Chapitre 23

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Ecrit en écoutant notamment : Dr. Peacock x Ferocious Dog - Psychedelic Spin [Folk/Psytrance]

Pdv Émilien, vendredi matin

Fait chier, ce train ne pouvait pas partir encore plus tôt ! Franchement, se lever à cinq heures et demie pour le premier jour de vacances, c’est inhumain ! Le seul avantage, c’est que le bus et le RER sont à l’heure, et encore bien vides.

J’arrive à la gare de Lyon vingt minutes avant le départ et ai le plaisir de constater que le train est déjà à quai. Je monte donc directement à bord et m’enfonce dans le siège qui m’a été attribué. Avant de m’assoupir à nouveau définitivement, j’ai le temps de ressasser une fois de plus l’épisode de la veille. Tout semblait pourtant bien parti : armé d’une volonté de clarifier les choses, j’étais allé frapper à l’appartement de Laszlo, et avais eu de la chance de l’attraper une heure avant qu’il ne rentre lui-même chez lui à Marseille.

J’y ai cru encore plus fort quand il m’a annoncé qu’il ne m’en voulait pas spécialement par rapport au fait que je sorte avec Renan. Sauf que pour une raison que j’ai beaucoup de mal à comprendre, il refuse obstinément d’admettre que je ne suis pas différent d’avant.

Ce n’est pas vraiment méchant comme comportement, mais je ne peux pas me permettre de ne pas vivre avec lui la même amitié qu’avant. J’en demande peut-être beaucoup, mais je trouve ça beaucoup trop dérangeant de reconstruire une relation différente de la précédente, avec forcément moins de complicité. J’ai donc fini par l’envoyer paître, le pire étant qu’il n’avait pas l’air plus affecté que ça.

De toute façon, je n’ai plus vraiment besoin de lui, j’éprouve mille fois plus de sympathie pour mes amis du Nightfader.

Après mon second réveil du jour, j’occupe le reste de mon voyage avec quelques épisodes de série et arrive vers onze heures à la gare de Privas. Comme mes parents travaillent encore, je suis forcé de prendre le bus jusqu’à Aubenas, à vingt kilomètres d’ici. Cependant, je ne me sens réellement chez moi qu’une fois que nous passons au-dessus de l’Ardèche en rentrant dans ma petite ville.

N’ayant pas déjeuné ce matin – il faut dire qu’à cinq heures et demie, ça ne donne pas trop envie –, je me rue sur le congélateur à peine arrivé chez moi et en sort une pizza quatre fromages avec bonheur. Je fais préchauffer le four et vais ranger mes affaires pendant ce temps-là.

Après m’être correctement nourri, et tant que je suis seul, je m’octroie mon petit plaisir de la journée : j’allume ma chaîne hi-fi en poussant le volume assez fort, me déshabille, m’allonge sur mon lit et entame de lents vas et viens sur mon sexe pour me chauffer en douceur. Je commence à imaginer les prochains jours avec mon amoureux, espérant que nous aurons de temps en temps des moments pour nous tous seuls.

A force d’imaginer Renan caresser toutes les parcelles de mon corps, la fréquence d’aller-retour de mes mains augmente mécaniquement, et je dois rapidement m’arrêter pour retarder l’orgasme et faire durer ma séance plus longtemps. Je prends simultanément le temps de ressentir la sensation grisante des basses qui traversent le matelas et martèlent mes tympans, puis le paroxysme du plaisir enfin atteint, je coupe la musique et m’allonge sur le dos, les jambes légèrement écartées, sombrant dans un demi-sommeil sans que ma volonté puisse y changer quelque chose.

Je suis sorti de ma torpeur un peu plus tard par une porte qui claque. Je perçois le rire de ma sœur et d’une de ses amies. Oh putain, Émilien, dépêche-toi !

M’étant endormi nu, je bondis d’un seul coup hors de mon lit, et renfile à la vitesse de l’éclair mes habits, puis descends saluer les deux amies, m’étonnant tout de même de les voir aussi tôt sorties du lycée. Elles ne manquent pas de s'esclaffer en voyant mon t-shirt remis à l'envers, et alors que rouge de honte, je le remets bien en place, je me fais gentiment siffler pour avoir exhibé mon torse quelques secondes...

Le soir, pour fêter le début de nos vacances, mon père nous emmène faire un excellent restaurant italien à Privas. Après que les pizzas faites maison que nous avons commandées sont arrivées, mon père me demande :

— Rappelle-moi, il s’appelle comment ton pote qui vient lundi ?

— C’est Renan !

— Ok, ça marche, normalement vous aurez de quoi faire, le temps s’annonce pas mal. T’as déjà prévu des trucs ?

— Non non, on verra bien…

— Vous pourriez descendre l’Ardèche en canoë, c’est sympa à cette période de l’année, il n'y a pas trop de monde en plus, poursuit ma sœur.

— Ah ouais, bonne idée, merci Élise !

Mon père, qu’on ne changera donc jamais, poursuit :

— Dommage que tu n’aies pas ramené une fille, il y a quelques criques sympas à l’abri des regards le long de la rivière…

Comment est-ce qu’il disait déjà, Renan ? Ah oui, la méthode bourrin.

— Ne t’inquiètes pas, vu que c’est mon mec, c’est un peu pareil finalement…

— Genre ! Ah mais là, t’envoies du lourd, mon fils ! T’aurais niqué le game ! Bon allez, dit-il après une pause, maintenant je vais être sérieux : je suis vraiment très content qu’Émilien nous dise ça. J’ai toujours su qu’il était courageux, il le tient sûrement de moi. Vous en pensez quoi ?

Ma mère, qui s’était tue jusque-là, fronce les sourcils d’une manière peu amène :

— T’es en train d’insinuer que je suis moi-même lâche ?

— Mais non, chérie, pas du tout, je suis juste fier de mon fils… c’est juste un abus de langage si tu veux…

— Je préfère entendre ça !

Ma sœur ajoute :

— Euh, tu parlais de quoi quand tu disais qu’il aurait « niqué le game », en fait ?

Mon père nous regarde d’un sourire mal dissimulé, mais finit par se lancer :

— C’est rien de spécial, juste que quand j’étais à la place d’Émilien il y a trente-cinq ans, avec mes amis, on remportait un point par fille qu’on chopait. Tous les trois mois, les perdants se cotisaient pour une soirée en l’honneur du vainqueur. Mais… si t’avais les couilles et le talent nécessaire pour faire ça avec un mec, t’étais déclaré vainqueur sur le champ de la saison en cours.

Je précise avec un sourire :

— Ouais, mais vu que je suis gay, il n’y a rien de très incroyable du coup…

— Ah oui c’est sûr… on n’avait pas eu à faire à ce cas à l’époque, acquiesce mon père.

Alors que je pensais que ma mère allait au moins faire une réflexion sur mon homosexualité, mon père se retrouve à nouveau intensément fixé par les yeux de celle-ci :

— Donc tu te tapais des mecs pour essayer de remporter ce concours débile ?

— Je n’ai jamais dit ça… mais c’est de l’histoire ancienne, de toute façon. Ça me fait juste plaisir de me rappeler à quel point on était cons à cet âge-là…

— Oui, oui, bien sûr ! répond ma mère, peu convaincue, avant que ma sœur n’ajoute :

— Bon ça va, c’est quand même pas le scoop de l’année, non plus ! D’ailleurs je voulais vous demander, ça va si je pars deux ou trois jours avec ma meilleure amie et deux mecs ? Il y en a un qui a une résidence secondaire à la montagne près de Mende.

— Oui pas de problème, enfin on discutera un peu de ça quand même demain…

Je l’aime bien, ma sœur, mais ça m’arrange plutôt bien qu’elle fiche le camp quelques jours aussi !

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