Les nouveaux mutants

Samourai Champloo

 Voilà un problème qui existe peut-être plus au cinéma qu'en littérature, mais je trouvais quand même intéressant de l'évoquer. Vaut-il mieux écrire un combat épique ou résoudre la situation autrement ? Bien sûr, cela dépend grandement de la situation, mais également des attentes de vos lecteurs. Commençons par un exemple : Les nouveaux mutants, un film de super-héros de Josh Boone que je vais vous divulgâcher sans une once de remords.

 Nous sommes donc à la fin du film. Le combat final cher au genre super-héroïque approche à grands pas. L'antagoniste du film utilise son super-pouvoir pour enfermer les protagonistes dans des champs de force. Avant de s'évanouir, Dani, l'héroïne, utilise son propre pouvoir : l'invocation des pires peurs des gens. C'est sa pire peur à elle, un ours aussi démoniaque que gigantesque, qui éventre le bâtiment et dévore l'antagoniste. Les champs de force ont disparu ; pas l'ours qui veut désormais attaquer Dani.

 « — Emmenez-la, je vais le retenir.

 — Illyana, cette chose est magique !

 — Ouais, bah moi aussi. »

 J'adore cette punchline. Illyana affronte donc l'ours. Super-pouvoirs, effets spéciaux et combat épique. Dommage, Illyana ne peut le retenir. Les autres y vont à leur tour, en vain. Dani se réveille enfin, elle apostrophe l'ours afin qu'il se détourne de ses amis. Tension dramatique. L'ours l'attaque. Elle lui dit « non » ; il se calme. Elle réussit à le dompter, donc littéralement à dompter sa peur. L'ours disparaît, le jour se lève, fin du film.

 Deux choix étaient possibles ici : qu'elle affronte le monstre dans une avanche d'effets spéciaux toujours plus épiques ou qu'elle le dompte. La seconde option, retenue par le film, est plus logique ; la première correspond mieux aux attentes liées au genre.

 Vous pourriez avoir à faire un choix similaire et il faut y faire attention. Le combat peut s'apparenter à du fan-service, mais son absence pourrait être frustrante. Les lecteurs s'attendent à lire certaines choses et peuvent être déçus si vous ne le leur donnez pas.

 Cela entre dans un domaine plus large : les attentes du lectorat et ce que vous en faites. Si vous choisissez de ne pas les suivre, n'hésitez pas à les désamorcer pour qu'ils ne soient pas déçus. En théorie, ils ne peuvent pas vous reprocher ce que votre œuvre n'est pas, mais ils le feront quand même alors prennez cela en compte.

 Un autre exemple : dans Samourai Champloo, deux des trois protagonistes se combattent lors de leur première rencontre. S'ils sont arrêtés avant de s'entretuer, cette rivalité continue tout le long de l'animé. À la fin, ils s'affrontent enfin à mort. Mes attentes à ce moment-là étaient qu'ils s'entre-tuent. Mais non, ils échangent un coup de katana et s'écroulent de fatigue, trop épuisés et blessés par les combats précédents. Et lorsqu'ils se réveillent, ils se rendent compte que vingt-cinq épisodes sont passés et qu'ils n'ont plus envie de se battre. Quelle fin est la meilleure ? Je ne sais pas. Une seule chose est sûre, c'est que la fin à laquelle je m'attendais (et à laquelle les personnages s'attendaient !) n'était pas la bonne ce qui est toujours un peu décevant.