Nuages
J'allais prendre mon petit-déjeuner dans notre cuisine, baignée du soleil d'août. Mon mari arriva, le pain frais en mains, le sourire aux lèvres. Même fatigué, peu de choses auraient pu l'empêcher de se lever de bonne heure et sortir. Promener le chien, aller faire les premiers achats du jour, tout était bon pour humer l'air du temps. Il déposa les baguettes sur le plan de travail et vint me rejoindre devant la porte-fenêtre ouverte, m'enlaça.
Je regardais le ciel. Des nuages épars troublaient son apparente limpidité. Ils étaient posés, ça et là, tels de petites taches crayeuses. D'autres voguaient paresseusement. J'allais me retourner, attirée par la douceur insistante du corps enveloppant le mien, quand mon oeil saisit au vol deux autres corps, si proches, complices.
Le vent lointain les avait faits se rejoindre. Ils étaient désormais ensemble, comme nous deux, sur cette terre. L'un était proche de la naissance, ou renaissance, tandis que l'autre me semblait de type féminin, avec ses longs cheveux et sa longue traine, ou robe. Deux nuages, tout là-haut.
Je fis signe à mon mari de lever les yeux dans cette direction et lui indiquai les deux êtres que je reconnaissais en eux. Le premier avec son long cou et sa tête prolongée d'un bec sur la gauche, les deux ailes si larges à sa base, ne pouvait être qu'un phénix en plein apogée. Sa compagne se révélant sur sa droite, légèrement en hauteur, une fée, veillant sur lui.
Mon imagination amuse beaucoup mon époux. Mais il se laisse faire. Il aime voyager.
C'est alors que le vent reprit.
Ah, bah voilà, le rêve ne tient pas, devant la réalité ! pensez-vous ?
Tout cela n'était qu'un songe ! Reviens sur terre, mais où as-tu la tête ? Pourriez-vous me dire...
Ah, malheureux ! Vous ne croyez qu'au matériel ? Qu'en la réalité brute ? Vous ne vous laissez pas berner par les illusions de ce monde, n'est-ce pas ?
Voici ce que le vent nous apporta. Voici ce que le rêve nous offrit. Voici ce que nous prîmes comme cadeau.
La brise d'en haut poussa la fée afin qu'elle puisse soutenir son ami le phénix dans sa renaissance. Aussi l'accompagna-t-elle en poursuivant son chemin toujours au dessus de lui, telle qu'en elle-même.
Le phénix, quant à lui, se métamorphosa, doucement, sereinement, en un splendide oiseau dont nous pûmes distinctement voir le corps central et les deux ailes de part et d'autres, magnifiques...
Pour nous deux, enlacés, ce matin là, le rêve dépassa la réalité. Ou bien, est-ce le contraire ?
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