Balnibarbi, Laputa et Lagado : Une dystopie satirique
Outre cet aspect anti-utopique, il ne faut pas oublier que ce roman de Swift est aussi considéré comme l’une des premières dystopies. Cela est, selon moi, considéré avec justesse car, à la troisième partie du roman, nous pouvons voir les descriptions de deux lieux fictifs pires que notre société. Ces lieu sont tout simplement l’Île de Balnibarbi et l’Île flottante de Laputa.
Nous pouvons premièrement voir que Balnibarbi et Laputa sont des îles donc, comme je l’ai écris avant, leur position leur permet l’isolement par rapport au monde extérieur et donc la plus grande fictionnalisation. Cela permet aussi à l’auteur de construire tout un système social et politique complexe et logique… ou illogique, ce qui est plus approprié à la situation ici.
Cela me permet de parler de l’illogisme des habitants de Laputa. Ceux-là ont premièrement une forme qui va hors de toute logique nature humaine (la tête se tournant tout le temps vers la gauche ou la droite, les yeux pointant dans des direction totalement opposées). Cette constitution leur donne plusieurs désavantages : leur servants doivent toucher la bouche de ceux qui doivent parler en réunion, toucher les oreilles de ceux qui doivent écouter et toucher leurs yeux pour leur rappeler de regarder où il doivent marcher. Et cela semble être, dans le même temps, une métaphore de même qu’une contestation de ce que le baron de Gérondo appellera, en 1804, le « sensualisme », dérivé des pensées du philosophe John Locke, dérivé de la philosophie empirique. L’illogisme ne se trouve pas que dans la forme des habitants. En effet, les maisons de ces habitants sont construites avec des angles étranges : les Laputiens ne savent pas appliquer la pratique. Quelle pratique ? Celle des mathématiques.
Leur utilisation des mathématiques est intéressante, pour l’analyse de l’œuvre en tant que dystopie. Les Laputiens donne une énorme importance aux mathématiques, celle-ci étant telle que nous pouvons la rapprocher de la pensée pythagoricienne : toutes les question se résolvent dans les chiffres, comme le dit le roi à la fin du chapitre 2 de la partie III. Toutefois, ils ne leur donnent une grande importance que théorique et non pratique, comme nous pouvons le voir avec leurs maisons. Nous pouvons aussi voir que ceux-là adorent parler et discuter sans fin de sujets comme, par exemple, la politique : des sujets, comme le remarque le personnage principal, dont ils ne connaissent rien. Nous pouvons voir ici une violente satire du genre humain en société et, surtout, une satire de ceux qui se pensent savant et qui tenteront de le faire sortir en disant une montagne de bêtises. Nous pouvons aussi voir des croyances et superstitions lors de questions métaphysiques : les Laputiens sont obsédés et constamment effrayé à l’idée de la fin du monde, tellement que cela les empêche de dormir la nuit et de profiter de la vie. C’est ainsi que leur science est devenu leur plus grande terreur et leur a fait perdre une partie de leur humanité, où la logique même devient illogique. La Logique et la connaissance prennent alors une place quasi divine dans cette société mais il ne ressort de ces habitants que des croyances et des superstitions ainsi qu’une pratique de la science sans aucune logique.
Cela est encore plus visible lorsque l’on regarde le lieu où tout le savoir de Balnibarbi se produit : son académie, à Lagado, au chapitre 5 de la troisième partie. Ici, l’illogisme de la recherche logique est à son paroxysme. À l’intérieur, nous pouvons voir les savants tenter de transformer la glace en poudre à canon, de transformer les excrément humain en nourriture mais nous pouvons aussi voir une autre exemple frappant : « Il y avait un homme aveugle de naissance qui avait sous lui plusieurs apprentis aveugles comme lui. Leur occupation était de composer des couleurs pour les peintres. Ce maître leur enseignait à les distinguer par le tact et par l’odorat. Je fus assez malheureux pour les trouver alors très peu instruits, et le maître lui-même, comme on peut juger, n’était pas plus habile ». L’extrait est ici explicite dans ce que je veux avancer : l’un des paroxysmes du savoir à l’académie de Lagado est les composition des couleurs par un aveugle à des universitaires destinés à être de grands peintres. En plus de cela, le jugement absolu est laissé, dans cette université, à la « Machine à écrire », laissant la machine prendre sur l’esprit de l’homme. Nous pouvons voir dans cette académie une critique de la Royale Society anglaise du temps de Swift mais aussi une critique du scientisme ainsi que des théories et de la machine de Raymond Lulle (cela, paradoxalement, contribua grandement au lullisme, comme le remarque Maurice Tournier dans son article « En souvenir de Lagado »). Enfin, cette satire est, au chapitre 5, comique mais elle change de ton au fur et à mesure que cette déshumanisation dans ce bâtiment est décrite, de même pour les réflexions insensées jusqu’à la pure folie.
Nous pouvons aussi voir une dystopie politique au chapitre 3 de la partie IV. En effet, l’île de Laputa flotte au dessus de la capitale de Balnibarbi, Lagado. Cette capitale est contrôlée par le roi de Laputa. Et le roi de Laputa est un véritable tyran. Ainsi, ce dernier veut que la capitale paye un tribu au roi ; si la capitale désobéit, le roi peut faire bouger l’île flottante au dessus de Lagado de telle sorte que les rayons du soleil ne peuvent plus passer ; et si la capitale refuse toujours, le roi menace de faire tomber Laputa sur elle, causant plusieurs morts et régnant ainsi en tant que « maître face à ses esclaves » grâce à la peur. Nous avons alors affaire ici à une tyrannie, à une politique pire que celle de l’auteur : nous avons affaire, ici, à une véritable dystopie.
Toutefois, ces dystopies ne sont pas pessimistes et elles offrent un certain espoir pour un meilleur avenir de cet endroit. Ainsi, au chapitre 6, Gulliver fait plusieurs observations et remarques sur ce qui pourrait être amélioré et celles-ci sont très bien accueillies par les savants de ce lieu : « L’académicien me fit de grands remerciements de lui avoir communiqué ces petites observations, et me promit de faire de moi une mention honorable dans le traité qu’il allait mettre au jour sur ce sujet ». Gulliver, après, partira de l’île mais laissera derrière lui une chance d’amélioration pour ces gens que la folie a atteint et que la tyrannie du roi de Laputa écrase (au sens figuré comme au possible sens littéral).
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