Chapitre 16
Ecrit en écoutant notamment : AniMe - Symmetry [Hardcore]
Je me relève définitivement deux heures plus tard, bien troublé par mon expérience onirique. Mon corps se prépare mécaniquement à aller se traîner en cours, tandis que mon esprit continue à faire défiler, encore et encore, sans lassitude aucune, d’excitantes visions.
Il faut tout de même que je parvienne à me concentrer, car aujourd’hui, je dois présenter mon exposé en anglais sur l'homosexualité et la génétique. En y repensant dans le bus, je me rends compte que mes explications sont tout de même assez audacieuses, mais ce n’est plus l'heure de modifier ça, de toute façon, je n’en ai plus le temps.
Cependant, je ne peux réfréner un stress légèrement supérieur à mon habitude lorsque le cours d’anglais de Miss Tuckle finit par arriver. Comme par hasard, je suis arbitrairement désigné comme étant le premier des trois à passer. Je m’apprête à me lever, muni de ma fiche, et Lilian me tapote amicalement le dos :
— Allez, je compte sur toi pour nous faire un truc bien ! me chuchote-t-il.
Je monte sur l’estrade, et avant de démarrer, je dévisage la bande de Victor pendant quelques secondes avec une expression légèrement dubitative; en effet, ce sont les bons machos de service de la classe, probablement assez peu réceptifs au concept.
Je soupire un coup, puis délivre mon exposé pendant une petite dizaine de minutes. Les élèves, qui s'étaient préparés pour une bonne sieste digestive, se redressent instantanément, piqués au vif par l’intérêt du sujet. Je perçois régulièrement des rumeurs d’approbation, peut-être le contraire, c’est assez difficile à dire. Lorsque je conclus mon argumentaire, un mélange d’applaudissements, de sifflements et de chuchotements pleut, auquel Miss Tuckle met rapidement un terme en me remerciant « for my very interesting point of view ».
Pendant le reste de l’heure, je sens bien que mon intervention n’en a pas fini de faire parler. Lilian me confie à voix basse:
— Mec, c’est vraiment abusé comme tu t’es investi là-dedans, t’étais encore plus convaincant, et convaincu, qu’un militant LGBT !
Mon mauvais pressentiment, qui est apparu pendant la fin du cours, lorsque je surprenais les regards mauvais de Victor et sa bande dans ma direction, se réalise malheureusement : dans le couloir qui nous mène à notre salle de maths, Alexandre et lui me bloquent le chemin, ayant visiblement quelques objections à faire sur ma prestation de l’heure passée. Quelques curieux se sont quant à eux postés en retrait pour profiter d’une éventuelle altercation. Alexandre me prend à partie :
— Alors comme ça tu défends les homos ? Tu voudrais me faire croire que je ne vaux pas mieux qu'eux ?
— Pas spécialement, j’ai juste raconté ce que j’ai trouvé dans mes recherches, tenté-je pour rester diplomate.
À ce moment précis, je ressens un étrange sentiment inapproprié : s’il n’était pas aussi con, lui, je pourrais presque le trouver mignon ! Non, mais franchement, mais comment est-ce que j'arrive à penser à ça dans une telle situation...
— C’est honteux ce que t’as dit, on devrait interdire ça, de faire de la promotion pour ces… gens ! termine-t-il avec un rictus dégoûté.
Sans que je ne lui en donne l’ordre, ma main s’abat vers le visage d’Alexandre, mais elle est bloquée in extremis par le bras de Victor. Ce dernier reprend, en ricanant bruyamment :
— Tu ne serais pas un peu PD sur les bords, dis-moi, j’ai rarement vu des mecs normaux les défendre comme ça !
— Dites encore un mot et le mec anormal va vraiment vous cogner ! hurlé-je, hors de moi.
D’autres élèves affluent, espérant qu’ils seront témoins d’un ragot qu’ils pourront colporter plus tard. Un puissant sentiment de rage monte en moi, et comme cela ne m’arrive que très rarement, mes mains se mettent à trembler. Je suis complètement submergé par mes émotions, et lorsque Alexandre me balance avec une voix volontairement aigüe et effarouchée « Tu crois vraiment que j’ai peur d’une tafiole de ta sorte ? » , je prends sa remarque trop personnellement et me jette sur lui.
Visiblement, Victor semble laisser son ami composer avec moi, peut-être est-il trop dégoûté à l'idée d’avoir à toucher un mec gay. Il se contente de l’encourager :
— Allez, donne-lui une bonne leçon de ma part !
Sauf que, mû par une rage incontrôlable, j’arrive rapidement à faire basculer Alexandre au sol et me déchaîne de mes poings et mes ongles. Conscient que la situation devient critique, Victor se décide à intervenir, et Lilian fait de même en me tirant de toutes ses forces hors du champ de bataille. Il m’entraîne plus loin, et me réprimande violemment :
— Mais t’es complètement dingue mon pote ! Pourquoi t’as fait ça ? T’es vraiment homo ?
— Devine… réponds-je laconiquement.
— Bon, je crois que tu leur as donné une bonne leçon, mais maintenant ça risque de chauffer pour toi les prochains temps, je ne sais pas dans quel état tu l’as mis, l’autre, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que tu n’y es pas allé de main morte…
Nous finissons par rejoindre le cours de maths, duquel Alexandre et Victor sont absents. Le prof, qui d’habitude a si peu d’autorité sur ses élèves, est fasciné par le silence pesant qui règne dans son cours. Et évidemment, Lilian avait vu juste: au milieu du cours, un pion pénètre dans la salle et m'enjoint de le suivre. Ah, donc ces lâches ont osé aller pleurer chez un surveillant !
Le seul problème, c’est qu’on a plutôt l’air de se diriger vers le bureau du proviseur, qui n’est autre que le père de mon cousin Alexis. J’hésite fortement à lui révéler la vraie cause de l’altercation : je n’ai aucune envie d’aborder le sujet de l’homosexualité avec lui depuis ce que j’ai appris de la part d’Alexis, mais cela reviendrait à laisser impunies les remarques des deux autres cons… Je verrai bien sur le moment, il faudrait déjà que je sache ce qu’ils ont inventé comme mensonge de leur côté.
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