Chapitre 37 : Un secret mal gardé
Après leurs étreintes fougueuses et intenses, Gwendoline laisse Erwann se doucher. Si elle a la possibilité de s’éclipser quelques dizaines de minutes à l’étage, aidée de la complicité de Manuella, elle ne peut décemment pas disparaître de la soirée trop longtemps. En son absence, Erwann compte sur elle pour assurer la surveillance des lieux. Il sait que Richard est opérationnel pour gérer la partie logistique de la fête, mais désire qu’une personne vraiment responsable supervise ce qui se déroule entre ses murs. Et son meilleur ami n’a clairement pas cette qualification ce soir, étant donné sa propension à la débauche.
Gwendoline se réajuste, pleinement comblée, et abandonne son homme, non sans lui jeter un dernier regard. Elle l’observe à travers les parois de la douche et détaille avec gourmandise son corps nu et musclé, mis en valeur par ses nombreux tatouages. Sous le ruissellement de l’eau, il est encore plus sexy.
Grrrr...
Quand elle a fini de se rincer l’œil, elle vérifie son maquillage et sa coiffure, puis redescend en essayant de se repérer dans l’immense propriété. Bien qu’elle soit déjà venue ici, elle ne connaît que trop peu les lieux et a tendance à se perdre dans le dédale des couloirs. C’est en longeant l’un de ces derniers qu’un éclat de voix rauque lui parvient d’une des pièces du rez-de-chaussée. De mémoire, il s’agit d’une chambre d’ami, mais cela pourrait tout aussi bien être un bureau ou un cagibi. Elle s’arrête et tend l’oreille, aux aguets. Des murmures lui indiquent qu’il y a bien quelqu’un derrière la porte devant laquelle elle est postée. Voire deux personnes, si son ouïe ne la trompe pas.
De deux choses l’une. Ou des amis de Manon-Tiphaine sont en train de s’amuser en privé et c’est quelque chose qu’Erwann ne veut pas... ou ce sont des adultes qui se sont mis volontairement à l’écart des festivités et là, cela l’intéresse beaucoup de savoir de qui il s’agit. Elle vérifie que le couloir est libre et s’approche de la porte, jusqu’à y poser son oreille.
— Ton père est à l’étage, t’inquiète. Il...
Elle n’entend pas la suite, étouffée par le bruit d’un baiser que les inconnus semblent échanger. Enfin, inconnus, c’est vite dit, car elle est persuadée d’avoir reconnu la voix de Richard. Or, il vient de dire « ton père », mais de qui parle-t-il ? Un père à l’étage, il n’y en a pas cinquante. Il s’agit forcément d’Erwann, or ce dernier n’a que deux enfants jusqu’à présent.
Manon-Tiphaine et Anthony.
Tendant davantage l’oreille, elle coupe sa respiration pour écouter plus attentivement ce qui se dit, mais n’entend désormais que des bruits de succion. De toute évidence, les protagonistes sont intimes.
Intimes ?
Richard... avec l’un des enfants d’Erwann ? La panique la gagne. Il ne se tape pas l’adolescente quand même !? Avant qu’elle n’ait pu faire d’autres suppositions, une voix masculine lui parvient plus distinctement :
— J’en peux plus de cette soirée, barrons-nous.
— Je peux pas, tu le sais très bien. Ton père compte sur moi.
Gwendoline se recule, comme brûlée par le contact du bois de la porte. Elle sait maintenant qui est le second.
Merde.
Si Erwann l’apprend, il va péter les plombs.
Sa fille est lesbienne.
Son fils est gay.
Son fils est dans les bras de son meilleur ami.
Meilleur ami qui a le double de son âge.
Le choc va être rude.
Elle s’éclipse rapidement et retourne vers les invités, guidée par le son de la musique électronique que le DJ continue de diffuser. Manuella et Emma sont dehors, une assiette à la main, sur le point de se restaurer. Elle les rejoint en quelques foulées, évitant de justesse les bras des danseurs en pleine transe qui manquent de la percuter sur son passage. Arrivée à la hauteur de sa fille et de son amie, elle leur demande comment se déroule leur soirée.
— Nickel, et la tienne ? l’interroge Manuella avec un sourire en coin. Erwann a-t-il été aussi performant là-haut que lorsqu’il dansait ?
— Erwann est toujours performant, très chère, lui répond-elle avec un clin d’œil.
— Tu m’en diras tant. Tu devrais le dire à sa mère et la féliciter d’avoir élevé un homme si dévoué, enchérit son amie avec malice. Elle arrive justement dans notre direction, derrière toi.
Gwendoline se retourne, arborant son sourire le plus charmant. La mère d’Erwann est un ange, mais ses propos sur l’importance de posséder des capacités en cuisine l’ont quand même refroidie.
— Gwendolina, s’il vous plaît, auriez-vous vu Erwann ?
L’intéressée sourit de toutes ses dents en entendant le surnom que sa nouvelle belle-mère italienne lui a attribué.
— Il se douche, Mama, il ne va pas tarder à redescendre. Avez-vous besoin de quelque chose ?
La femme lui fait signe que non. Gwendoline comprend qu’elle est juste en manque de son fils chéri et que son absence, lorsqu’il était en prison, lui a beaucoup pesé. Elle sait qu’Erwann a refusé que ses parents viennent le visiter au parloir et suppose que ces derniers aimeraient profiter de cette soirée pour passer du temps avec lui. Elle s’en veut de l’avoir monopolisé à l’étage, pour assouvir ses envies coquines, alors qu’en bas, sa mère et son beau-père se languissaient de lui.
Mue par la tendresse qu'elle ressent pour cette femme chaleureuse, Gwendoline lui prend la main et lui propose d’aller dîner ensemble, sous un des barnums chauffés. Emma, Manuella et Yvonnick les suivent. Lorsque tous les cinq sont installés, Gwendoline se relève et propose d’aller leur préparer des assiettes au buffet. Manuella et Emma étant déjà servies, seuls les parents d’Erwann acceptent son offre. Elle les quitte quelques instants pour garnir deux assiettes à ras-bords, avant de les rapporter à la table. Puis s’éloigne à nouveau pour en remplir deux autres, une pour elle, et une autre pour se compagnon, qui ne devrait pas tarder à faire son apparition.
C’est alors qu’elle voit Anthony et Richard revenir sur la terrasse. Elle les observe attentivement. Malgré la distance qu’ils maintiennent entre eux, elle sait désormais qu’elle ne s’est pas trompée. Ils ont beau se tenir à l’écart, leur jeu de regard en dit long sur ce qui vient de se passer entre eux. D’ailleurs, sous l’œil amusé de Richard, le fils d’Erwann vérifie discrètement sa braguette.
Dès qu’elle aura un moment, Gwendoline se promet d’aller en toucher deux mots à l’organisateur des festivités.
— Sacré Bud, tu ne perds rien pour attendre, murmure-t-elle entre ses dents en rejoignant ses convives.
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