Hide : le bouddha des condamnés

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— Allez le karatéka, c’est ton tour ! C’est aujourd’hui que tu franchis la rivière Sanzu. J’espère que tu as préparé tes petites pièces !

Il me faut quelques secondes pour comprendre ce qu’il a dit. J’ai du mal à en croire mes oreilles. La rivière Sanzu, les petites pièces…

Celle qu’on traverse après la mort, dans l’au-delà.

Finalement, la procédure en appel n’a pas été acceptée...

C’est pas possible.

— Et le recours ?

— Quel recours ? Tout ce que je sais, c’est qu’on m’a demandé de t’emmener à la chambre aujourd’hui. Et ne fais pas d’histoires !

Merde.

Plein d’idées bizarres se bousculent dans ma tête. J’ai même pas eu le choix de mon dernier repas… encore un vice de procédure. Normalement, ce dernier repas – même dégueulasse – permet d’anticiper un minimum.

Calme-toi. Réfléchis.

— Je peux écrire une lettre à ma famille ?

— Parce qu’un malfrat comme toi en a une ?

— J’ai une femme, un fils et une fille. Et des gens qui comptent sur moi.

— Pas de chance pour eux ! Fallait pas miser ses billes sur un yakuza. Mais tu pourras rédiger ton testament dans l’antichambre : il y a ce qu’il faut. Allez, dépêche-toi si tu veux avoir le temps d’écrire tes lettres.

Je me lève sans rien dire. Je vais crever dans cet uniforme de taulard, en tissu gris et rêche, qui fait transpirer. Mal rasé, la boule à zéro comme un bonze, avec des lunettes loupe sur le nez. Moi qui pensais finir dans une fusillade à Kabuki-chô, sapé d’un costume Armani.

Bon. De toute façon, quand on est mort, on est mort. Et en Enfer, on laisse ses fringues à l’entrée.

Mais tout de même. J’aurais préféré une fin plus flamboyante.

Lola.

Non. Pense pas à elle. Marche. Droit devant. Ne tremble pas.

Je la laisse toute seule. Je me croyais prêt, mais en fait, j’ai merdé. Comment va-t-elle s’en sortir, sans moi ? Et Miyako ? Hanako, elle, s’en sortira. Elle m’oubliera vite : elle n’a appris que j’étais son père que depuis peu.

Non. Si moi, on m’avait dit, à dix-huit ans, qui était mon vrai père, pour ensuite me l’enlever immédiatement après...

Je n’aurais pas supporté. Et pourtant, j’inflige ça à cette pauvre gamine...

Le maton a raison. Lola et Miyako ont misé sur le mauvais cheval. Hanako, elle, n’a tout simplement pas eu le choix.

T’aurais dû raccrocher quand t’en avais encore la possibilité. Baka yarô[1] !

— Ta gueule, grommelé-je

— Qu’est-ce que tu dis ?

Je jette un regard rapide au gardien.

— Rien, désolé. Je parlais tout seul.

— Tu récitais un sûtra ? Tu auras le droit de le faire devant la statue.

La statue. La fameuse. Dans le milieu, on l’appelle « le Bouddha du couloir de la mort », ou le « patron des condamnés ». Je vais enfin savoir à quoi il ressemble, ce putain de bouddha. Certains en rêvent, et je connais même un type qui se l’est fait graver sur le dos, espérant ainsi ne jamais le rencontrer... Pour finir, ironie du sort, condamné à la peine capitale. Il est mort il y avait de ça une dizaine d’années, et tout le monde raconte son histoire d’un ton à la fois effrayé et édifiant.

Pourtant, cette statue est très décevante. Elle est de petite taille, d’un blanc passé et d’un design générique. Rien à voir avec le bouddha géant de Kamakura ou celui du Tôdai-ji — que j’ai jamais vu, d’ailleurs. Il y a plein de trucs que j’ai pas vu, en fait. Je le réalise maintenant, dans cette chambre confinée et toute blanche. Tout ce que j’ai pas vu, pas fait, pas dit… Je me suis rendu compte, depuis que je suis avec Lola, que je ne connais presque rien de mon pays, le Japon. J’ai passé quasiment toute ma vie à Tokyo. Et le tiers dans une taule comme celle-là... Quel gâchis, franchement ! Alors que j’aurais pu voyager, voir le monde.

Dans une prochaine incarnation, faites que je puisse quitter mon pays. Voilà le vœu que je fais en joignant les mains devant le bouddha des condamnés.

Et que je retrouve Lola.

On a le droit à une deuxième chance, tous les deux, même s’il je suis reconnaissant d’avoir pu la rencontrer avant la fin de ma vie. Y a des gens qui ne connaissent jamais ça.

— Tu veux écrire une lettre ? me propose le gardien.

Je pourrais écrire tout ça à Lola. Mettre un mot pour Hanako disant que je suis fier d’elle. Écrire « pardon » à Miyako, et « j’aurais aimé te connaître » à mon fils.

Mais tous ces mots me paraissent dérisoires, comparés à l’intensité de ce que je ressens. J’aime penser que mes actes parlent pour moi, mais pour ces gens, je n’ai rien fait, au final. Et je ne suis pas doué avec les mots, les lettres. Alors, je n’écris rien.

— Non, réponds-je juste.

Après la chambre au bouddha, il y a une petite porte, qui chuinte d’une drôle de manière en s’ouvrant automatiquement. Le son du cercueil capitonné qui s’ouvre et se referme.... Dans cette deuxième chambre, d’environ quinze tatamis, la lumière est plus tamisée. Il y a une trappe au milieu, où mon corps tomberait pour être réceptionné par un médecin légiste chargé de constater sa mort.

Et une corde, qui pend du plafond.

J’ai les jambes toutes molles.

Le maton n’est plus derrière moi. Trois hommes, le visage caché par une casquette et un masque, m’attendent. Avec leurs costumes noirs et leurs gants blancs, ils ressemblent à des employés de la maison impériale. Tout ça, d’ailleurs, ressemble à une mauvaise mise en scène, un théâtre de marionnettes... et pourtant, c’est le spectacle de ma mort. Ma dernière montée sur le plateau.

Merde.

Je croyais avoir connu le désespoir, dans ma vie… mais rien (y compris cette fameuse nuit, où j’ai pourtant souhaité mourir) n’est comparable à ce moment.

C’est le moment ultime. Le grand final.

Je fais un pas, puis deux. Franchis le seuil. La porte se referme derrière moi. À partir de cet instant, il n’y avait pas de retour en arrière possible. Ne reste plus que la façon dont je vais vivre mes derniers instants sur terre. Comment, hein ?

Tu te crois fort ?

Un pas après l’autre.

J’ai jamais reculé. Jamais. C’est pas aujourd’hui, le jour de ma sortie de scène, que je vais flancher.

— Détenu numéro 1249 ! résonne une voix pré-enregistrée. Vous avez été condamné à la peine capitale. Elle prend effet aujourd’hui.

Un des bourreaux se penche vers moi. Il tient le nœud coulant à la main.

— Une dernière parole ?

Ils sont tout près. Du coin de l’œil, je les regarde m’encercler. J’ai la petite musique dans ma tête, le sifflement. C’est le moment. Vas-y. sauve ta peau. Tu sais faire. Tu dois. Vas-y. Cours. Saute. Crie. Fais un truc.

Ta gueule, putain.

Tout mon être, affûté par des années de réflexes et d’entrainement, me crie de combattre. Je sais déjà comment faire. Celui-là d’abord, puis l’autre, que je jetterais sur le troisième. Imperceptiblement, mes poings se sont fermés. Après tout, c’est injuste. Je dois pas mourir ici. Pas maintenant, alors que j’ai enfin une famille, qui compte sur moi. Mon centre de gravité descend, son corps se raidit. Il a deux options. La première : dire « non », les laisser me passer la corde au cou et partir avec un stoïcisme qui va forcer l’admiration des matons pendant une dizaine d’années. Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre de ce que ces types pensent de moi ? Je veux vivre. D’où la deuxième solution. Je peux me laisser tuer docilement, comme un mouton à l’abattoir, oui, ou...

Me battre.

Je peux me battre. Partir comme j’ai vécu.

Oui. Bats-toi.

La lumière se rallume brusquement. Cette violence… je cligne des yeux. J’ai à peine le temps de voir un officier débouler en hurlant dans la chambre d’exécution.

— Qu’est-ce que vous faites ? Ce détenu a été admis en appel ! Mettez fin à la procédure, immédiatement !

Les trois exécuteurs reculent tous en même temps, comme si je les avais brûlés. Le maton qui vient d’intervenir s’avance à grands pas vers moi. Il saisit mes bras attachés derrière son dos, me tire brusquement. C’est la première fois que je le vois.

— Allez, je vous raccompagne à votre cellule.

Pas une excuse, rien. Juste le soulagement d'être vivant.


*


Nishimura m’attend au parloir, la chemise tachée par la sueur. Il se confond en excuses, salue trois fois, à se taper la tête par terre. J’ai pas le temps pour ces conneries. Je reste debout, les bras croisés et les nerfs en pelote, à le regarder s’humilier. Putain d’avocat de mes couilles. À quoi il me sert, avec le fric de dingue qu’il me coûte ?

— C’est une épouvantable bavure, je ne sais pas comment cela a pu se produire... Si je n’étais pas arrivé à temps, ou juste parti plus tard ! Comment aurais-je pu me présenter devant votre femme, je...

J’interromps ses jérémiades.

— Ne lui dit rien. Il ne faut pas qu’elle sache. Elle est enceinte, et le moindre stress pourrait faire du tort au petit.

— Oui, bien sûr, bien sûr, répond Nishimura en épongeant son front lisse.

Nishimura est loin d’être un incapable. Il a déjà défendu – avec succès – beaucoup de mecs du milieu : c’est pour ça que je l’ai embauché. Et c’est un véritable acteur de kabuki. Parfois, je me demande si ses numéros de battements de bras ne sont pas du chiqué, plutôt qu’une réelle perte de moyens. Mais là, il a clairement merdé.

— Bon, statue-t-il après avoir repris contenance. J’ai aussi une mauvaise nouvelle : Le procureur Maeda n’a toujours pas donné de date pour votre appel. Cela veut dire que, officiellement, vous êtes toujours dans le couloir de la mort.

Sérieusement ?

Je croise les bras, et plante à nouveau mes yeux dans les siens.

— Et la bonne nouvelle ?

L’avocat me jette un regard étonné.

— Eh bien, c’est que je suis arrivé à temps pour les empêcher de vous exécuter... Si je n’étais pas venu aujourd’hui, ils n’auraient pas vu que vous étiez en attente d’un recours.

Cette fois, je montre les dents. Il se fout de ma gueule !

— Ok, ça veut dire qu’ils peuvent me renvoyer devant le bouddha des condamnés à tout moment, demain ou après-demain !

— Le bouddha des condamnés... ?

Je suis étonné qu’aucun de ses clients ne lui ai jamais parlé de ça. Mais les yakuzas, après tout, sont des gens secrets. Je décide moi aussi de passer sur l’explication. Nishimura n’a pas besoin de savoir, et le temps est compté.

— Je parle du couloir de la mort. Je n’ai gagné qu’un maigre sursis : en pratique, ils peuvent m’exécuter n’importe quand.

— Pas tant que le procureur n’a pas donné de réponse officielle à votre demande d’appel ! Aujourd’hui, ce n’était qu’une malheureuse bavure !

Il s’indigne comme si je l’avais personnellement insulté. Ce mec vit dans une réalité parallèle.

— Une bavure qui a failli me coûter la vie, bordel ! Il n’y a pas moyen d’accélérer la procédure ? Si c’est une question d’argent, on peut payer. Il suffit juste de nous dire combien.

— Maeda a déjà refusé toute possibilité de caution, me rappelle-t-il. Mais je vous assure que maintenant qu’ils ont fait l’erreur une fois, ils ne s’y risqueront pas deux. Surtout si votre fille raconte cet épisode aux journalistes...

Hanako. Je lui avais pourtant dit de ne pas le faire... !

Elle a parlé aux fouille-merdes ? demandé-je en me penchant vers la vitre.

En dépit de la vitre blindée, Nishimura recule instinctivement. Ce constat m’irrite encore plus. Ce gratte-papier est habitué aux malfrats irascibles, et il a défendu des lutteurs de sumô au gabarit bien plus impressionnant que le mien. Mais visiblement, le seul fait d’être dans cette taule, à la place du condamné, fait de moi une bête sauvage, un monstre du genre de Godzilla. Alors que je ne suis même pas coupable, ce que Nishimura sait pertinemment.

Il agite les mains dans le vide pour démentir. Ça y est, le cirque a commencé. Mais j’aimerais mieux qu’il le réserve au proc’.

— Non, elle ne leur a pas parlé directement, je vous assure... Mais elle écrit sur son blog en anglais que vous êtes détenu arbitrairement, dans des conditions dégradantes. Et un webzine américain l’a interviewé en visioconférence pour une vidéo YouTube.

— Un webzine ? C’est quoi ?

— Un magazine d’information en ligne sur le Japon. Ils ont appelé ce documentaire « témoignage d’une fille de yakuza »...

Je frappe la vitre.

Putain de merde ! La petite conne !

Nishimura plisse le nez, choqué. Il regarde derrière moi, mais le mouchard n’est pas là : la visite de l’avocat, c’est le seul moment où je peux être seul au parloir.

— Je crois qu’elle voulait juste vous aider… et ce n’est pas une si mauvaise idée, vous savez.

Ouais. Bon.

— Qu’est-ce qu’elle raconte, dedans ?

Nishimura retire, puis essuie ses lunettes. Tout un cinéma.

— Eh bien, elle parle de vous. Dit que vous êtes un yakuza « à l’ancienne », qui a toujours aidé les nécessiteux et tient les rues de Tokyo... « propres ». Que Kabuki-chô va à vau-l’eau depuis qu’on a déménagé vos bureaux à Gotanda et que vous n’y êtes plus pour faire le ménage. Que vous avez pris le blâme pour protéger votre femme enceinte et lui épargner une pénible garde à vue, alors qu’elle n’avait fait que ramasser l’arme du crime afin d’empêcher l’assassin de kidnapper votre fille...

Je laisse mon front frapper doucement la vitre, cache mon visage dans mes mains. Hanako me fait perdre la face. Pourtant, une partie de moi s’émeut du fait qu’elle me tienne en si haute estime, moi, un père défaillant qui n’était même pas au courant de son existence il y a quelques mois. Mais elle n’a fait qu’aggraver la situation. Si les flics commencent à trop s’intéresser à Lola... ils sont tout à fait capables de lui faire subir une longue et pénible garde à vue pour lui soutirer des aveux bidon, qu’elle soit enceinte ou pas.

Mais vraisemblablement, ils ne le feront pas. Je suis un poisson autrement plus intéressant à leurs yeux.

— Je pense réellement que la médiatisation peut faire avancer votre cause, conclut Nishimura. C’est comme ça que ça marche, maintenant. Le temps du secret est terminé. Si vous autres les yakuzas voulez survivre dans ce nouveau monde, il vous faut prendre le train en marche. Tenez, pourquoi ne pas suggérer à votre femme d’ouvrir une chaîne Youtube, ou un truc dans le genre ? « Vie d’une Occidentale femme de yakuza. » Elle montrerait la vie du clan, les tatouages, toutes ces choses qui fascinent les gens… je suis sûr que ça ferait un tabac !

Vie d’une femme de yakuza. Ce mec est malade, ma parole.

— C’est hors de question, grincé-je.

Nishimura finit par se lever et partir, après m’avoir juré ses grands dieux qu’il ferait tout pour accélérer la procédure de demande d’appel. Encore un vœu pieux. Je suis bien conscient que les choses ne sont plus entre les mains de l’avocat, mais celles du procureur Maeda. Pourquoi ce proc’ me déteste-t-il autant ? Il peut être intéressant de s’y pencher... peut-être que Maeda reçoit des pots de vin. Mais de qui ? C’était ce qu’il importe de découvrir.

Je vais écrire à Masa.

Devant la porte de ma cellule, le maton m’attend. Celui qui m’a emmené à la chambre ce matin, et m’appelle « le champion de karaté ».

— Je t’attendais, numéro 1249. Je voulais m’excuser pour ce matin... une erreur. Ce n’était pas encore ton jour ! ose-t-il ricaner.

Un coup de tête. Voilà ce que j’ai envie de lui répondre.

Mais je me contente de le fixer dans les yeux. Il soutient mon regard, laisse échapper un sourire tordu.

— Eh... Quand je vois ce regard, cette attitude… ça me rappelle le monstre que t’étais dans l’octogone.

Je réponds toujours pas. Que ce mec se branle sur mes combats, soit. Moi, je veux juste qu’on me foute la paix.

— Je comprends que tu sois énervé... Tu veux te défouler un peu ? Je voudrais faire quelque chose pour me faire pardonner de mon erreur de ce matin : l’administration m’y a autorisé.

— Je n’ai besoin de rien.

— Je te donne trente minutes de sport supplémentaires. Ça te va ?

C’est pas trop ce que j’avais prévu. Il faut que je prévienne Masa, tant que le souvenir de ma conversation avec Nishimura est encore fraîche. Mais d’un autre côté, une demi-heure de plus à se bouger, ça ne se refuse pas. Dans ma situation, toutes les opportunités sont bonnes à saisir. Même si elles sont offertes par un connard suffisant.

— D’accord, finis-je par dire. Je peux me changer ici ?

— Oui, bien sûr. Tu as deux minutes.

J’enfile mon jogging en vitesse, sans trop réfléchir. Mais le regard du gardien sur son corps me brûle. Instinctivement, j’ai les poils de la nuque qui se hérisse. Je sens encore l’ombre du bouddha des condamnés dans son dos.

Y a un truc qui va pas.

— Tu es prêt ? Allons-y.

De nouveau, je suis le maton dans les couloirs vides. Je m’attendais à ce qu’il l’amène sur la droite, à l’embranchement qui menait aux « cages », mais à la place, il me fait tourner à droite, et prendre un petit escalier étroit, au sommet duquel il m’ouvre une porte blindée.

On est sur le toit, au-dessus des « cages ». Dans un espace encore plus limité... mais sans barreaux au-dessus de nos têtes. Je prends une grande goulée d’air frais. En deux mois d’enfermement, c’est la première fois que je me retrouve à l’air libre.

— Ça te plait, hein ? s’amuse l’homme derrière moi.

Je sais pas si je peux encore le qualifier de maton. Je me retourne, le regarde. Il est déjà en train de déboutonner sa chemise.

Je savais que ce jour arriverait.

— Finissons-en.

Encore ce sourire tordu. Il jette sa veste par terre :

— Comment t’as deviné ?

Tout le monde me prend pour un con, aujourd’hui.

Le mec est couvert de tatouages. Des branches dans les nuages, et au milieu, sur son sternum, les armoiries d’un clan : une fleur de cerisier à cinq pétales, entourée d’un cercle de petits points.

— Aucun gardien normal n’aurait disloqué le bras d’un détenu. Et aucun gardien normal n’aurait parlé en public du passé d’un autre comme tu l’as fait. Sans parler de la bavure de ce matin... Je me doutais bien qu’il y avait un hic.

— Mais tu n’as rien dit, remarque l’autre en faisant craquer ses phalanges.

Je me permets un demi-sourire.

— Non... J’attendais que tu te dévoiles. Et puis... j’avais très envie de te casser la gueule. C’est ce que tu attends de moi, pas vrai ?

— Erreur. Je suis là pour te tuer. Ou plutôt, pour ne pas réussir à te rattraper à temps lors de ta tentative de suicide, lorsque tu te jetteras du toit. Mais je ne pouvais pas résister à une petite passe d’armes avant. Dans le milieu, on t’appelle le Loup, l’Invincible... Voyons si tu mérites toujours ce blaze !

Le nombre de cons qui m’ont sorti cette réplique… C’est désespérant.

—Le dernier qui m’a dit ça est mort, pas plus tard que l’année dernière. Tu le sais, et pourtant, tu viens me tester.

Bien sûr, si je me défends, j’aurais des problèmes. Si je tuais ce type — et je vais le tuer — encore plus. Mais j’ai pas le choix. Et je peux pas nier que je vais y prendre un certain plaisir.

Tant pis. Il l’aura voulu.

Nishimura va en faire une apoplexie. Un meurtre de gardien en prison… Peut-être même qu’il va jeter l’éponge, et refuser de le défendre. Tout ce travail pour rien, ruiné en quelques minutes... mais la procédure a pris trop de temps. C’est trop tard.

Il y a des moments où on ne peut plus reculer.

Le mec veut voir de la baston ? Il va en avoir.

Je monte les poings et me mets en garde.


[1] Imbécile (argot).

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