La ferme

L'endroit sans éclat ne vivait plus. Les toits qui n'avaient pas cédé se courbaient sous le poids de longues années d'intempéries et d'abandon. Dans le vent rasant, j'entendais presque la demande languissante, l'appel à mettre un terme à leur souffrance. Hésitant, j'entrai et n'y trouvai rien de lumineux. Même les rayons du soleil semblaient arrêter leur course sur les volets en bois dense qu'une pluie récente avait rendu brillants. C'était comme s'ils retenaient leur don, comme si le jour renonçait à sa mission. J'imaginai alors des aurores, matins après matins, taisant leur brillance rosée, retenant leur souffle et ne laissant à cet endroit qu'un dépôt de tristesse. Je songeai aux aubes rougeoyantes épargnant de leurs pénétrantes couleurs cette vieille ferme abîmée. Mon œil, perdu dans l'épaisse absence de clarté, refusa d'abdiquer et, dans un effort vain, chercha une lueur ou une vague nitescence qui m'aurait guidé. Ma main frôla des chandelles laissées là, mortes depuis des temps reculés et dont l'étincellante promesse avait disparu. Les murs que je devinai impropres à toute décoration me conduisirent bon an mal an vers le fond de la pièce. Ils retenaient en otage le son de mes pas. Je trébuchai sur quelques objets qui jonchaient le sol que je devinai poussièreux. À tâtons, j'avançai sur d'improbables reliefs que mes pieds heurtaient, indices susceptibles d'éclairer ma lanterne. Impossible malgré tous mes efforts d'échapper à la chute. L'odeur rance du sol pénétra mes narines et, dans un feu violent, provoqua des spasmes jusqu'à l'évanouissement.