Ecrit en écoutant notamment : The Rumjacks - The Pot And Kettle [Rock]

Elle se lève pour aller allumer l’écran mural qui se trouve derrière elle, et y branche son ordinateur avec le fichier du planning de la semaine, afin que nous voyions tous bien ce qu’il se passe. Chacun s’inscrit donc à tour de rôle en fonction de ses créneaux préférés, mais surtout du style musical qu’il souhaite jouer, ce qui détermine si on mixera plutôt en début de soirée ou à la fin.

Avec Renan, nous choisissons bien sûr de toujours rester ensemble. Ainsi, pour la soirée de mardi, nous serons uniquement chargés de l’installation du matériel et des décors, mercredi nous jouerons en before sur le créneau vingt-trois heures trente – une heure, et pour terminer en beauté, nous aurons un set de trois heures à quatre heures pour la dernière soirée du jeudi. Je trouve que ça fait une belle progression ! Je m’empresse d’envoyer un message à mes deux meilleurs amis ardéchois, en leur proposant naturellement d’essayer de venir à Paris le jeudi soir. En effet, nous aurons alors tout le loisir de profiter de la soirée ensemble avant que nous montions sur scène pour conclure celle-ci.

Une fois que tout le monde est plus ou moins satisfait du planning, ce qui aura finalement nécessité une bonne heure de palabres ponctués de quelques points de crispation vite calmés, Mila annonce :

— On a presque fini, les instructions suivantes concernant la location de matériel et les contacts avec les différentes listes candidates vous seront transmises par Lucas et Samuel dans les jours qui viennent. Et n’oubliez pas vos paris ! On se retrouve jeudi prochain, même heure, même endroit, pour finaliser tout ça. Maintenant, c’est l’heure de se détendre !

Nous nous levons tous, et Renan et moi allons accompagner Lucas jusqu’à sa voiture, pour aller chercher les packs de bière qu’il avait eu le temps d’aller acheter juste avant la réunion, avant de monter dans la collocation partagée par Lucas et Samuel.

Au détour d’une conversation, il me semble comprendre que notre présidente Mila sort désormais avec Laszlo. Bien que j’eus souhaité ça il y a encore pas si longtemps, je suis maintenant largement plus sceptique concernant cette relation. J’ai peur que Laszlo ait une mauvaise influence sur elle, et en particulier que notre relation avec elle s’en trouve détériorée. Ce qui peut sérieusement porter à conséquence, étant donné qu’avec Renan, nous comptons bien prendre les postes importants du bureau de l’association pour l’année suivante !

Sans bien sûr lui faire part de mes inquiétudes, je vais tout d’abord trouver Mila afin de lui demander innocemment si ce que j’ai entendu est exact. Et effectivement, toute pétillante, elle me répond par l’affirmative. J’essaie de ne pas montrer que je suis contrarié, et vais plutôt attraper une bière avec Renan pour passer à autre chose. Tandis que nos collègues se succèdent pour s’entraîner au mix, je m’installe dans le grand canapé de la collocation, et regarde Renan et Lucas s’affronter sur une partie de FIFA. Lorsque mon amoureux marque un joli but tout en dextérité, je lui appose un baiser sur le coin des lèvres, avant de me rappeler que nous ne sommes pas seuls. Renan se tourne vers moi avec un grand sourire amusé, d’autant plus que j’étais en train de m’essuyer les lèvres comme si cela pouvait empêcher des collègues de nous avoir vu. Je lui intime cependant de rapidement se reconcentrer sur le match, Lucas ne lui laissant aucun répit pour repartir à l’attaque avec son équipe. Quelques minutes plus tard, Renan me souffle :

— Tu sais, ils sont déjà quasiment tous au courant qu’on est le petit couple gay de l’asso, hein !

Je ne sais pas si je dois être rassuré par cette affirmation, mais le fait est que cela me procure une sensation bien étrange. Je suis fier, mais n’ai pas spécialement envie d’avoir le sentiment de m’imposer aux yeux des autres. Mon amoureux continue de me rassurer sur ce point en me rappelant que par rapport à la moyenne, on est loin d’être trop démonstratifs !

À une heure du matin, lorsque la plupart de nos amis sont déjà rentrés chez eux, nous en profitons pour nous entraîner tous les deux sur nos styles de prédilection. Nous commençons déjà à réfléchir à quelques enchaînements intéressants pour notre DJ set de jeudi dans quinze jours. Nous tombons assez rapidement d’accord pour démarrer sur de la techno lente à 130 bpm, avant de monter progressivement en rapidité et en agressivité. Renan suggère aussi que nous placions vers le milieu un ou deux morceaux bien plus calmes et planants, à la fois pour faire une petite pause dans la progression, et en même temps pour inciter certains couples, s’il y en a encore, à montrer leurs sentiments.

Lucas, bien que n’étant pas spécialement fan de hard techno, trouve certains de nos choix intéressants, et nous incite à continuer à bien travailler sur notre projet de set pour la soirée. Étant lui-même assez expérimenté, il nous montre au passage quelques techniques innovantes pour enchaîner nos morceaux, en particulier des méthodes de synchronisation des drops, qui fonctionnent parfaitement avec nos morceaux, ou encore du finger drumming, qui rend très bien si maîtrisé. Très fier de lui, il nous fait ensuite une démonstration de scratch ; cependant c’est une technique complexe qui nécessite de nombreuses semaines d’entraînement.

Presque comme d’habitude, nous sommes les derniers à quitter les lieux, et offrons donc un rapide coup de main pour remettre un peu en ordre l’appartement. Notre journée n’est pas finie pour autant, en effet, le vendredi n’est pas trop chargé en cours, et nous aurons le week-end pour nous reposer sérieusement. Nous devons probablement avoir l’air très enthousiastes quant à la fin de notre soirée, puisque lorsque nous passons le pas de la porte, Lucas nous souhaite de passer un bon moment avec un sourire malicieux, presque goguenard. Et finalement, nous avons profité sans modération de nos corps jusqu’à une heure avancée… je crois bien que le cours magistral de huit heures et demie à dix heures va sauter…

Le lendemain matin, constatant que nous ne sommes malgré tout pas en avance, et que je dois encore passer chez moi me préparer, je réveille mon amoureux d’un coup de langue râpeux entre les omoplates, et son début de grognement vindicatif se mue bien vite en un ronronnement satisfait. Tel un agile félin, il bondit pour m’attraper le bras, et me donne un dernier baiser avant que je quitte sa chambre.

— À tout de suite, mon petit Renan préféré !