Arakel

4 minutes de lecture


Je fus saisi par sa beauté. De toutes, c'est bien la seule femme qui pouvait à la fois m'intimider et provoquer en moi un désir si ardent qu'il se mélangeait à ma colère. Je l'avais observé toute la journée et il me semblait que je tombais pile au bon moment, la faille dans son système de défense. J'avais beau la connaître, elle était encore capable de me surprendre.
Elle avait les joues toute rouges, emmitouflées dans sa grosse écharpe en laine. Elle s'assit, toute aussi calme que moi. Si proche, elle avait les yeux plus sombres et son regard restait triste. La ceinture de son manteau défaite, elle se redressa, ses genoux frôlant les miens. Un frisson me traversa. Elle avait les cheveux en bataille, un peu derrière les oreilles un peu devant les yeux. Elle retira son écharpe et me laissa tout le loisir de la regarder. Elle était si belle que j'arrivais à peine à me contrôler.
            - " Charlotte, avez-vous des questions avant que nous ne commencions ? "
Il fallait que je comprenne ce dont elle se souvenait, je savais qu'elle parlerait peu mais je savais comment. Elle resta immobile, droite et belle, pendant que je la scrutais imaginant tous mes désirs. Ses mains étaient magnifiques et je songeais qu'elle me caresse tendrement, d'un geste presque maternel. Ses ongles étaient courts et noirs, les peaux un peu mordues. Elle avait une large cicatrice sur le haut de la main qui traversait de ses phalanges au début de son poignet. Une méchante entaille qui avait eu l'air de couper son nerf. J'imagine qu'avec les années, elle ne cherchait plus à la cacher.  Les stigmates pour rappeler le passé.
Elle détournait le regard, comme à son habitude, elle s'enfermait dans une bulle pensant à mille choses muette et concentrée. Ses lèvres étaient ce qu'elle avait de plus beau, gonflées et pleines, réclamant les baisers les plus doux. Je voulais goûter leur forme et les caresser du bout de ma langue, y frotter mon nez et sentir son parfum, inspirer son odeur et la laisser m'envahir. Je bandais.
Doucement, j’attrapai du bout des doigts son menton pour qu'elle me regarde. Ses yeux magnifiques, d'un marron ténébreux des cils généreux pour assombrir ses expressions.
" - Qui êtes-vous ?" demanda t'elle décidée et plus jolie que jamais. Je pouvais presque sentir sa chaleur, et je la voulais tellement.
" - Arakel."


Elle fronça les sourcils comme si elle se demandait l'origine de mon nom ou peut être l'avait déjà entendu dans l'un de ses souvenirs. Elle remarqua le dossier et je compris que j'allais devoir lui en dire plus avant qu'elle ne se décide à parler. J'aurais tellement voulu pouvoir aimer cette femme dans une autre vie, fonder peut être une famille et l'épouser. Elle était mon fantasme et rien ne pourrait jamais me défaire d'elle. Un bracelet invisible pour nous rassembler. Mais rien pour nous faire rester ensemble, elle fuyant les loups du passé comme une princesse recherchée par son père.
" - J'ai l'impression de vous connaître." dit-elle me regardant droit dans les yeux. Elle me fixait, je restais muet et tenais son regard. Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'elle ne lâche d'une voix lente et suave :  - Je sais que vous m'avez suivi, mais je parle d'autre chose, quelque chose de plus loin.
Sa façon de parler, de se tenir et ses yeux scrutant les miens, je me sentais faible, imprégné par sa beauté un peu folle. Je savais. Je savais mais il fallait qu'elle se souvienne, qu'elle attaque de front les barrières du cerveau, qu'elle ouvre son esprit aux doutes. Elle retira doucement son écharpe et la posa sur le coin du lit. Elle resta debout une seconde, puis me dit :   " - Vous voyez un inconvénient à ce que je me fasse un café ? " Je fis non de la tête et elle sorti de son sac des cigarettes. Elle en roula une, puis une deuxième qu'elle posa à côté de moi. Elle prépara un second café et me tendit le premier. Dos à moi, contre le bureau où étaient posés la cafetière et son sac. Mon regard ne pouvait se détacher de son dos, comme une vague coulant jusqu'à ses reins, de petites fesses rebondies. Elle avait des jambes magnifiques et des chevilles aussi fines que mes poignets. Quand elle se rassit, elle alluma sa cigarette et la mienne. Elle ferma les yeux et recracha la fumée de sa cigarette. En apesanteur devant moi, un spectacle magnifique. Derrière les vagues de fumées blanches, elle se mordillait les lèvres et fronçait des sourcils. Elle avala deux gorgées de son café et écrasa sa cigarette dans le fond de son verre. Soudain, elle me dit : « - Je m’attendais à vous voir à l’enterrement, vous y étiez n’est-ce-pas ? » Je fis oui de la tête et elle sourit.
- Pourquoi êtes-vous là ? Me demanda-t-elle ses yeux rivés dans les miens.
- Savez-vous pourquoi vous vous êtes réveillé ici ce matin ?
En une seconde, ses yeux me regardèrent presque affolés, et je remarquai que ses mains tremblaient. J’avais ouvert une porte.
Dehors, la nuit était tombée et le temps paraissait plus long plus épais, peut-être même flexible. A côté de moi, le dossier qu’elle regardait maintenant intensément. Je savais tout d’elle autant que tout ce qu’elle avait oublié et il fallait qu’elle se souvienne, on trouverait un moyen.


Elle reprit sa respiration, une grande bouffée d’air, rangea un peu ses cheveux puis elle me dit : «  Vous m’avez appelé Charlotte mais je m’appelle Charlie. »
 
 
 
 
 

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire - ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0