Ascension
J’invitais dans ma nuit bleue l’amour, l’amant, la voie lactée. Je partais sans retour, à m’y perdre enfin. Au creux de sa peau. Dans les replis de soie. Je voyageais au bord de ses yeux comme l’enfant tenu par sa mère découvre le ruban d’un chemin.
J’avais trouvé la perle rare, au confluent de tout un monde, celui que je m’inventais, comme un fantasme au creux d’un rêve, une oasis humide, une apparition tissée de mes folies, un homme avec un grand X, souriant de l’abysse à l’abscisse.
Toi.
Je pense t’avoir trouvé à cet instant où tu m’as cherché, sur ce chemin escarpé de montagne. À la croisée de nos regards perdus, dans le chuchotement sourd de la nature, tu m’as conquis sans un mot.
Nous étions, toi et moi, emportés par les flots de nos vies lancinantes, nos amours contrariés, battus au gré des vagues folles, sans possibilité d’une île, mais parés au naufrage, nos corps en continents offerts. Les premières promesses se sont murmurées, au bonheur d’un nous.
Une parenthèse d’amour.
Au jour, nous avons comparé nos horizons, inventé nos météos à mesure que nos pas ricochaient dans l’abîme : nous laissions derrière nous le cercle des vivants, les turpitudes d’un monde glacé, ces tempêtes, ces vies qui étaient nôtres et qui n’ont plus de sens désormais qu’à l’aune de nos souvenirs : de la cendre dans l’âtre, une poussière épaisse comme un voile. Les ténèbres.
Au monde nous n’étions plus que deux, loin des lumières des villes au noir, deux papillons portés par la douceur infime des mots à peine prononcés. Dans l’étreinte légère d’un regret à venir. Dans la seule beauté d’un Nous ouvert à tout.
Je te regarde, toi. Maintenant. Je te conjugue au présent, au futur, à l’absolu ; ma nécessité d’être ne peut se faire qu’au travers de toi, de cet amour que nous pourrions tisser si d’aventure…
Toi ?
Je devine tes promesses, je les embrasse. J’admets ta beauté que je n’aurais pas comprise autrefois et, plus que jamais, j’ai envie de t’embrasser, de mélanger à toi chaque parcelle de mon être, de vibrer en toi, et, de cette résonnance, admettre que mon cœur calciné batte à nouveau, qu’il batte avec le tien, à l’unisson. Pour toujours.
Le sens-tu, malgré nos arythmies ?
Chaque pas, chaque regard, chaque sourire est une ascension, celle d’une montagne à gravir dont le sommet, sous les nuages, s’évapore toujours, mirage parmi les mirages, prière parmi les prières. De tous les pèlerinages, l’amour est le plus mystique : son langage n’est accessible qu’aux deux êtres qui le partagent, et pavent sa voie : toi, moi.
Mais nous marchons ensemble, main dans la main, au bord du monde que nous avons crée, regardant parfois le vide qui danse sous nos pas : les visages du passé, les souvenirs qui blessent, les maux trépassés, les blessures entrouvertes qui saignent, et ruissèlent de miel.
Serait-ce la fin ?
« Regarde, nous y sommes : le sommet ! »
J’invite dans ma nuit bleue l’amour, l’amant, la voix lactée. Je pars sans retour, à m’y perdre enfin. Au creux de sa peau. Dans les replis de soie. Je voyage au bord de ses yeux comme l’enfant tenu par sa mère découvre le ruban d’un chemin.
J’ai enfin trouvé la perle rare ! Au confluent de tout un monde, celui que je m’inventais, comme un fantasme au creux d’un rêve, une oasis humide, une apparition tissée de mes folies, un homme avec un grand X, souriant de l’abysse à l’abscisse. Il est beau, il est vrai, il est sincère, et je l’aime.
Et puis ce mec, sans mot dire, m’a poussé. Au fil du précipice béant, je suis tombé, jusqu’à m’écraser et mourir dans mes désirs les plus intimes, crucifié dans mes fantasmes les plus fous, émasculé dans mon amour le plus pur : il m’a envoyé une photo de son cul. Et j’ai débandé.
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Ecrit le 10 mai pour la semaine 35.
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