Démon intérieur

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 La journée commençait si bien. C'est un beau mercredi, l'été touche à sa fin. C'est cette période où le soleil, en se couchant, peigne le ciel de toutes ses plus belles couleurs. J'avais passé une partie de la matinée à regarder le temps passer, amusé par quelques histoires drôles trouvées sur internet. Depuis quelques temps, mon travail ne consiste plus qu'à faire acte de présence. Mes charges ont été déléguées à d'autres, et on se passe le plus souvent de mes services.

 Cela fait maintenant plus d'un an que ma vie est devenue monotone. Morose. Ma fiancée, Kathy, a pris un travail du soir et on ne se voit plus que le week-end. Mon patron me laisse à peine préparer les cafés lors des réunions, et ma mère a amélioré ses compétences en pénibilité. "Viens me chercher !", "J'ai oublié de faire mes courses". Depuis quelques temps, je suis même obligé de venir chez elle pour promener son nouveau chien. Je perds un temps considérable à m'occuper d'elle et jamais, ô grand jamais, je ne devais lui demander une faveur.

 En vérité, je vis une période pas si facile. Je m'énervepour un rien et passe plus de temps à m'occuper des problèmes des autres plutôt que les miens. Mes journées se ressemblent toutes et je n'ai presque plus de temps pour moi.

 En ce beau mercredi, après la pause déjeuner, mon responsable me fait venir dans son bureau. Je voyais souvent des gens entrer après une telle annonce, et souvent, ils ressortaient la mine penaude, l'air triste, les bras ballants. Je ne revoyais jamais ces personnes dans les couloirs.

 En entrant dans le bureau, je remarque tout de suite l'énorme tête de sanglier qui trône au milieu du mur, en face de la porte. Ses défenses étaient garnies d'une volée de médailles obtenues lors de concours de tir. Monsieur Vilepente était un chasseur talentueux et ne se privait jamais de le faire savoir. Lui, un gaillard trop gros pour son costume, siège derrière un bureau en acier probablement trouvé dans un laboratoire : il ressemblait plus à une paillasse de chimiste plutôt qu'à un office de PDG. Son sourire narquois me fait frémir.

 En le voyant, les coudes posées et les mains jointes, mon cœur fait un bond dans ma poitrine. J'ai déjà vécu ça, alors pendant une seconde, je ferme les yeux et prend une profonde respiration. Je l'entends sourire.

— Ne prenez pas la peine de vous asseoir, me dit-il. Je vous informe simplement que vous êtes renvoyé. Il a été décidé que votre implication...

 Je n'entends plus ce qu'il dit. Je pense à la soirée de demain, qui est censée marquer notre anniversaire avec Kathy. Toutes les relations connaissent des hauts et des bas, et les nôtres ont véritablement volé trop près du soleil avant de frôler le sol avant l'impact. Mais nous avons tenu bon. Son travail la retient parfois très tard dans la nuit, si bien que...

 Oh mince... Ai-je vraiment été aussi bête ? Comment quelqu'un peut-il être aussi aveugle ? Mon cœur saute à nouveau dans ma poitrine. J'ai l'impression qu'il veut s'échapper. Comme la dernière fois. Je dois le calmer. Je dois me calmer. Je prend une grande inspiration, lentement, puis je bloque l'air dans mes poumons. Je me vide l'esprit, en essayant de me focaliser sur quelque chose de bien. J'ai d'abord l'image de ma mère profiteuse qui me vient à l'esprit. Je la chasse rapidement. Je vois alors mes livres. Une modeste collection que je garde chez moi, dans une pièce réservée dans laquelle je pense le plus clair de mon temps. C'est ici que j'ai envie d'être, et nulle part ailleurs.

 J'expire, puis j'ouvre les yeux. Je suis assis dans mon fauteuil. À ma gauche, dans la cheminée, un petit feu forme la seule source d'éclairage de la pièce. Autour de moi, mes bibliothèques, et mes livres par dizaines. Je me lève en sursaut. Je ne rêve pas, je suis bien chez moi. Mon pouls s'accélère. De l'autre côté de la porte, je distingue une chaussure. Une chaussure d'homme.

 Mon cœur bat encore plus vite. Je m'approche du feu et regarde mes mains. Ma vue se teinte alors de la couleur rouge du sang qui recouvre mes doitgs. J'ai du mal à respirer quand je comprends qu'Il est revenu. Je tombe alors à genoux et un acouphène soudain m'enserre le crâne. Mes mains ensanglantées viennent me saisir la tête, brûlante et douloureuse.

 Je ressens à nouveau sa présence. Il est derrière moi. Il est revenu.

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