Je ne vous aime pas

Avec le temps, mes sens se sont beaucoup développés. Je pourrais sentir éclater une bulle de savon dont l'onde de choc se répandrait dans l'atmosphère dans un souffle silencieux. Imperceptible pour vous les voyants, trop attachés aux informations que vos yeux vous livrent, inattentifs aux moindres signes, éclaboussés par les lumières factices de ce monde. Je pense que vous êtes déconnectés de la vie et destinés à moisir dans l'illusion. C'est dommage.
Je suis la non-voyante (parce que l'autre mot vous effraie) celle que vous aimez plaquer dans les tiroirs de votre infatigable complaisance, celle qui devrait avaler sans broncher votre glaciale condescendance, celle qui entend quand vous murmurez " Voilà Simba ! " surnom que vous m'avez donné parce que je lève le menton, oriente ma tête pour mieux discerner le monde qui m'entoure. Le poil de ma crinière, en admettant que j'en aie une, flotterait dans le vent de votre ignorance. Votre bêtise m'amuse. Vraiment. Vous croyez pouvoir cacher les choses mais vous respirez, que dis-je, vous transpirez de toutes parts. Chacune de vos paroles ou chacuns de vos silences, chacuns de vos gestes ouvrent les pages de votre cœur qu'il me suffit de lire attentivement. Je vous devine, je vous espionne. Dans vos intérieurs rances, j'entends s'y charger les bulles de méchanceté, d'arrogance et d'hypocrisie qui animent vos mobiles. Vous ne voulez pas changer...
Voilà pourquoi je ne vous aime pas.