AURORE

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Je m'appelle Aurore. C'est du moins le prénom que je croyais m'être destiné car mes parents, fanatiques fans de Harry Potter, avaient minutieusement tenu à ce que je sois aussi courageuse que ceux qui combattaient les Mangemorts. Comme si de toute manière il existait des sorciers malveillants à combattre, mais allez le dire à mon père et ma mère qui, depuis leurs jeunes âges jusqu'à maintenant, ne cessent d'attendre la fameuse lettre de Poudlard qu'ils disent seulement égarée. Je les supporte du mieux je peux, eux avec leurs habits aux effigies de balais volants et toutes ces formules agaçantes dont ils tapissent les murs de notre maison. Wingardium Leviosa. Aguamenti. Stupéfix. Et tout un tas d'autres détails qui font d'eux des Potterheads hors pair.

Je venais juste de rentrer de l'école. La journée était épuisante avec deux heures consécutives de mathématiques et une autre paire de physique. Comment pouvoir tenir le coup et faire en plus les devoirs maisons pour demain ? Les professeurs sont la plupart sadiques et nous conçoivent plus comme un puntching-ball que des humains pour qui un peu de repos ne serait nullement de refus. Un peu de la même manière que Harry Potter a servi d'échappatoire à son cousin blondinet Dudley. En effet, j'ai des références en matière de la saga magique puisque c'est le premier livre que mes parents ont tenu à ce que je lise, et ce fut aussi ma première déception dans la mesure où je suis du genre réaliste, et des gens avec des baguettes magiques et un soi-disant méchant qu'un bon gros coup de révolver aurait pu tuer, m'ont laissée plutôt sceptique. De la cave où était aménagée la machine à laver ainsi que toutes ces babioles dont vraisemblablement nous n'avions nullement besoin, cependant que nous gardions quand même, provenait la voix désastreusement aigue de ma mère qui chantait I will survive, certainement à cause du ménage qu'elle détestait par-dessus tout et auquel elle se devait de survivre.

___ Salut, Man'.

___ Salut, Aurore, me dit-elle en se tournant vers moi, sa chevelure brune coiffée en chignon plus sale que jamais.

Elle intercepta mon regard désapprobateur et haussa les épaules.

___ Je n'y peux rien. Je les ai lavés hier, et ils graissent déja.

___ Dommage, si tu avais reçu ta lettre magique, tu aurais pu travailler en " étroite" collaboration avec le professeur Rogue et découvir quelconque potion qui limiterait le graissement rapide de ta tignasse.

Maman sourit à l'utilisation du mot "étroite" et m'administra une petite tape sur la tête. Elle a toujours eu un faible presque ironique pour Severus Rogue, probablement en raison de leur unique point commun : les cheveux gras. Je me dirigeai vers l'armoire ancestrale, poussiéreuse, aux étagères croulantes sous divers cartons ; et suivie par le regard que je savais déja étonné de ma mère, je commençai à fouiller un peu dedans.

___ Que cherches-tu exactement ?

Je me tournai vers elle, une grimace sur les lèvres.

___ Et bien, ma prof' de Lettres nous a demandés de rédiger un poème pour demain.

Ma mère éclata de rire avant même que j'aie fini de lui expliquer le motif de mes investigations, et me montra du doigt, suspicieuse et amusée par mon plan qu'elle avait dû comprendre.

___ Tu comptes utiliser les vieux poèmes de ta tante Jane, bien sûr pour diminuer ton travail. Perspicace, mais Jane était angoissée et dépressive et tous ses poèmes ne tournent qu'autour des amours impossibles et de la solitude.

Je haussai les épaules puis repris mes recherches dans les cartons pleins à craquer de papiers et de carnets.

___ Et où est le problème, man' ?

___ Oh ! Rien à part que tu es connue pour ton audace au lycée, ta bonne humeur. Et que de tels poèmes ne te conviennent pas du tout.

Je ris tout en dénichant enfin le carton de tante Jane où étaient empilés divers cahiers aussi sinistres de l'extérieur aussi bien qu'ils l'étaient à l'intérieur.

___ Maman, je n'ai qu'à leur dire qu'en fait, on a tous un coin de solitude en nous même. Même La Joyeuse Aurore !

___ Dit la fille qui s'est faîte larguer par le garçon dont elle était amoureuse au bout de trois jours, et qui n'a même pas versé une larme !

Je déposai le carton volumineux parterre dans un nuage de poussière qui me fit tousser à plusieurs reprises, mais parvins tout de même à articuler :

___ Il avait une haleine qui puait toujours, et tu sais à quel point embrasser sur la bouche est capital pour moi. Donc y avait pas de regrets.

Maman me regarda en fronçant les sourcils, sauf qu'elle parla d'une voix sarcastique :

___ J'ai bien peur de ce que tu fais au lycée, jeune fille ! Avec de tels propos, j'imagine le pire.

Mais je ne lui accordai pas d'importance bien que j'étais délicieusement tentée de répliquer que je préparais un concours sur les lèvres masculines et que j'étais l'unique jury ( ce qui était faux mais une idée géniale). Un papier parmi les cahiers de tante Jane avait justement retenu toute mon attention pour cause que c'était un extrait de naissance d'une fille de mes parents, avec ma date de naissance, et un prénom différent du mien : Nadine. Un prénom d'origine arabe.

___ Aurore ? Quelque chose ne va pas ?

Elle s'avança et s'accroupit à ma hauteur, sa longue robe de ménage déja sale et vétuste recueillant davantage de poussière, elle me prit le papier moisi des mains et le consulta en plissant ses yeux. Son visage se froissa, son regard s'éteignit, elle me jeta un coup d'oeil furtif et gêné. Elle avait rougi sans raison apparente. Je la questionnai silencieusement ; elle demeura taciturne quand ses yeux se remplirent doucement de quelques perles de larmes.

___ Maman ? Qui-y-at-il ?

___ Tu dois certainement te demander qui est celle qui a pris ta place sur ce papier - je hochai furtivement la tête, le coeur lourd et les entrailles nouées-. Ce n'est que toi, petit elfe.

___ Mais cette fille s'appelle Nadine, ce n'est pas...

___ Oui, je sais. C'était ton premier prénom, celui que ton père t'avait choisi en l'honneur de sa maitresse décédée qui...

Mais elle éclata en sanglots, la fin de sa phrase se noya dans sa tristesse lorsqu'elle se remit brusquement debout, essuyant son visage avec une rage que je ne lui connaissais que si peu. Apparemment, il rst véridique que chacun a finalment une part de solitude dissimulée en lui.

___ Explique-moi, Man' !

Je la rejoignis et la forçai à me regarder. Ses yeux avaient rougi en un quart de seconde, toute sa jovialité s'était dissipée sur son faciès à présent consterné.

___ Lors de ma grossesse, j'étais un peu distant avec ton père. J'étais tout le temps sur la défensive, j'avais quitté mon boulot et ça me manquait de travailler. Donc, au fils des jours, j'étais devenue aigrie, insupportable. Nadine, jeune fille lybanaise, très belle et très désirable selon son journal intime, venait de s'échouer sur la plage comme une siène. Il l'a prise sous son aile, par soucis de bienveillance au début, puis il est tombé amoureux d'elle. Il ne m'a pas trompée, certes, pas charnellement du moins. Il me respectait, disait-il, mais son coeur était ailleurs. Il demeure ailleurs même aujourd'hui, hélas.

___ Non il t'aime, maman. Je le vois chaque fois qu'il te regarde.

Maman eut à mon égard un sourire faible. Elle était loin d'être convaincue. Je la pris dans mes bras, regrettant d'avoir déterré, certes malenctreusement, ce secret lourd et douloureux.

___ Qu'est-devenue Nadine ?

___ Elle était souffrante, et avait fini par succomber à sa maladie.

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