Un soir

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La fête du village touchera à sa fin. Le tilleul finira de pleurer sur le Vercors étoilé.


 Un soir de vacances adolescentes, un soir comme on n’en vivra plus... Qui brûle les lèvres de baisers d’amour frivole mais passionné, qui se pense éternel dans son évanescence, qui parcoure les chairs de sa volupté.

 Un soir qui se fout du reste.


 J’aurai perdu le temps entre deux lattes de fumée, rempli mes poumons de rires exagérés, usé mes pieds sur des pas essoufflés. Ce sera un soir où la lune s’éveillera sans hâte, laissera à la nuit la pudeur de nos mots détrempés, noyés entre des brins d’herbe folle et humide. Le temps se pressera d’inconnus, de visages de brume. Compressé dans l’obscurité, tu trouveras sur un bout de fontaine crachotante ma silhouette solitaire, l’oreille agrippée au clapotis, tu saisiras mon regard de tes yeux sombres et luisants, comme on saisit une main de danseur à la dérobée des notes. Ce sera un soir où les voix s’abimeront dans nos gorges, où le silence ensevelira les étreintes juvéniles.

 Ce soir nous marcherons avec lenteur, pour étirer encore le soir. Nos pas claqueront sur le bitume chaleureux et le peu de lumière unira nos ombres comme un seul être.

 Ce sera un soir insomniaque, une empreinte dans un sable mobile. Les âmes se reconnaîtront sans se connaître. Je frissonnerai, de froid, ou de toi, et de la nuit qui nous embaumera de sa pellicule de néant. Il n’y aura rien, sur la route sans phares et sans phrases, que nos baisers inventés. Je fumerai trop, pour occuper l’espace entre nos courants d’air.

 Ce sera un soir qui durera comme il peut, un soir qui nous accordera cette pluie fine qui rapproche les cœurs, qui couvre les cheveux de tendres caresses. Tu prendras ma main qui t’aura cherché dans le vent, tu arrêteras le jeu qui aura fourmillé dans nos entrailles, tu murmureras des syllabes enchantées, et le long de cette route esseulée, on partagera notre premier baiser.

 Je garderai gravé sur ma langue, le goût cendré de tes lèvres, de la nuit qui s’achève sans trace du sommeil, je garderai enfoui le souvenir de nos corps emmêlés dans la pénombre, de l’œil rond sur le ciel en éveil. Les premiers pas chancelants d’une histoire légère, d’un amour insolent qui se croise au hasard. Je me souviendrai qu’avec toi, aimer s’affranchit des promesses et des douleurs qu’elles déversent.







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