Chapitre 23 - Confidences confinentes
— Non !
— Si.
Ludwig tournait la tête vers Edward, puis vers Maty, Edward, Maty… Un raz-de-marée monta en lui, tout comme les larmes à ses yeux. Ils étaient là. Deux devant lui avec leurs bouilles un peu fatiguées, l'un portant une armure de cuir complète munie d'une cape à capuche, l'autre une robe qui n'était pas sans rappeler celle des magiciennes les plus mystérieuses. Ils avaient tous deux grandis : Edward avait de la barbe, et Maty avait des traits plus prononcés.
— Bande de sales…, commença Ludwig.
Il ne s'empêcha pas de les prendre dans ses bras avant de finir son insulte. Il les serra fort, si fort qu'il en crût que ce n'allaient pas être leurs côtes, mais son cœur qui finirait par exploser. Entre deux sanglots dignes d'un nouveau né, il balbutia :
— Merde… Maty, tu… Je t'ai vu, à la tour…
Elle s'écarta pour le laisser se calmer, le temps qu'il sèche ses larmes. Cela fait, elle répondit avec un sourire attendri :
— Je t'aurais presque traité de gros nounours, mais je réserve ça pour quelqu'un d'autre. C'est un plaisir de te revoir, Ludwig.
— Plaisirs partagés, ajouta Edward en regardant son ami.
Ludwig le remarqua, ce regard ; il avait changé, il n'était plus aussi fatigué et aussi morne qu'avant. Il y avait… de la vie qui pulsait à l'intérieur. Une résonnance qui semblait venir de…
— Oh… (il comprit, et rougit en pointant du doigt ses deux amis) Oh, vous… Nooon ?!
Les deux rirent de gêne, l'une se tordant une mèche et l'autre se frottant le bras. De nouveau, il n'y avait que trois, bon vieux adolescents qui se faisaient la discussion. Le « bon vieux temps » les avait autant rafraîchi que cette atmosphère maritime. Ludwig finit par rejoindre leur hilarité et ils finirent par se taper les cuisses à n'en plus pouvoir.
— Ho ho… C'est bon, je… ho… (Ludwig s'essuya l’œil) je me calme. Sérieusement, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Les deux se regardèrent. Invisible échange incompréhensible et pourtant si simple, si rapide et si uni que certains l'auraient quand même saisi au premier abord. Un message clair, net et précis qui allait droit au but, et que Ludwig, malgré lui, comprit tout à fait.
Edward lui dit cependant :
— C'est une longue histoire. Mais pour l'instant… (il montra Saulia et Bartavius) Qui est elle et pourquoi lui ?
* * *
Paraxie était une terre aux vastes landes, aux collines dolentes et aux pierres bercées par le vent marin. En fait, le septième plus grand pays de l'Empire dal'agardien avait pour particularité d'être la plus longue côte… et la seule ; il entourait l'Empire de ports, de villages de pêcheurs et de plages rouges à perte de vue. C'était lui qui gérait auparavant le commerce maritime et la pêche de tout le poisson de l'Empire.
Désormais, maintenant que Néo-Mourn n'était pas vraiment « présente » dans le même espace que le Pacifique, il devenait impossible de naviguer dans la Mer des Jaspes sans que votre bateau ne finisse par revenir à son point de départ ; à l'horizon, on voyait une brume blanche impénétrable, signe d'une limite magique infranchissable.
Juchée sur l'avant du chariot tiré par un Dreug[1], aux côtés d'Edward, Ludwig observait cette brume avec inquiétude ; d'après certaines observations mourniennes récentes, elle semblait s'approcher de la côte. Le tirant de ses pensées, Edward lui donna un coup de coude :
— Arrête avec cette « tête d'élimé ». Sois un peu plus heureux de nous revoir !
— Pardon… (Ludwig se tourna vers lui et lui sourit) Je suis toujours en train de digérer la nouvelle.
— J'étais pas mort, tu sais ?
Ludwig acquiesça avant de montrer Maty d'un signe de tête, en train de discuter avec Saulia à l'arrière du chariot.
— Ah… (Edward avait réussi à exprimer tout le problème en une syllabe) Je te conseille de ne pas la bombarder de questions… Non, tu ne lui poseras aucune question.
— Et toi ?
— Tu en auras à trois seulement, le temps qu'on arrive au village.
Ludwig réfléchit…
— Où étais-tu parti ?
— Sur Myrkrmiðgarðr, mon monde natal.
— Qu'est-ce que tu es ?
— Un skaldnjól, ou un vampire pour les humains.
— D'accord, je note ça sur un bloc notes… (Ludwig fronça des sourcils) Pourquoi es-tu allé sur Myrk… Myrkrmiðgarðr ?
— C'est étrange (Edward lui lança un regard étonné) tu es bien la première personne qui le prononce parfaitement alors qu'il vient de l'entendre.
Le blond lui lança un regard entendu, et Edward haussa des épaules et répondit à la question en coulant un regard vers Maty :
— Ce n'est pas évident.
— Que… Tu peux faire ça depuis quand ?
— Trois questions.
Ludwig croisa ses bras, un peu furieux… avant de remarquer les yeux de son ami ; ils étaient presque vitreux, un peu à la manière de ceux qui restaient des jours à observer la lumière d'un écran, dans la plus profonde des ténèbres.
Ils finirent par arriver dans un petit village rural. Edward leur intima à tous de mettre des capes à capuche pour éviter que les habitants ne remarquent leurs visages. Les mourmons qui regardaient passer le chariot portaient tous des vêtements en peau de poisson, en mousse tressée et en lin marin ; les regards des habitants se faisaient méfiants. D'ordinaire, Ludwig aurait crû voir des enfants courir après et autour du chariot, mais il ne vit que des petits visages apeurés qui se cachaint dans les plis de robe de leurs pères.
Le chariot s'arrêta devant un étal, où un homme à la peau mate disposait des marchandises tels que des épices, des bijoux et du textile, attirant les regards intrigués. Le marchand leva la tête vers la haute silhouette d'Edward, qui lui tendait deux pièces de monnaie frappée du visage de l'Hakessar.
— Trois onces de pulo-pinol.
Le marchand plissa des yeux, prit les pièces avant de les coincer sous ses dents, vérifiant leur valeur. Enfin, il versa dans trois petits sacs une poudre cyan, dont l'odeur parvint aux narines de Ludwig : un mélange d'amande, de silice et de paprik… paprik...aaaah !
— Atchaaa ! fit le jeune homme en retenant sa capuche.
Il passa sa manche sur son nez en regardant autour de lui, mais personne ne lui avait prêté attention. Le marchand lança à Edward un regard interrogateur, lequel répondit par un haussement d'épaules ; tout le monde n'était pas résistant aux fabuleuses épices de Médine.
Le chariot se mit en branle, et le blond attendit qu'ils soient sortis du village pour demander :
— Pourquoi tu voulais ces épices ? On va pas cuisiner un curry, si ?
— Un : l'odeur, comme tu l'as constaté, est forte, ce qui est utile pour faire fuir les bêtes sauvages. Deux : l'épice a beaucoup de potentiel pour renforcer ton immunité contre la plupart des maladies de Mourn. Trois : oui, c'est pour faire un curry.
— Je le savais !
Edward grogna en roulant des yeux, tandis que Ludwig se tourna vers Maty et Saulia, les surprenant en pleins chuchotements :
—…et c'est là qu'il s'est renversé toute la saucière en hurlant : « vous osez exploiter des mourmons parce qu'ils ont de la magie et pas de droits ? », expliqua Saulia en évoquant un dîner de politiques duquel Ludwig gardait un mauvais souvenir.
— Noooon !? (Maty éclata de rire, couinements de souris sous ecstasy) J'aurais tellement aimé être là !
— Pas moi, soupira Saulia. J'ai dû me confondre en mille excuses parce que ce gros bêta n'arrêtait pas de vociférer.
— Hé ! (Elles se tournèrent vers lui) Je t'entends, tu sais.
— Tu écoutes, plutôt. Ne joues pas sur les mots ! répliqua Saulia.
— Eh, Maty ! l'interpella le jeune homme en ignorant sa secrétaire. Tu veux que je te raconte la fois où Saulia a…
— QU'EST-CE QUE C'EST QUE CETTE HORREUR !?
Ludwig bondit sur sa place et son cœur fit de même dans sa poitrine. L'exclamation provenait d'Edward, qui regardait avec effroi un boule noire de fourrure lovée sur ses genoux, ronronnant de plaisir.
— Edward, voici Ananko, mon chat. Ananko… (le chat miaula en se réveillant) Voici Edward, un des meilleurs amis de Ludwig.
— Ce bidule est un chat ? blêmit Edward tandis que le matou sautait de ses genoux pour aller sur ceux de Ludwig.
Ce dernier remarqua que l'animal spectral avait… perdu de sa « spectralité » : plus aucun volute noir ne s'échappait de son corps. Un indice intriguant…
— Tiens, fit Ludwig en prenant l'animal qui s'agriffait à son pantalon, et le tendit à Saulia, puis dit à Edward : Je me rappelle bien de ton allergie aux chats, mais pas à ce point.
— Je n'étais pas… Hmpf… Sortez ce truc de mon chariot !
— Oh, il est trop meu-gnon ! (Maty s'empressa de gratter la gorge de l'animal, qui ronronna de plaisir) Mais c'est qui le gentil petit noiraud ? Mais c'est qui le gentil petit noiraud ?
— C'est bon, soupira Edward. Elle est gâteuse, maintenant.
— T'es juste jaloux parce qu'il m'aime plus que toi ! ricana Maty.
— Je ne serais pas si sûre de vous, madame, fit Ananko, son regard émeraude vers Maty.
— Il parle ! s'écria-t-elle.
— J'aurais pu vous en parler… s'excusa Saulia.
— À la bonne heure ! Maintenant, on doit pas gérer un monstre, mais deux !
— Roooh, Ananko, tu as vu ? (Ludwig mima le ton « meu-gnon » de Maty) Edward s'excuse en se solidarisant. Quelle âme charitable !
Ils se mirent à rire devant le vampire qui grinçait des dents, les mains blanchies à force de serrer les rênes. Ananko souligna de sa voix éthérée qu'il s'agissait d'une fausse appréciation, car lui et Edward ne faisaient pas partie de la même catégorie… ce sur quoi Ludwig rebondit en soulignant à son ami vampire qu'au moins, un chat le considérait assez pour le classifier. N'y tenant plus, le blafard s'empressa d'envoyer Ludwig à l'arrière du chariot tel un enfant récalcitrant, arrachant plus de rires aux passagers.
Une drôle de sensation que Ludwig ressentait là. Ce n'était pas une satisfaction légère après une bonne soirée à s'occuper de dossiers divers, pour finalement lâcher un soupir magistral ainsi qu'un « bordel, c'est fini ! » ou tout autre éructation similaire. Ce n'était pas non plus ce sentiment d'impuissance et en même temps d’invincibilité, cette ambivalence instable née d'un mélange de sentiments contradictoires quand il se trouvait près de Laura. C'était juste… du bien simple et équilibré, une plénitude, son regard qui flânait dans les nuages, sans y chercher quoi que ce soit, sans réfléchir, juste… se laisser porter par l'ambiance et les autres, en donnant parfois un petit coup tranquille de pagaie pour redresser la barre.
Ananko brisa la plénitude d'un ordre catégorique :
— Nous irons à Apraxia. Mon maître vous y attend. Les Dardants également.
Tous le regardèrent d'un air étonné, et le chat se lécha paresseusement la patte. Maty lâcha un rire gêné et dit :
— Euh, désolé d'interrompre l'effet dramatique, mais… C'est quoi, Apraxia ?
Apraxia. La Cité des Savoirs Engloutis.
Tandis que le groupe continuait sa route sur le chariot, Edward expliquait à leur amie blonde que la capitale de Paraxie se trouvait sur une île reliée à un pont, au Nord de l'Empire. C'était vers elle que convergeaient tous les navires marchands et militaires. La ville était la plus ancienne de tout le continent, apparemment bâtie sur les ruines d'une plus ancienne capitale. Elle contenait également la plus grande bibliothèque de tout l'Empire. Seulement…
— On n'a pas de carte ! protesta Ludwig. Comment on va pouvoir y aller ?
— Les moyens dont vous userez pour y parvenir n'intéressent ni mon maître ni moi pour rien au monde.
— Et vous ne pouvez pas juste nous aider à y aller plus rapidement, comme ça ça nous fera des vacances ?
Le chat le regarda d'un air étonné, avant de faire l'équivalent d'un haussement d'épaules félin/ Ludwig grinça des dents en regardant l'animal dans les yeux, mais se sentit soudain ridicule ; crier sur le chat de sa secrétaire à propos d'un long voyage n'était pas des plus raisonnables.
— D'accord, d'accord… On peut au moins savoir pourquoi on doit aller le voir ?
— Vous y trouverez les réponses que vous cherchez.
— Euh, Ananko ? (le chat tourna sa tête vers Saulia) Je t'aime beaucoup, je suis très heureuse de te retrouver malgré… tout, en fait. Seulement, tu conviens que c'est un peu excessif comme requête ?
Le chat sembla réfléchir (tout du moins ses yeux restèrent ouverts sans cligner une seule fois), puis répondit :
— Aucun moyen magique n'est bon pour parvenir à notre destination, maîtresse. Quand à notre destination, elle n'est pas très loin ; je dirais qu'il faudrait deux mois de marche pour y parvenir… (les humains et le vampire lui lancèrent un regard horrifié, aussi le chat ajouta :) Mais en charrette, cela prendra deux semaines tout au plus.
— On n'a pas le temps de perdre deux semaines ! (Ludwig se tourna vers Edward) Tu es déjà venu ici ?
— Il y a très longtemps, et c'était une étape de voyage… Je ne sais pas si c'est toujours possible…
— Je pourrais m'en charger ! intervint Maty.
— Non.
Le ton d'Edward était si froid et catégorique qu'il en glaça le sang de Ludwig ; le regard du vampire était aussi acéré qu'un flocon de neige. Maty, quand à elle, se recroquevilla sur sa place en prenant un air boudeur.
— Se charger de quoi ? demanda Saulia, toujours curieuse.
— De rien, et si l'un de vous repose la question, je plongerais sa tête dans le pulo-pinol.
Ludwig intima Saulia d'un regard qu'il ne fallait pas insister, pour ensuite dire :
— Est-ce que tu te rappelles de quoi il s'agissait, Edward ?
— Je crois qu'il s'agissait d'un avant-poste Tyrminien ; nous ne sommes pas très loin de la frontière après tout… Et je pense qu'ils pourront nous aider à arriver à destination plus rapidement.
— Combien de temps ça nous prendra, d'arriver à ton avant-poste ?
Edward leva le regard vers le ciel, son bras vers le soleil, le pouce perpendiculaire à l'index. Après quelques instants, il leva deux doigts et dit :
— Deux. Un jour pour y parvenir, un jour pour aller jusqu'à Apraxia.
— On ferait bien de se dépêcher, dans ce cas. Je sens qu'une tempête approche.
Maty avait prononcé ses mots non pas à la manière d'une vieille dame se plaignant de son genou endolori, ou d'une présentatrice météo un peu fatiguée, mais d'une façon si posée et calme que Ludwig leva instinctivement la tête vers les cieux… pour ne voir qu'un soleil éclatant. Aucun nuage à l'horizon… Il lança à Saulia un regard interrogateur, qui haussa les épaules. Maty, elle, semblait dans sa zone, les yeux dans le vague. Lorsque Ludwig se tourna de nouveau vers Edward, son visage était imperturbable.
Le vampire fit claquer ses rênes.
— Ne tardons pas.
* * *
Ils tardèrent.
La tempête avait éclaté avec une rage incommensurable, forçant le groupe à s'abriter dans une petite bicoque abandonnée. Le vent soufflait avec tant de force que Ludwig s'attendait à voir le toit s'arracher dans la seconde suivante. Curieusement, dès qu'Edward eut refermé la porte, le vent ne se fit plus du tout entendre. Sous le regard étonné de son ami blond, le vampire expliqua :
— Chaque maison paraxienne a été enchantée pour résister aux Tempêtes Jaspiques, sinon elles seraient balayées chaque semaine.
— Chaque semaine ? (Saulia essorait ses cheveux, Ananko s'ébrouant sur ses souliers) Pourquoi on voudrait habiter dans un endroit pareil ?
— L'abondance maritime ; les eaux sont si peuplées et prolifiques qu'aucune pêche intensive ne peut les vider.
— Pour peu que ça arrive, ironisa Ludwig en regardant la tempête à travers la fenêtre. Combien de temps cela va durer ?
— Une nuit, tout au plus (Edward se dirigea vers la porte) Ne sortez sous aucun prétexte…
— Où tu vas comme ça ?
— Chasser. Je suis un vampire, je te rappelle ?
Ludwig n'insista pas plus… La porte s'ouvrit sur un fracas venteux, avant de se refermer aussi sec. Le blond se précipita à la fenêtre pour voir si son ami n'avait pas été emporté, seulement il ne vit rien à travers la pluie et les feuilles.
Ce fut la frustration qui le fit s'asseoir avec tant de force que la vieille chaise grinça. Il tapota l'unique table de ses doigts, percussion qui ne fit qu'augmenter son agacement. Pourquoi son ami, qu'il n'avait pas vu depuis un an sans une once de nouvelles, retenait autant de secrets ? Ludwig entendit un grincement et vit Maty qui s'était juchée sur un coffre, les bras autour de ses genoux repliés. Elle regardait encore dans le vague. Si l'autre veut pas me répondre…
— Doooonc… Maty, tu… vas bien ?
Un silence. Les yeux bleu-vert de la jeune fille restèrent fixes. Ludwig ravala la boule dans sa gorge et réitéra :
— Allô Maty, ici Ludwig ? Do you copy ?
— Je pense qu'elle a besoin d'espace, fit Saulia, mais le blond l'ignora :
— S'il te plaît, réponds-moi ! Je ne t'ai pas vu depuis… depuis tu sais quoi ! Ais au moins la décence de me dire que tu vas bien !
Les yeux bleu-vert revinrent à la réalité, et se tournèrent vers lui. Il y lut… non, sentit avec force une peur indicible. L'élan de compassion fut si fort qu'il se leva pour se précipiter vers elle, et la serrer dans ses bras.
Maty ne répondit rien. Elle pleura.
Ludwig la berça doucement, laissant échapper des « chut, chut, tout va bien... » de sa bouche tel un robot mal conçu. Il ne comprenait pas pourquoi, ne savait rien. Pourtant, il ressentait cette peur en lui comme si c'était la sienne. Ce n'était pas quelque chose qu'une jeune fille pouvait ressentir… non, que quiconque devait ressentir.
— Tu peux me parler, finit-il par dire doucement. Tu sais que tu peux me parler.
— Je… Je ne peux pas, sanglota-t-elle. Il me tuerait.
— Qui ? Orbas ? Il est mort, Maty. Pas toi.
— Maty, on te protégera de tout danger, lui assura Saulia tandis qu'Ananko hochait de la tête.
— Si ma maîtresse jure, je jurerais aussi.
Maty tourna successivement la tête vers la rousse, le chat noir et le blond. Ludwig sentit sa peur se déliter, un peu. Parfois, il nous faut de l'espace. Mais parfois, on a juste besoin qu'on nous dise que tout ira bien.
— Tu vois ? (il sourit vers elle, passant délicatement son doigt sous ses yeux pour sécher ses larmes) On est ici. Il n'est pas là. Tu n'as rien à craindre.
—…je vais vous le dire, mais jurez-moi d'abord de garder le secret.
— J'ai, je suis et je serais ton ami (Saulia répéta la même chose) Tu peux nous faire confiance.
Maty inspira pour se calmer, avant de regarder Ludwig droit dans les yeux. Ce regard était… terrifiant. Quelque chose de plus ancien que le monde lui-même, un torrent d'images écartelées par le Temps lui-même. Un gouffre qui ne cessait de déglutir en attendant de vomir le prochain déluge qui dévasterait tout.
— Je ne suis pas réelle, Ludwig. Je ne suis pas la Maty que tu as connu. C'est Edward, il… il m'a créé de toutes pièces.
* * * * *
[1] Sorte de lézard aux dents proéminentes (presque des défenses), et au dos couvert de larges blocs de schiste. Cet animal, très pacifique et herbivore, se cache des prédateurs en s'enfouissant dans le sol pour se faire passer pour une pierre.
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