Depuis toute petite je rêve de cette relation.

Nous nous sommes rencontrés à l'âge de vingt-six ans, j'étais jeune, j'étais belle, elle était jeune et elle était belle. Nos regards se sont croisés dans le bus, j'étais devant, elle était derrière. Quand ce dernier s'arrête, je m'apprêtais à descendre pour rentrer chez moi, mais je ne voulais pas. Je voulais descendre avec elle, voir où elle allait alors j'ai attendu. J'ai attendu encore et encore. D'un oeil je voyais les kilomètres défilés et de l'autre je la regardais. Arrivé au terminus je restai là, stoïque, attendant qu'elle descende. Elle s'est approchée de moi et m'a dit :

« Tu descends là ?

• Non ! J'ai manqué mon arrêt.
• Moi aussi. »

Deux idiotes, nous nous retrouvâmes à plusieurs kilomètres de chez nous comme deux idiotes. Mais peu importe, nous étions ensemble. Nous aurions pu reprendre un autre bus et refaire le chemin inverse, mais le temps à passer ensemble aurait été trop court. Alors, nous sommes rentrés à pied, bras dessus, brase dessous. Dix ans après et rien n'a bougé, nous descendons toujours au même arrêt, nous marchons toujours entrelacées et les regards que nous échangeons sont toujours aussi vifs. Je l'aime, elle m'aime et ensemble nous formons une union indissociable. Notre relation est stable, nous communiquons beaucoup et je pense que c'est notre point fort. La confiance que l'on se porte est solide et nous avons maquillés les défauts de chacune pour ne pas trop gêner l'autre. C'est une relation parfaite.

Seulement, c'est ce que je croyais jusqu'à hier.

Ma perception de l'amour était comme nous l'avions apprise : tu rencontres ton prince ou ta princesse, tu te maries, tu fais des gosses et tu meurs ensemble dans la même nuit, main dans la main. Bon ! Nous ne sommes pas mariées, nous n'avions pas le droit. Les gosses ? C'est plus compliqué qu'il n'y paraît. Enfin pour être franche, nous n'envisageons pas de mourir tout de suite. À ce moment-là, j'aurais dû me douter que tout n'allait pas se passer comme prévu.

Croyez-moi ! Après plusieurs années de partage, d'écoute et de vie commune, je sais exactement quand quelque chose ne va pas et ce soir là ça n'allait pas bien du tout.

« Je reconnais là, ta petite mimine triste !

• Non non ! Tout va bien.
• Et là je vois ton petit nez s'allonger.
• Asseois-toi car l'heure est grave.
• Oh merde ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
• La semaine dernière je suis allée à un pot de départ d'un collègue, tu te souviens ?
• Oui, tu es rentrée complètement arrachée à trois heures du matin.
• Ce sont des choses qui arrivent ! Mais il y a quelque chose que je ne t'ai pas dit. Ce soir là j'ai passé toute la fin de soirée avec l'amie d'un collègue. Pas "l'amie" dans le sens sa copine, mais dans le sens une pote. Et nous nous sommes embrassées.
• Cela ne me gêne pas. Je te fais confiance. Si tu as envie de flirter de temps en temps je n'en vois pas le problème.
• Oui, je sais. Sauf que je suis littéralement tombée amoureuse d'elle.
• ...
• Je pensais que c'était sous l'effet de l'alcool et de l'euphorie de la soirée, mais je l'ai revu aujourd'hui. Nous sommes allées prendre un café ensemble. Elle est incroyable, elle n'est pas seulement belle, elle est fantastique. Elle a de l'humour, elle est charmante, envoutante. Tout ce qu'elle dit est intéressant. Sa vie semble passionnante et l'espace d'un instant ... j'ai voulu la partager.
• La partager ?
• Sa vie !
• Ah ouais carrément, on n'est plus du tout sur du flirt là !
• Je t'aime ! Tu le sais, mais cette fille m'a hypnotisé. »

Et ouais, je m'attendais à tout, sauf à ça. Une soirée qui semble tout à fait normale, des collègues, quelques amis et en un éclair je perds la femme de ma vie. La pilule est dure à avaler. Ma relation parfaite, parfaitement parfaite, après dix années parfaites, semble se décomposer en quelques jours. Je file dormir. La nuit porte conseil à ce qu'il paraît et nous en avons grand besoin toutes les deux.