Défi lancé par HP42
Bifois, Félix et l'éthylo
[Hiver 2021. Plage de Plougasnou-Saint-Jean-du-Doigt. 22h32. Le brigadier Bifois, en ce 31 décembre pluvieux, contrôle la vitesse sur la petite départementale qui longe la côte. Il arrête un premier véhicule.]
Le brigadier : Bonjour. Gendarmerie nationale. Brigadier Bifois. Je peux vous demander ce que vous faites là ?
Le chauffeur : Vous pouvez.
Le brigadier : ... Que faites-vous là ?
Le chauffeur : Je rentre du travail. Et vous ?
Le brigadier : Je fais mon travail. Selon toute apparence, on a des choses à se reprocher, on dirait.
Le chauffeur : Pas du tout. Je demande, c'est tout.
Le brigadier : C'est cela, oui... Je vais quand même procéder à un contrôle d'alcoolémie.
[Bifois sort immédiatement l'éthylotest et le présente au conducteur.]
Le chauffeur : Vous voulez que je souffle là dedans, c'est ça ?
Le brigadier : Non, je vais demander à votre chien de me jouer un air de flûte. À votre avis ?
Le chauffeur : Ça va, ça va. Ne vous énervez pas. Je vous joue quel air dans votre trompette, là ?
Le brigadier : Encore un p'tit malin. On va vite déchanter, je vous le dis, moi.
[L'homme expire longuement et s'arrête après le bip caractéristique.]
Le brigadier : Je le savais ! Je le savais !
Le chauffeur : Comment ça, vous le saviez ? J'ai fait une fausse note ?
Le brigadier : Regardez par vous-même.
[Bifois tend l'appareil pour que le chauffeur voit le chiffre affiché à l'écran.]
Le chauffeur : Zéro.
Le brigadier : Zé-ro !
Le chauffeur : La tête à...
Le brigadier : Vous êtes fait comme un rat, mon p'tit !
Le chauffeur : Comment ça ? Je n'ai pas bu une seule goutte d'alcool, bon sang !
Le brigadier : Il avoue en plus ! Vous êtes en hypoalcoolémie, mon cher ! C'est pas beau à voir, c'est très sale tout ça. Vous devriez avoir honte.
Le chauffeur : Mais, je ne comprends pas...
Le brigadier : Nul n'est censé ignorer la loi, monsieur. Selon l'article L-102 alinéa 4, toute personne en état d'hypoalcoolémie doit être arrêtée et, est passible d'une amende de 135 euros et du retrait immédiat de son permis de conduire. Ha ! On fait moins le malin, l'artiste !
Le chauffeur : Hypoalcoolémie ?
Le brigadier : Oui... C'est comme l'hypoglycémie mais version alcool. Vous êtes en dessous du seuil.
Le chauffeur : Je n'ai pas assez d'alcool, c'est ça ?
Le brigadier : Comme un rat, je vous dis !
Le chauffeur : Ça va, ça va ! On peut trouver un arrangement, non ?
Le brigadier : Ha, ha ! Et quel arrangement monsieur veut-il proposer, hein ?
Le chauffeur : Vous avez toujours un ou deux packs de bières dans le coffre, n'est-ce pas ? Bon voilà... Je bois le pack, on refait le test et on retombe sur nos packs... nos pattes.
Le brigadier : D'abord, monsieur, c'est un cliché national de croire que les gendarmes se promènent avec de la bière dans leur véhicule. On est passé à la Volvic depuis 2003.
Le chauffeur : Restriction budgétaire ?
Le brigadier : Les temps sont durs...
Le chauffeur : Alors, dans ce cas, on pourrait faire souffler le chien.
Le brigadier : Le chien ?
Le chauffeur : Félix.
Le brigadier : Vous avez aussi un chat ?
Le chauffeur : Non, c'est le nom du chien.
Le brigadier : Vous avez un chien qui s'appelle Félix, comme le chat.
Le chauffeur : Félix le chien. Ça marche aussi.
Le brigadier : Pas faux, mais...
Le chauffeur : Je le soupçonne d'avoir sifflé tous mes Monchéri.
Le brigadier : Pourtant, il a l'air sobre.
Le chauffeur : Méfiez-vous des apparences. Une fois, il a vidé la Sangria et malgré tout, il continuait sa partie d'échecs.
Le brigadier : Un chien qui s'appelle Félix et qui joue aux échecs... Vous ne seriez pas en train de vous f...
Le chauffeur : Essayez, vous verrez.
Le brigadier : Je n'ai pas de jeu d'échecs sur moi, voyons ! je travaille !
Le chauffeur : Mais, non. Faites-le souffler et vous verrez s'il n'est pas rond comme une queue de poêle.
[Le brigadier, perplexe, approche l'appareil de la gueule du chien qui bave de joie.]
Le brigadier : Mais ! il va m'en mettre partout ! C'est pas donné ce matériel, vous savez.
Le chauffeur : Allez ! mon Félix, montre-lui comment tu souffles. Fais ça propre. Après, promis, on reprend la partie de Kasparov contre Karpov en 85, d'accord ?
Félix : Wouarfff !
Le brigadier : Vous savez parlez aux chiens, vous ?
Le chauffeur : Je le tiens de ma mère, son mari était sourd.
[Félix souffle jusqu'au signal.]
Le brigadier : Houla la ! il est chargé !
Le chauffeur : Je vous l'avais dit. C'est devant l'éthylo qu'on reconnait l'alcolo...
Le brigadier : Huit grammes quand même... Les Monchéri étaient bien dosés. Mais, dites-moi, c'est pas un peu beaucoup pour un chien, huit grammes ?
Le chauffeur : Vous ne connaissez pas son père, un StarrFox.
Le brigadier : Un StarrFox ? Connait pas. Ça n'existe p...
Le chauffeur : Croisement Joey Starr Fox-terrier. Un vrai pochard...
Le brigadier : Joey Starr ?
Le chauffeur : Non, le Fox-terrier... De toutes façons, vous mettez ça sur mon compte.
Le brigadier : Oui. Ça sera plus simple, il me semble. [Il griffonne sur son calepin] Dans ce cas, si on fait la moyenne de l'ensemble des passagers, on est à quatre grammes chacun ce qui me paraît convenable pour vous laisser partir.
Le chauffeur : Je vois que vous maîtrisez les opérations.
Le brigadier : Je le tiens de ma grand-mère. Professeur de mathémqtiques.
Le chauffeur : Parfait. Dans ce cas, avant de partir, une petite partie avec Félix ?
Le brigadier : C'est-à-dire... Je suis en service, là.
Le chauffeur : La Tour en b7 sur Cavalier en b2...
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