Le Mystère de la Lettre Evaporée
Personne au monde ne remarque l’absence cruelle d’une lettre, à part quelques lettrés désabusés et querelleurs, étonnés de constater que leur école s’appelle à présent l’Academy.
Au départ, ces lettrés pensent à cette conquête perpétuelle de la langue de Shakespeare, or, en consultant moult ouvrages et en effectuant quelques recherches sur le net, leur constat est sans appel : une lettre manque à l’appel, une voyelle.
Une preuve palpable : la recrudescence des « un », créant de nouvelles formes étranges à base de jeux de mots et des Y, pourtant rares naguère et pullulant à présent telles des baguettes de « sourceurs », recherchant l’or des phrases. Une autre preuve ? De nombreux trous entre les lettres, n’évoquant pas le fromage, plutôt une carence : une absence, une d… (orthographe : d.spar.t.on).
« Merde ! peste un lettré, c’est sur le bout de ma langue ! »
Force de coups de téléphones, cette engeance dépêche à grand mal, auprès de ces « défenseurs / déformeurs de langue », un chargé d’enquête assermenté par la branche culturelle du gouvernement. Appuyée par une assemblée de fous du tweet, Avaaz et consorts, cette cause perdue - vu la volonté gouvernementale de gangréner l’orthographe par des réformes sans queue et sans tête la langue du pays - trouve malgré tout un écho.
L’Academy ferme donc ses portes le temps d’un 8 clos pas éternel et un specteur, car tel est son « nom », procède à son enquête, consultant tout d’abord un ensemble conséquent de données, accompagné de jeunes gens effectuant des stages farfelus pour des masters saugrenus. Cela dure quelques jours : fort heureusement, des buffets à volonté sont commandés par l’homme d’état numéro 1, le chef de l’Elysée.
Malgré son nom pas profané, ce régnant a su partager la souffrance de son peuple, un peuple catastrophé quant à l’absence de cette lettre, bouleversant leurs prénoms, leurs noms, leurs jours. Conséquences sur le long terme : un désastre à la CAF, non transposable en lettres complètes et dont les tâches semblent encore plus superflues. Du côté du Pole des travaux - ou Job Academy - cette absence génère une énorme panne réseau : un blackout total.
Dans cette enquête, le chargé et son armée en stage ne trouvent hélas aucune concordance après leurs demandes, toutes au dessus de tout soupçon. D’après eux, personne au gouvernement ou dans l’Academy n’est responsable de cet effacement de lettre, lequel n’est pas propre à la France, car concernant également la planète !
Avant de se décourager face à ce désastre monumental et cela malgré le confort d’un taux d’enquête résolu de seulement 5 %, le specteur de France, connu pour ses étrangetés, pose contre toute attente de nombreuses requêtes auprès de A, de E, de O, de U et de son pote grec, Y, lesquelles sont polyglottes et semblent montrer une volonté de collaborer très forte pour retrouver leur « sœur » perdue.
A, les jambes entrouvertes, expose ses charmes, partage ses remembrances sexuelles avec l’évaporé, experte avec les deux morceaux de son corps, très pénétrants. Ses contes d’orgasmes dégoûtants lassent et écourtent cet échange. L’amante tueuse ? Ce n’est pas à écarter, lors même que les lettres n’ont pas d’argent.
Notes du specteur : regarder du côté des engagements amoureux et sexuels. A constater : A et le jeune L, ou T ou J, se sont rapprochés ? Cependant son pourcentage d’occurrence à 8 % la place au dessus de tout soupçon.
E n’est pas accablée par l’enquêteur car c’est une ex « revenente ». Tout le monde se rappelle de l’œuvre de Perec, relatant son absence et son retour sans fanfare.
Notes du specteur : elle touche pas terre, celle-là. Pourcentage d’occurrences : à peu près 17 %. C’est elle, la lettre à étouffer, à tuer, à buter… Elle a traversé cette épreuve également. Bref : pas elle.
O et ses ronds de jambes, ses J ne cessent de charmer l’attaché d’enquête : une contenance douteuse, pour des réponses tournant autour du pot, ou tombant de temps à autres au fond du trou.
Notes du specteur : occurrence en berne par rapport à ses consœurs - 5 % - cela malgré la recrudescence du « on » employé à toutes les sauces par de pseudos auteurs. Plutôt louche : Suspecte numéro 3.
U, pas franchement super, peu affable, darde des hypothèses éculées et évoque les nombreux ouvrages relatant les aléas de la langue de France : Rey, Huchon, Blanchard and co. « Enquêtez donc par là, vous trouverez que la lettre évaporée, c’est pas nouveau, surtout face au Y Roy. C’est une boucle temporelle. Ça se répète, encore et encore. »
Notes du specteur : avec un taux d’occurrence proche de celle du O, et sa volonté que Y porte le chapeau, U a sans nul doute quelque chose à cacher. Un bon numéro 2.
Y, suspect numéro 1 et grand conservateur, retrouvant son succès perdu, son allant d’antan, toujours relégué au fond de l’alphabet en revanche, clame haut et fort sa pureté, et n’est pas avare d’arguments et de preuves.
Notes du specteur : Y est revenu d’entre les morts et occupe le palmarès des lettres les plus célèbres. Dans un système de pensées cohérent, basé sur les maths, c’est le suspect numéro 1.
Après ces étapes, le chargé d’enquête et son armada classent, recoupent, constatent des événements et non événements, confrontent les données, rencontrent les caches-suspects recommandés, du côté des consonnes… Hélas, tout porte à penser que personne - homme, voyelle ou consonne - ne s’est occupé du cas de la lettre évaporée. Ou alors c’est un pro ! Beaucoup, du reste, regrettent sa forme suspecte : celle d’un phallus - plus que le jeune l, ou le J et son crochet peu agréable, vaguement gratte-cul.
Après moult années d’enquête et contre enquêtes mettant en scène de nombreux théorèmes, personne pas même les specteurs les plus compétents du monde ne semblent comprendre quelle voyelle ou consonne est responsable de cet enlèvement sans rançon ! Une mort ? Aucun cadastre n’en atteste. Une appétence pour de longues vacances hors du monde des lettres ? Certes… or, une lettre peut-elle séjourner en dehors d’un texte ? Pendant ce temps, de nombreuses peuplades de la terre galèrent face à ce manque cruel. Un nouvel alphabet se prépare en secret à l’Academy alors que l’Espéranto menace d’effectuer un retour en bonne et due forme.
Personne, non personne, ne pense à ce cher Joseph, juché sur ses nuages moelleux : grand lecteur devant l’éternel dans sa Babel tourmentée et dys absolu, Joseph se leva une aurore pas comme les autres avec un mal de tête épouvantable ! La recrudescence foudroyante et saugrenue de cette lettre en deux segments fut de trop dans son alphabet préféré ! La faute à un mot en provenance de France, placé sur le devant de la scène, plaqué sur toutes les lèvres, dans tous les ouvrages et contenant la bagatelle de 6 occurrences dans un même mot !
Trouvez lequel pour que la lettre évaporée fasse son comeback, ou alors attendez une ruse de Satan. Ennuyé dans son antre de la perte de ses autres prénoms, le démon suprême songe à un moyen d’ennuyer ce fourbe de Joseph : mettre les . sous le jeune L ou effectuer un menu retournement du « ! » !
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Semaine 18, écrit le lundi 8 janvier.
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