Chapitre 19 : The golden shower
Gwendoline abandonne aussitôt son grand sourire béat, qu’elle ne réserve qu’aux prouesses de son compagnon. Dégrisée, elle répond :
— Oh ça... Un micheton avec un implant pénien. C’est assez récent, l’année dernière, de mémoire. Ça a été coton de se faire enfiler par ce phénomène de foire.
Manuella pouffe à nouveau de rire avant de supplier son amie de lui conter l’histoire. Celle-ci l’exauce sans se faire prier, ravie de pouvoir partager à son tour une anecdote désopilante qu’elle n’avait jusque-là jamais racontée.
— C’était comme baiser avec une saucisse à hot dog piquée sur une brochette en alu, explique-t-elle en ricanant. Mou et chaud à l’extérieur et rigide à l’intérieur. La tige était droite mais tout le reste autour ballottait dans tous les sens, comme ramolli par un tour au micro-ondes. On aurait dit un flan en décomposition maintenu in extremis sur une barre de fer.
Engouffrant sa tête dans un coussin pour ne pas être entendue de l’enfant qui dort à l’étage, Manuella part d’un énorme fou rire. En plus de cette description hilarante de son client, Gwendoline affiche une moue de circonstance, oscillant entre dégoût et perplexité.
— Je n’ai jamais rien ressenti d’aussi étrange de toute ma carrière. Et de désagréable surtout. J’avais tellement peur qu’il me transperce avec sa lance en métal, que je n’ai pas pu aller jusqu’au bout du rapport. Et même pour le branler, j’étais extrêmement mal à l’aise. Il m’a marqué celui-ci, tu peux me croire ! Et pourtant, j’en ai vu des trucs chelous, mais celui-là, je ne suis pas près de l’oublier.
— Pourtant, cette après-midi, tu m’as parlé d’uro et de scato. À mon avis, c’étaient ça les demandes les plus bizarres, non ?
— Ça, ce n’est pas ce que je qualifierais d’étrange. Je dirais plutôt que c’était humiliant. Et par ailleurs, je n’ai jamais fait de scato, juste de l’uro, et encore, une seule fois. Et crois-moi, c’était bien suffisant !
— Je ne me souviens pas que tu m’en aies parlé. Balance !
Face à la curiosité inhabituelle de Manuella à propos de son ancien métier, Gwendoline ne résiste pas à l’envie de lui donner plus de détails. Elle explique que pour ce faire, elle avait exigé de son micheton qu’il lui paie un tarif supérieur à ses prestations normales. Puis elle s’était efforcée de boire plus que d’habitude, car ce dernier était désireux de prendre une belle rasade d’urine chaude sur la tronche.
— Le problème, c’est que ce trou du cul est arrivé en retard et que je n’en pouvais plus. J’ai bien failli me pisser dessus !
Manuella se gondole de rire tandis que Gwendoline reprend son récit. Elle avait imposé que l’acte se déroule dans sa baignoire, pour éviter que cela ne vire au drame. Son client avait été sommé de s’allonger sur l’émail blanc et froid, nu comme un ver. Tout à son délire, Gwendoline avait posé un pied de chaque côté, sur les rebords bien secs, afin de s’éviter une belle chute. Elle s’était agrippée à la tringle qui maintenait le rideau de douche. Le micheton, ravi d’avoir pleine vue sur son orifice en action, s’était masturbé comme un dingue pendant qu’il recevait la fameuse « douche dorée ». La bouche grande ouverte, il avait été aspergé de plusieurs giclées d’urine successives, émises directement au-dessus de lui. Éclaboussée de toutes parts, Gwendoline s’était maudite avant de se souvenir du prix de cette folie : trois cents euros.
— Aaaah mais c’est immonde, s’insurge une Manuella qui oscille entre dégoût et ricanement.
— J’avoue, c’était dégueu. Je ne l’ai jamais refait. J’ai trouvé ça dégradant. Pas pour lui hein, ça, je n’en avais strictement rien à carrer, mais pour moi. De toute façon, le mec en voulait plus. J’avais à peine fini de lui pisser à la gueule qu’il me demandait déjà de lui chier dessus.
— Ahhhhh.... mais c’est infâme !
Manuella se met à faire semblant de vomir, pour entériner ses propos. Gwendoline lui donne raison et réaffirme qu’elle ne l’a jamais fait. Même pour la conséquente somme d’argent qu’il lui proposait, cinq cent euros, elle n’aurait jamais pu s’y abaisser. Manuella acquiesce en baillant, validant qu’il y a des limites à tout et qu’il faut savoir s’arrêter. Suivant l’exemple de son amie, Gwendoline se met à bailler à son tour et lui propose de monter se coucher. La nuit est déjà bien avancée.
D’un commun accord, elles décident de grimper à l’étage, dans la chambre parentale. Comme Emma dort à côté, c’est en lévitation, sur la pointe des pieds, que les deux femmes se déplacent. Cela réveille aussitôt un souvenir dans l’esprit embrumé de la maîtresse des lieux. Avec un pincement au cœur, Gwendoline se remémore cette incroyable période où Erwann débarquait chez elle après le coucher du soleil, pour de douces retrouvailles nocturnes. Qu’il lui tarde de retrouver son compagnon... Certes, avoir renoué avec son amie de toujours la ravit, mais elle a l’impression que son existence prendra tout son sens quand Erwann sortira de prison. Alors la vraie vie commencera...
Tandis que toutes deux s’installent sous les couvertures, Gwendoline, légèrement démoralisée, se met à prier dans le secret de son cœur. Percevant chez son hôtesse une soudaine baisse de régime, Manuella la prend dans ses bras pour la réconforter. Elles échangent un dernier tendre baiser, avant de s’endormir, serrées l’une contre l’autre.
C’est dans cette ambiance mi-figue, mi-raisin, que le sommeil les rattrape peu à peu, dans l’aube imminente d’une nouvelle journée.
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