Interflora

Dring ! dring ! dring ! dring ! (qui a encore une sonnette qui fait ce bruit-là ?)

 — Qui est-ce donc ?  
 — Un coulis pour vous M'dame.

Farid, au bord de l'asphixie, s'efforça de ne pas sourire quand la porte s'ouvrit. Ses dents couleur café rebutait tout ceux qui posaient les yeux sur sa bouche. Sa propre mère qui lui avait pourtant prescrit un remède à l'ancienne, à base de pelures d'orange qu'il fallait longuement mâcher pendant la journée, manquait de vomir à chaque fois qu'elle le rencontrait. La côte à dix-sept pour cent qu'il venait de gravir à vélo lui avait explosé les mollets. Ils avaient viré au turquoise dans le dernier virage et les quelques mètres qui le séparaient de la maison de Madame De la Vayrol furent d'une impitoyable souffrance. Pourquoi avait-il sécher les cours d'E.P.S. à l'école ? Pour aller boire un coup au troquet du coin. OK, ça se tient...

 — Du mug... ? Mais quelle surprise !

Madame De la Vayrol avait ouvert grand la porte. Son corps en "s" se tortillait comme un lombric coupé en deux. Elle avait une plume entre les lèvres en guise de cigarette sur laquelle elle tira une grande bouffée imaginaire dans un geste théâtral.  

 — Oui, M'dame dou mouguet.  
 — Mais ? Plaît-il ? Nous sommes en janvier, n'est-ce pas ? Je ne comprends pas.

Son rire exagéré résonna dans l'entrée. Farid devina, sous son épaisse fourrure en vison d'amérique, des frémissements surjoués.

 — Un admourator, M'dame ! tenta-t-il.  
 — Dites-moi jeune homme. Ils embauchent des portugais maintenant chez Interflora ?

Elle saisit son téléphone portable et entreprit d'immortaliser ce moment unique. Farid - dans un soucis de vengeance ou par pur réflexe, allez savoir - sourit dévoilant son intimité buccale. Il laisssa échapper les pelures engluées dans la bave qui tombèrent au sol mollement. Un filet de salive le raccorda quelques secondes à la pelote machouillée par terre. Une forte odeur de putréfaction s'échappa. Le lombric s'évanouit à la vue du gastéropode portugais.

 — M'dame ? Tout va bien ?