La maitrise de la terre
Durant le trajet, Zéphyr me demande :
- Quel habitant du royaume de la terre comptes-tu prendre comme maitre ?
- Le roi de la terre en personne. De cette façon, je suis sûre d'avoir un professionnel pour m'enseigner la maitrise de cet élément.
- C'est une bonne idée, mais penses-tu qu'il acceptera de nous aider en sachant que nous nous rendons dans son pays sans l'autorisation de nos parents ?
- Je lui expliquerai la situation, je suis sûre qu'il comprendra !
- D'accord, je te fais confiance.
Nous atteignons le royaume de la terre dans la matinée du lendemain. Adler se pose devant le château en pierre du souverain. Nous descendons de son dos et nous précipitons vers les deux immenses portes en bronze. Les deux gardes qui surveillent cette entrée nous arrêtent en croisant leurs lances :
- Halte-là ! Qui êtes-vous ?
- Je suis Harmonia, la princesse du royaume de l'eau. Et voici mon ami Zéphyr, le neveu de la gardienne de la cité de l'air. Nous devons voir le roi de la terre de toute urgence !
- Nous allons le prévenir de votre arrivée. Attendez-là.
L'un des hommes entre dans l'imposante bâtisse, tandis que l'autre reste à son poste pour garder un oeil sur nous. Le premier garde revient quelques minutes plus tard, en déclarant :
- Sa Majesté le roi accepte de vous recevoir. Suivez-moi.
Nous lui emboitons le pas. Il nous introduit dans un grand hall d'entrée aux murs et au plafond ornés de jolies sculptures en pierre représentant des arbres et des fleurs. Nous montons les marches d'un grand escalier et traversons un long couloir au bout duquel se trouvent deux grandes portes en bronze. L'homme les pousse, révélant une grande salle au fond de laquelle, sur une estrade en pierre, se trouve un trône en bronze orné d'émeraudes. Sur ce dernier est assis un homme de grande taille au corps musclé, aux cheveux bruns et aux yeux noisette. Il est vêtu d'un pantalon vert, d'une chemise brune et d'une veste émeraude aux galons couleur bronze. Des bottes en cuir brun chaussent ses pieds.
En nous voyant entrer, il nous demande :
- Harmonia du royaume de l'eau et Zéphyr de la cité de l'air . . . Que me vaut l'honneur de votre visite ?
- Ô, noble roi de la terre, dis-je solonnellement en lui faisant la révérence. Nous avons besoin de votre aide.
- Que voulez-vous ?
- Vous n'êtes pas sans savoir que je suis l'enfant de la prophétie, celle qui doit mettre fin à la guerre et apporter paix et harmonie en ce monde.
- En effet, vous êtes l'Isorropia. C'est même la raison pour laquelle vous portez ce nom : Harmonia.
- Oui, mais je ne pourrai accomplir ma mission qu'une fois que je saurai maitriser tous les éléments. Je suis déjà capable de contrôler l'air, l'eau et le feu. Il ne me manque donc que la maitrise de la terre et vous êtes la personne idéale pour m'enseigner.
- Je vois, mais dites-moi : pourquoi être venus seuls ? La route de vos pays respectifs au mien est plutôt longue et on y est pas à l'abri du danger. Je doute que vos parents aient accepté que vous fassiez tout ce chemin seuls . . .
- C'est vrai, nous ne leur avons pas demandé leur accord pour venir ici parce que le temps presse. Le roi de l'eau est actuellement sur le champ de bataille et il faut absolument que je finisse mon enseignement pour pouvoir voler à son secours !
- Vous comptez vous rendre sur le front une fois que je vous aurai enseigné la maitrise de la terre ?
- Oui.
- C'est de la folie ! Vous êtes peut-être l'Isorropia, mais vous n'êtes encore qu'une enfant, dit-il en secouant la tête.
- Je le sais bien, mais c'est mon destin ! Je suis la seule capable de mettre fin à cette maudite guerre !
- C'est vrai, mais vous ne devez pas vous précipiter pour autant.
Il ferme les yeux pour réfléchir pendant quelques secondes, puis les rouvre et déclare :
- Écoutez, j'accepte de vous apprendre la maitrise de la terre, mais à une seule condition . . .
- Laquelle ?
- Vous ne pourrez pas quitter mon royaume sans mon autorisation. Votre aigle géant sera gardé par mes hommes pour m'assurer que vous ne partiez pas avec. Rassurez-vous : il sera bien traité.
- C'est d'accord !
- Harmonia . . . commence Zéphyr.
- Fais-moi confiance, lui dis-je. Je sais ce que je fais.
Il hoche la tête. Le roi de la terre nous intime, en se levant :
- Suivez-moi.
Nous nous exécutons et lui emboitons le bas. Nous quittons la salle du trône, traversons le couloir en sens inverse et descendons l'escalier. Le monarque pousse deux grandes portes en bronze, révélant une vaste cour. Il se place au centre de cet espace et m'explique :
- Pour maitriser la terre, il faut le faire avec conviction et détermination. Une âme hésitante n'y parviendra pas. Vous devez avoir un mental d'acier. Vous devez être forte physiquement et mentalement.
Je hoche la tête. Il poursuit :
- La posture aussi est importante. Vos pieds doivent être bien ancrés dans le sol. Vous devez vous tenir droite et en parfait équilibre. Vous devez être inébranlable. Montrez-moi.
Je prends la posture qu'il m'a décrite. Il hoche la tête :
- Bien. Maintenant, concentrez-vous : vous devez savoir ce que vous voulez faire exactement. Une fois que c'est fait, manipulez la terre qui vous entoure avec des mouvements puissants, secs et déterminés.
Je m'exécute, mais rien ne se produit. Je réessaye, en vain. Je ne parviens pas à maitriser la terre !
Je lance un regard interloqué au roi. Il me dit :
- Rassurez-vous, vous en avez le potentiel, je le sens. Vous êtes une personne têtue et déterminée. Vous avez juste besoin de plus d'entrainement. Jusque là, vous n'avez manipulé que des éléments facilement mobiles. Ce n'est pas le cas de la terre.
Je hoche la tête et réessaye encore et encore, mais rien ne se produit. Finalement, le soleil se couche sans que je n'ai pu déplacer le moindre petit cailloux. Je me laisse tomber au sol, épuisée et essoufflée. Le roi de la terre déclare :
- C'est suffisant pour aujourd'hui. Il se fait tard, vous reprendrez votre entrainement demain.
Nous nous dirigeons vers le château. Il fait de plus en plus frais par cette fin de journée d'automne. Les feuilles des arbres quittent leurs branches pour suivre le vent. Nous rentrons dans la bâtisse en pierre et pénétrons dans la salle où trône une longue table en bois. Elle est garnie de différents plats composés de légumes, de viande rouge et de fruits. Des chandeliers en bronze se tiennent au milieu des assiettes.
- Vous devez avoir faim, nous dit le monarque. Je vous invite à ma table.
Nous le remercions et nous installons sur les chaises en bois, rembourrées de coton et recouvertes de tissu vert pour plus de confort.
Nous mangeons, puis sommes conduits devant deux portes situées côte à côte. Le roi nous annonce :
- Ce seront vos chambres pour la durée de votre séjour ici.
- Merci, Votre Majesté, lui disons-nous en choeur.
Il hoche la tête, puis nous souhaite :
- Bonne nuit.
- Bonne nuit, lui répondons-nous ensemble.
Il s'éloigne et disparait bientôt au tournant du couloir. Zéphyr et moi nous souhaitons de passer une bonne nuit, avant d'entrer dans nos chambres respectives.
La mienne est meublée d'un lit à baldaquin en bronze, aux rideaux verts. Un tapis de la même couleur recouvre le sol en pierre. Une table en bois et des chaises identiques à celles qui sont dans la salle à manger trônent au centre. Une armoire et une table de chevet en chêne sculpté complètent le mobilier.
Je me déshabille, enfile ma chemise de nuit bleue et me glisse sous les couvertures. Je suis fatiguée, mais l'inquiétude m'empêche de trouver immédiatement le sommeil : je crains de ce qu'il adviendra si je ne parviens pas à maitriser rapidement la terre.
Annotations
Versions