Chapitre IV

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Sevan explorait les couloirs de l'Ecole, et se rendit finalement compte qu'il s'était perdu. Il y avait tant de couloirs, de grandes pièces, d'escaliers, par les deux lunes !

Il déboucha finalement sur une grande pièce où se trouvait plusieurs ronds de verdures, avec des champignons luisants, des fleurs méconnaissables, et même quelques petits arbres. La salle était éclairée par des boules de lumière qui flottaient dans ses six coins. Il y vit trois bureaux, une table recouverte de potions, et beaucoup d'étagères. Il y avait un homme de dos, tout au fond. Sevan, curieux, toqua doucement à la porte, faisant tout de même sursauter l'homme. Il se retourna, et le garçon vit avec étonnement les oreilles pointues et les yeux de chat de l'homme. " Un elfe ? " songea-t-il.

- Je peux faire quelque chose pour toi ? demanda l'elfe en s'approchant du garçon, qui recula par réflexe.

- Je me suis perdu, je crois, bredouilla-t-il.

- Aah, tu es la nouvelle recrue dont m'a parlé Ferendus, s'exclama-t-il. Notre Haut-Mage met beaucoup de confiance en toi, j'espère qu'il a raison. Je me présente, je suis Dunmas Aeres, l'alchimiste de l'Ecole de magie de Sham.

- Que fait un elfe ici ? questionna Sevan, un peu plus sûr de lui.

- Bonne question ! Eh bien, j'ai grandi à l'Ecole depuis que j'ai environ vingt ans, mais comme tu le sais, les elfes ont une espérance de vie bien plus longue que celle des humains. Je déteste ma famille, qui s'est retirée dans la forêt profonde du Royaume de Alderanis. Que dire de plus ? Je suis fasciné par les plantes, et toute la magie qu'elles contiennent. Mais toi, jeune apprenti sorcier, quand commences-tu ton cours ?

- Je l'ignore totalement ! se crispa le jeune garçon brun. Vous savez où est la salle de cours ?

- Bien sûr ! sourit Dunmas. Je vais t'y conduire, mais tu devrais demander un plan de la Grande Ecole à l'un de tes professeurs ou camarades.

- Compris, acquiesça Sevan.

L'elfe lui adressa un nouveau sourire, et il le conduisit dans un couloir tout droit. Ils prirent un tournant, et se retrouvèrent face à une porte portant encore le symbole de l'Ecole, le renard argenté à deux queues entouré d'étoiles. Il ouvrit la porte, et Sevan vit une salle de taille moyenne baignée par la lumière du jour, car elle comportait de nombreuses fenêtres. Quatre jeunes gens - le plus jeune semblait avoir treize ans et la plus vieille dix-sept ans. La femme en robe brune et bleue au centre du demi-cercle leva la tête vers les deux nouveaux arrivants, et adressa un sourire à Sevan.

- Il vient d'arriver et s'est perdu, expliqua calmement Dunmas.

Le jeune brun soupira de soulagement, heureux que l'elfe ait expliqué à sa place, car sa timidité l'empêchait de parler.

- Ce n'est pas grave ! s'exclama la femme en robe de sorcière. C'est son premier jour, alors il faut encore qu'il s'habitue.

" Autant de monde est au courant ? " s'affola Sevan, alors que l'elfe le poussait amicalement vers les autres élèves.

- Merci, M. Aeres, vous pouvez nous laisser, reprit la magicienne.

A ces mots, Dunmas referma la porte et disparut. La sorcière se tourna vers Sevan, ses yeux verts allant parfaitement avec ses cheveux bruns clairs coupés au carré, lui donnant un air strict, mais son expression était clame et douce.

- Quel est ton nom ? demanda-t-elle.

- Sevan, répondit le nouveau venu. Sevan Harchemière.

- Le mien est Maya Norsomble, mais appelez-moi tout simplement Madame, ordonna la sorcière. Vous présenterez les uns aux autres une fois le cours terminé, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.

Personne ne répondit, et cela parut satisfaire la femme.

- Très bien. Nous allons commencer, pour ce premier cours, à s'entraîner à re-spi-rer. Un bon sorcier doit savoir puiser dans ses poumons l'air nécessaire à la création du Souffle. Quelqu'un sait ce qu'est le Souffle ?

Un jeune garçon de quatorze ans leva la main, et Mme. Norsomble lui demanda s'il avait la réponse.

- Le souffle c’est ce qui sort de notre bouche ou de notre nez quand on expire, déclara-t-il, un sourire aux lèvres.

Une jeune fille - celle qui avait hurlé de joie lorsqu'elle avait été choisie, à la cérémonie de choix - pouffa dans ses mains, et le garçon blond de treize ans sourit.

- Ce n'est pas vraiment ça, soupira la professeure avec exaspération. Le Souffle, avec un grand "S", c'est l'air qu'un sorcier fait circuler en lui, et qui lui donne la capacité de le renvoyer, soit plus fort, soit sous une forme évoluée. Je suppose que tout le monde à envie d'une démonstration ?

Des cris enjoués suivirent cette dernière question. La sorcière sourit à son tour et se mit de profil face au élèves.

- Le Souffle, ce n'est pas la Voix. Vous ne devez pas positionner vos lèvres comme si vous alliez crier, mais comme si vous vouliez éteindre une bougie, avec plus de force. Si vous avez su guider le Souffle dans vos poumons, alors il ressortira plus puissant. Un sorcier expérimenté dans l'art du Souffle peut tuer un adversaire, rien qu'en lui soufflant dessus. Pensez aussi à ne pas cracher, vider votre bouche, asséchez-la, et laissez passer l'air.

A ces mots, elle se redressa en arrière, en aspirant une grande quantité d'air dans ses poumons, puis se pencha en avant, ouvrit la bouche, et sous les yeux ébahis des élèves, un tourbillon glacé en sortit. Il s'estompa vite dans l'air, et Maya Norsomble revint vers ses novices, même pas essoufflée ou rouge.

- Je ne suis pas maître dans le domaine du Souffle, mais d'autres sorciers plus puissants, comme Ferendus le Haut-Mage, par exemple, pourraient très bien y arriver, expliqua-t-elle. Vous pouvez faire naître un tourbillon de feu s'il fait chaud, ou de glace s'il fait froid.

Elle huma un instant l'air, avant de décréter qu'il faisait trop frais pour une démonstration avec du feu, ce qui généra quelques murmures déçus.

- Bien, reprit-elle. Commençons par la posture, et l'ouverture des poumons. Mettez-vous dans la même position que moi, je vous prie.

Sevan se mit également de profil se redressa en inspirant, retint sa respiration comme le faisait Mme. Norsomble, et expira en se relâchant un peu en avant.

- Moins vite, Gwen ! s'exclama la magicienne. Et toi Sevan, essaie de contrôler tes mouvements, en laissant l'intérieur de ton corps libre, et l'extérieur gainé.

Le jeune garçon essaya de reproduire les mouvements. " C'est moins facile que ce à quoi je m'attendais ! " songea-t-il, le visage crispé.

A la fin du cours, il était épuisé, et ses poumons le brûlaient. Il s'assit devant la fenêtre de sa chambre pour s'aérer un peu.

- Sevan, c'est toi ? demanda une voix à la porte.

Surpris, le jeune brun se retourna, et aperçu le dénommé Florentin, qui avait dit une affirmation à moitié fausse, lors du cours de respiration.

- Oui, pourquoi ? répondit Sevan, intrigué.

- Si personne ne te l'a déjà dis - ce qui serait étonnant -, moi c'est Florentin, et je suis super content qu'on ait un garçon de plus dans l'équipe ! s'exclama-t-il. C'est horrible, ce qui est arrivé à Erik... Mais enfin bon, tu as l'air quand même un peu plus intelligent que lui !

Sevan ne répondit rien, amusé par l'enthousiasme de Florentin. Le jeune garçon était brun, avec des taches de rousseurs, et des yeux bruns également. Il portait une robe de sorcier bleue et brune, les couleurs d'Utelen, à en juger des habits des soldats et des mages.

- Tiens, Aolie m'a demandé de te donner la tenue réglementaire de l'Ecole.

Florentin lui tendit une robe semblable à la la sienne, pliée, ainsi que de nouvelles bottes qui avaient l'air plus confortables que celle que Sevan avait aux pieds. Il le remercia et posa les vêtements sur son lit.

- Tu veux que je te présente au reste des "choisis-par-la-lumière-des-Damachins" ? demanda le jeune brun. Les trois autres novices qui occupent ce dortoir habituellement sont en mission avec d'autres sorciers. Et il faudra aussi que je te fasse visiter toute l'Ecole de magie, et aussi qu'on aille dans la cour pour...

Mais Sevan ne l'écoutait plus - de toute façon cela ne servait à rien, Florentin semblait monologuer -, et ils s'engagèrent dans l'escalier qui menait aux étages du dessous. Ils repassèrent devant la porte ouverte de la salle de Dunmas Aeres, l'étrange elfe dans un Royaume Humain, tournèrent plusieurs fois dans les couloirs, que Sevan tentait avec peine de mémoriser.

Ils arrivèrent dans la cour principale, à moitié ouverte sous le ciel légèrement nuageux d'Utelen et de ses abords, celle qui possédait l'immense orbe avec ses écritures étranges, scintillant de bleu cristal, et lévitant au-dessus d'un piédestal. Plus loin, il y avait une statue de renard à deux queues assis sur un rocher. Florentin poussa Sevan vers trois autres enfants qui discutaient. La fille de dix-sept ans se tourna vers lui, elle avait l'air sereine, et n'était pas très grande pour son âge.

- Alors elle s'est Malicia, déclara son nouvel ami en ne se gênant pas pour la pointer du doigt. Le garçon blond, c'est Hemrick, et la magnifique fille devant nous, c'est Iris.

Lorsqu'il la nomma ainsi, Iris fit rouler ses yeux d'un air exaspéré, mais tout de même le sourire au lèvres. Ses cheveux châtains étaient encore tressés, comme le jour de la cérémonie du choix, et ses yeux bleus pétillaient. Malicia, elle, était blonde, mais moins clair qu'Hemrick. Ils semblaient tous sympas.

- Et lui, c'est Sevan ! s'exclama Florentin en le présentant aux autres.

- Salut ! s'écria Malicia. Content d'être ici ?

- Euh... ouais, répondit Sevan, un peu mal à l'aise.

- C'est génial ! s'écria Hemrick. Dire que mes parents insistaient pour que j'aille ici, j'ai bien fait de les écouter !

Le nouvel apprenti sorcier baissa les yeux. " J'aurais tant aimé que mon père me pousse à entrer à l'Ecole de magie de Sham... " songea-t-il, le cœur gros.

- Eh, ça va ? demanda Iris. T'as pas l'air dans ton assiette.

- Ouaip' mon gars, renchérit Florentin. T'es tout pâle.

Sevan se rendit compte qu'il avait soudain très froid. Peut-être était-ce du fait que sa chambre était haut placé dans la tour, et que l'air y était plus frais. Il avait aussi un peu mal au ventre. " Non ? Sérieusement ? Je ne vais quand même pas tomber malade le premier jour... ".

- Je crois qu'il faudrait l'emmener à l'infirmerie, s'inquiéta Malicia. Florentin, tu veux bien l'accompagner ?

- Pas de souci, s'exclama le jeune novice. Suis moi Sevan.

Il l'entraîna à l'intérieur, dans un long couloir de pierre droit. Sur les murs, il y avait d'étranges symboles peints en blanc, mais Sevan n'osa pas demander à son ami ce qu'ils signifiaient.

- C'est ici, déclara Florentin alors qu'ils arrivaient devant une porte de bois close. Je ne ferais pas un pas de plus, mais toi tu peux entrer.

Sevan le remercia, et l'écouta s'en aller dans le couloir. Il resta un instant avant de toquer. On lui ouvrit presque aussitôt, et le visage émacié d'une grosse dame en robe grise apparut à la lumière des fenêtres.

- C'est pour quoi ? grinça-t-elle.

- Je ne me sens pas très bien... confia le jeune garçon.

- Entre, ordonna alors la femme.

Ses cheveux noirs lui arrivaient très loin dans le dos, et ses yeux noirs avaient quelque chose d'inquiétant. Il comprit pourquoi Florentin n'avait pas voulu l'accompagner dans l'infirmerie.

La grosse dame l'emmena dans une pièce annexe où il s'assit sur une chaise, derrière un bureau. Il patienta quelques minutes avant qu'un homme en robe de sorcier blanche et bleue n'arrive. Ses traits étaient durs, mais son expression douce.

- Bonjour Sevan, fit-il. Je suis Al Dimeris, et je suis maître en magie de guérison.

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