Self Defense

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les jurés, je suis ici pour défendre ce qu’il reste de la vie de Monsieur DomC, mon client. Ma plaidoirie sera courte. Les épreuves que Madame Michel lui fait subir ont fini par détruire la paisible vie de Monsieur DomC. Sa calvitie avancée, son souffle court, son inquiétante bedaine (peut-il seulement apercevoir ses pieds ?) et son appétance pour la Tourtelle témoignent de la dureté des choses.
Propriétaire d'un chat lunatique, comme cela est si bien écrit sur son paillasson, Madame Michel, qui oblige tout le village à l'appeler " La Mère Michel ", n'a jamais tenté de discipliner son animal de compagnie. Elle prétend d'ailleurs qu'elle l'a perdu ! Voyez-vous ! PER-DU ! C'est la mère Michel qui a perdu son chat ! On en ferait presqu'une belle ritournelle pour enfant, n'est-ce pas ? Mais, ce qui ne vous échappe pas, Mesdames et Messieurs les jurés, c'est la tyrannie instaurée, vous avez bien entendu, TY-RAN-NIE ! la peur qui se glisse dans chaque ruelle et qui suinte sur les murs du village rappelant à chacun les heures les plus sombres de l'histoire. Parce que dresser un chat pour qu'il dénude les fils électriques de la Box Free de mon client, pour qu'il hurle à la mort chaque nuit sous sa fenêtre comme un bébé qu'on égorge, pour qu'il répande son urine fétide sur ses tulipes, fussent-elles en plastique, est un comportement tout simplement satanique. Vous avez tous très bien entendu ! SA-TANNE-IQUE ! Non, Mesdames et Messieurs les jurés, il n'y a pas d'excuse, pas de tolérance, pas d'indulgence pour de tels actes et vous le comprenez aisément.

Certes, Madame le procureur, dont la perfidie, que dis-je le machiavélisme, n'a échappé à personne, a chargé mon client en occultant un pan entier de la véritable histoire. Elle prétend que mon client, non content d'avoir, je la cite, " épluché" le chat, a exposé son cadavre dans la rue principale se réjouissant qu'on ait enfin retrouvé le chat de " la Mère Michel ". Fin de la chanson. Mon client aurait également déroulé les boyaux de l'animal devant la maison de Madame Michel, boyaux dans lesquels, si on voulait bien s'y pencher et y accorder une observation scientifique digne de ce nom, on retrouverait les protections en plastique fluo des fils électriques de mon client.
Si nous partons de ce principe, alors, je vous l'accorde, Monsieur DomC, mon client n'aurait pas fait dans la dentelle. Mais, un homme excédé, un homme au bout du rouleau dont il voit sa vie se faire grignoter peu à peu par l'envahissante présence d'un chat se léchant l'anus, vous avez bien entendu ! l'A-NU-SSE, sur le rebord de sa fenêtre, une patte en l'air en guise d'ultime provocation nazie, un tel homme, Mesdames, Messieurs les jurés, ne connaîtrait ni la dentelle, ni la finesse. Il écrirait gras, il pèterait un plomb. Mais, vous n'êtes pas sans savoir que mon client n'a plus de plombs. Il ne peut donc pas en péter. Les incessantes visites du chatanique félin, vous avez bien entendu ! CHA-TAN-IQUE ! l'ont tout simplement amorphisé, chamalowisé. Les camomilles n'ont plus d'effets sur son organisme. Les concerts Live de Frank Mickaël nont plus. Vous avez devant vous, Mesdames, Messieurs les jurés, Madame le Procureur, Madame le Juge, public adoré, papa, maman, un homme condamné à vie !

Je demande donc un acquittement immédiat et une indemnisation conséquente de 150 000 euros pour préjudice moral et le remboursement de l'avocat qui n'est autre que moi-même.