II - Le plus beau des cadeaux

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 Arthur avait dormi d'un sommeil alerte, laissant éveillée une oreille sur deux, prêt à entendre la légende séculaire glisser par sa cheminée. Chaque année, il passait cette nuit de Noël à espérer rencontrer le vieil homme barbu apportant les cadeaux dans tous les foyers du monde. Pas une nuit de décembre il ne l'avait entendu jusqu'à celle-ci. La curiosité bourdonnante, la volonté d'établir la vérité sur cet homme généreux et magique, l'avaient poussé à prendre le risque de venir à sa rencontre. Mais une fois arrivé en-bas, il découvrit sur son chemin les restes de dindes sucés jusqu'à l'os, éparpillés sur le sol de la cuisine. Puis une fois au salon, après s'être dirigé vers un bruit provenant du pied du sapin, il découvrit une toute autre chose que ce vieillard barbu des contes pour enfants. C'était une créature d'un autre genre de conte qu'il découvrit en train de déposer les cadeaux au pied de l'arbre. Une sorte de goblin famélique et poilu, aux dents de démon et au regard tout aussi démoniaque. Menacé, le garçon balbutia qu'il pensait voir l'être fabuleux qu'est le père Noël. Le monstre se tordit de rire et lui lança :

─ Mais mon petit, je suis le père Noël !

*** 

 Le temps semblait s'être arrêté. Les aiguilles de la grande horloge du salon, pendue au-dessus de la cheminée, ne tournaient plus. Cela ne pouvait être un défaut du mécanisme, puisqu'elle fonctionnait encore lorsque la famille était allée se coucher. C'était comme si ne restaient au monde que l'enfant et le démon. D'ailleurs, ce dernier ne cessa d'entonner son rire effroyable qu'au bout d'une bonne minute. Une minute durant laquelle Arthur ne fit que pleurer. Si le démon disait vrai, alors c'était tout un rêve qui s'effrondrait sous cette épouvantable réalité, bien que tout cela lui semblait être un simple cauchemar, et qu'il espérait se réveiller d'un instant à l'autre. 

─ Non mon garçon, tu ne rêves pas, je suis bien réel, même si je n'ai pas l'allure que tu espérais, lui lança la chose en riant de nouveau, comme s'il lisait dans les pensées d'Arthur. 

─ Ça peut pas être vrai, c'est pas vous l'père Noël, j'le sais ! s'exclama le garçon entre deux pleurs. 

─ Et pourtant si, navré pour le déception mon petit, mais il faudra faire avec. Cependant, je ne peux pas prendre le risque de te laisser révéler au monde ma vraie nature. Si tu en parles à quelqu'un, la magie de Noël s'effondre, plus aucun enfant ne voudra le fêter, et donc les parents n'achèteront plus de cadeaux. Résultat ? Mon entreprise s'effondre avec ! Fini les milliards ! Et on me chassera, on ne me tolérera plus ! C'est ça que tu veux petit ? C'est ça que tu veux ?!

La bête prit d'un coup une expression terrible, noire de colère. Elle déploya ses griffes menaçantes et les tendit sous la gorge du garçon, qui gémissait sans mot dire. 

─ Répond-moi petit ! Est-ce que tu cherches à me détruire ? 

─ Non m'sieur, non ! J'dirai rien, promis juré ! répondit Arthur en mimant la fermeture d'un zip sur sa bouche. 

Le monstre de Noël fit mine de réfléchir un instant, puis baissa ses bras, cacha ses griffes acérées. Il s'écarta d'un pas furtif puis lança d'une voix narquoise :

─ Très bien, je te laisse la vie sauve, après tout c'est Noël ! 

L'enfant soupira, soulagé, malgré le rictus terriblement ironique de son monstrueux interlocuteur.

─ Mais tu viens avec moi ! cria la bête en attrapant le bras du garçon, riant de plus bel.

─ Non ! hurlait Arthur. Non ! Maman ! Papa ! criait-il encore, en vain. 

─ Tais-toi imbécile, personne ne viendra pour toi ! Tout le monde dort, personne ne viendra te chercher, et personne ne te trouvera là où je t'emmène ! 

 Les yeux violets de la chose tournèrent au noir profond, puis elle regarda intensément le garçon qui hurlait. Son regard restait fixé sur l'enfant, concentré, presque éprouvé par un effort incompréhensible. Quelque dix secondes suivirent puis l'enfant se tut, s'évanouissant et tombant à terre, le bras toujours agrippé par la chose. 

─ Voilà mon petit, tu vois que tu peux te taire par moments.

 La bête ria une nouvelle fois, traînant le garçon au sol après l'avoir assommé par un sortilège incompréhensible. Elle lança sa hotte par dessus son épaule et continua de traîner l'enfant, sans se soucier du risque de lui déboîter l'épaule. Ils traversèrent le couloir en direction de la porte d'entrée. Le pied d'Arthur buta contre une chose gisant au sol. C'était son chien, Buck, inerte, la chair rongée par des dents d'un animal plus sauvage que lui. Le sang du chien s'était empreint au pantalon de pyjama d'Arthur. En voyant cela, la chose se mit à rire de cette horreur. Une minute après, le monstre de Noël avait quitté la maison, emportant avec lui un enfant et son innocence, laissant aux parents comme cadeau de cette nuit magique l'absence d'un être aimé.

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