mais je ne savais pas si cela allait marcher. Je réprimai mon envie de reculer d'un pas et jetai un regard vers Lucas. Il serrait les dents, sûrement à cause la douleur que lui infligeait son poignet cassé.
— Bon, apparemment tu n'as pas l'air de choisir. Je vais choisir pour toi qui mourras en premier, déclara David en me fixant.
J'ouvris la bouche mais n'arrivais pas à émettre un son. Je ne pouvais pas annoncer un choix comme cela, maintenant dans une telle situation. Je voulais dire à David de ne pas faire cela, que l'on ne méritait tous pas cela. Mais c'était une personne cruelle et sans pitié. Il s'en fichait.
— Bon… les traîtres en premier ! cria David en changeant de cible.
— Non ! Lucas ! m'époumonai-je en même temps que la déflagration.
Je n'étais pas assez forte pour voir cela. Je fermai les yeux en hurlant alors que je sentis des larmes coulées. Non, pas lui, pas maintenant, pas comme ça…
Après quelques secondes je rouvris les yeux. Lucas était couvert de sangs sauf au visage. Il était debout. Il n'était pas blessé. Et je ne compris pas immédiatement, trop choquée pour réfléchir. Lui aussi était sous le choc, et il fixait David. David mort, par terre. En quelques pas je retrouvais Lucas et le serrais si fort que j'eus peur de lui faire encore plus mal au poignet. Et je me mise à pleurer. Lucas ne mit pas longtemps à revenir à lui et je le sentis me serrer un peu plus et me transmettre un peu de chaleur.
— Hey Laurianne, souffla-t-il doucement. Cela va. C'est fini… c'est fini, maintenant. Tout va bien.
Je pleurais toujours et malgré son poignet il s'écarta pour sécher mes larmes et encadrer mon visage de ses mains pour le regarder dans ses yeux.
— Hey…
— Je… j'ai tellement eu peur, hoquetai-je. J'ai cru qu'il t'avait tué. J'avais tellement peur pour toi, je voulais pas que tu meures c'est pas possible, pleurai-je.
— Je suis vivant, murmura-t-il en me serrant contre lui. Je le suis toujours.
Je n’eus pas le temps de me remettre que j'entendis des cris de partout. On se dégageait mais j'attrapai sa main valide. Je pus distinguer des silhouettes qui se battaient. Les deux hommes qui tenaient Nathan et Lucas étaient partis se battre. Je comprenais pourquoi Billy m'avait dit que ce n'était pas l'événement le plus effroyable.
— Cela va ? demandai-je à Nathan en lui tendant ma main.
— Je crois que je suis castré, marmonna-t-il en s'aidant de ma main pour se relever.
On fixait le cadavre de David alors que le sang se répandait. Vanessa arriva et serra Nathan dans ses bras alors que Billy prit directement le corps de David.
— On va aller brûler son corps, loin. Partez, la police va venir. Vous seriez les premiers suspects sinon, affirma Billy en commençant à partir.
Vanessa suivit Billy pour l'aider dans sa tâche difficile et Nathan me prit la main et on courra avec Lucas. On s'arrêta très loin de l'endroit de l'émeute. Je lâchai les deux mains des garçons en m'appuyant contre un mur. Je repris longtemps mon souffle. Alors que Lucas et Nathan regardèrent derrière nous. On semblait être en sécurité maintenant.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? se renseigna Nathan en se retournant.
— C'est Jimmy, Clément, Maëlle et Linda, murmurai-je. L'un d'eux a tiré.
— Quoi ? s'horrifièrent les deux jeunes hommes en même temps.
— De base, je devais tuer David, informai-je. Puis j'ai reçu la lettre et ils ne m'ont pas dis qui allaient le tuer.
— Il n'y avait pas vraiment d'autre solution, déplora Lucas.
+++
Je reçus un message de Maëlle qui me donnait l'adresse d'où ils se trouvaient. Elle ne me précisa pas qui avait tiré mais m' informa que Clément n'était pas resté avec eux et j'étais inquiète. Heureusement pour nous, ce n'était pas très loin. Ils se trouvaient sur un toit aménagé d'un immeuble et je me demandais bien qui en avait eu l'accès. Je tapai à la porte et Linda m'ouvrit. Maëlle se tenait à côté de Jimmy qui fixait le vide. Je sus immédiatement que c'était lui qui avait tiré.
— Ton poignet ! s'écria Maëlle en prenant son frère dans ses bras.
— Jimmy, soufflai-je. Cela va aller.
Le jeune homme hocha la tête de droite à gauche et resta coincé dans son mutisme. Même Nathan n'arrivait pas à le faire parler. Lucas débarqua à son tour et s'agenouilla près de son ami en nous demandant de le laisser seul avec lui. On s'exécuta. Lucas savait apaiser les gens. Il pouvait aider Jimmy. On s'éloignait tous, formant de petits groupes. Je regardais un moment seul le ciel.
— C'était courageux de ta part, dit Nathan derrière moi.
— Je n'allais pas vous laisser tomber, déclarai-je en me retournant face à lui. Toi et Lucas vous comptez pour moi. Même si on n'est plus ensemble pour l'instant, on a vécu beaucoup de choses toi et moi. On a eu chemin commun.
— Ça c'est sûr, commenta Nathan. Je voulais que tu saches, que qui tu choisisses, je ne t'en voudrais pas. Je veux juste que tu sois heureuse et épanouie. Même si ce n'est pas forcément avec moi..
— C'est gentil.
— Tu as déjà fait ton choix. N'est-ce pas ?
— Oui, je verrais bien où cela m'enverra.
— Cela t'emmènera peut-être vers quelque chose de beau, souffla Nathan.
— Je l'espère.
Il me fit un sourire et je le lui rendis. Il s'éloigna et je l'interpellai une dernière fois avant de le laisser partir :
— Prends soin de ton œil, il a l'air salement amoché. Il faut en prendre soin.
— T'inquiète pas, affirma-t-il. Il ira mieux.
Je hochai la tête et la tournai une nouvelle fois vers le ciel. Les étoiles commençaient à apparaître dans le ciel, je tentais de repérer la seule constellation que je savais reconnaître : la grande ourse. C'était ma mère qui me l'avait apprise. Mais j'avais toujours du mal à la repérer.
— Tu t'es remise de tes émotions ? questionna Lucas alors que je retournai la tête. J'ai bien cru que tu allais me faire une crise de panique tout à l'heure quand tu m'as pris dans les bras.
— Cela aurait bien été possible, fis-je en rougissant.
Cela n'aurait pas été ma première crise de panique.
— Cette fois, tu as intérêt à aller à l'hôpital, affirmai-je en montrant son poignet. Je crois que tu vas devoir te faire opérer pour cela.
— C'est sûr oui, concéda Lucas. Avec tous les bleus que j'ai sur le corps, je risque d'avoir une visite de la police mais je n'ai pas vraiment le choix…
— Comment va Jimmy ?
— Je crois qu'il a besoin d'un psychologue. Il va falloir qu'il fasse un travail sur lui-même, qu'il se pardonne. Le connaissant, il aura du mal. Il faudra faire attention à lui.
Cela ne m'étonna guère. Je comptais veiller sur lui malgré tout. C'était comme mon petit-frère, même après des années d'éloignement.
— De quoi vous parliez avec Nathan ? Il semblait bizarre lorsque je l'ai croisé. On ne se parle pas donc je ne lui ai pas posé de questions.
— Il m'a parlé du choix que j'avais fais. Et il m'a dit que l'important c'était que je sois heureuse.
Je sentis Lucas un peu gêné. Il comprenait parfaitement de quel choix je faisais allusion. Et j'avais l'impression qu'il redoutait un peu. Après tout ce qu'il avait vécu ses derniers jours, une seule annonce le mettait dans un pareil ! C'était le comble.
— Je ne lui ai rien dit, avouai-je. Mais je crois qu'il a compris.
— Il a réussi à te comprendre ? rigola Lucas. Je t'avoue que sur cela, c'est beaucoup plus compliqué pour moi. Je me demande toujours à quoi tu penses. Et j'essaye de te comprendre…
Je jetai un coup d'œil autour de nous. Les autres avaient dû descendre en bas de l'immeuble. Il ne restait que Jimmy qui regardait le ciel, totalement perdu dans ses pensées. Je me tournais vers Lucas qui me fixait. Il était beau avec ses cheveux en batailles et sa mine fatiguée et préoccupée. Il y avait quelque chose qui brillait dans ses yeux, je ne savais pas si c'était naturel ou la lumière de la lune qui faisait cela. Je descellai de l'incertitude dans son regard.
— Qu'est-ce qui te tracasse ? soufflai-je.
— Ce que tu m'as dit tout à l'heure, quand tu m'as serrée dans tes bras. Le pensais-tu vraiment ? Je t'ai dit que pour le moment je t'attendrais, mais je ne veux pas avoir de faux espoirs comme cela. Tu comprends, j'ai besoin de savoir.
Mon cœur rata un battement ou s'accéléra… voir les deux. Je papillonnais des yeux et j'encadrai son visage de mes mains malheureusement glacées.
— Lucas, murmurai-je. Ce que je t'ai dit, même si sur le coup j'étais totalement en transe et en panique, je le pensais réellement. J'ai eu super peur pour toi et il m'était hors de questions de te voir mourir. Je ne voulais pas que tu meures. Je tiens à toi, avouai-je.
— Et cela veut dire quoi exactement ? ajouta-t-il en clignant des yeux.
— Que j'ai été une idiote, continuai-je. Parce que j'ai faillis me voiler la face jusqu'au bout car à vouloir rester dans le passé je n'acceptais pas le fait que je tombais amoureuse de toi. Mais j'ai tourné la page, et j'ai fait une mise au point et je sais ce que je ressens. J'ai fini par comprendre ce que je ressens. Je sais que tu avais raison et que l'on doit vivre quelqu'un chose tous les deux. Et je suis prête pour un nouveau chapitre. Avec toi.
Lucas était ému, je le remarquai à ses yeux. Alors que ses mains tenaient les miennes et qu'il les fit descendre sur ses épaules, il se pencha pour m'embrasser. Je me rendis compte que c'était la première fois d'ailleurs. Il ne m'avait jamais volé un baiser sur la bouche, il avait attendu que je comprenne et il a eu raison. Mes mains se joignirent dans sa nuque et je savais que mon cœur qui battait fort dans ma poitrine battait pour lui. Et je sentis une chaleur dans mon corps qui se prolongeait même lorsque nos lèvres se détachèrent et que l'on resta front contre front, j'avais toujours cette sensation de chaleur dans mon corps. Il passa une main sur ma joue et je souris en fermant les yeux.
— Vous vous êtes enfin pécho ! cria Jimmy alors que l'on se retournait vers lui. Il était temps, vous en avez pris du temps !
On s'échangea un regard et on éclata de rire dans les bras l'un de l'autre. Cela faisait longtemps que je n'avais pas ressentis un sentiment total de liberté et de bien être et j'espérais que cela continuerait encore longtemps, avec Lucas.
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