Chapitre 26
Ecrit en écoutant notamment : Alestorm – Captain Morgan’s Revenge [Pirate Metal]
Vers 19h, après avoir fourni de copieux efforts, je demande à ma mère l’autorisation de partir. Elle acquiesce, et je cours, tout excité, vers mon arrêt de bus. Une demi-heure plus tard, j’arrive à Strasbourg et prends encore le tram pour rejoindre le lieu que m’a indiqué Morgan.
Je m’y dirige d’un pas pressé, arrive dans une zone plutôt isolée, et je ne suis encore qu’à une vingtaine de mètres de l’adresse indiquée, que je sens déjà de lourds tremblement se propager dans le sol. Moi qui n’ai pas vraiment l’habitude d’aller en soirée, eh ben, ça va me changer… Heureusement qu’il y aura mon Morgan avec moi. Je le repère rapidement, et attiré par son sourire radieux, j’accélère un peu un pas qui était devenu hésitant :
— Bon, mon pote est déjà rentré, allons-y !
Il m’entraîne à l’intérieur, et me pousse avec sa main dans mon dos, ayant sûrement remarqué que je ne suis pas cent pour cent à l’aise. Nous nous dirigeons ensuite vers la salle principale, sur laquelle s’entassent caissons et enceintes, déchaînant des basses surpuissantes et de violentes percussions. Cependant, après seulement quelques minutes, je me surprends à apprécier ce déferlement de violence musicale, et me mets à me balancer au rythme de la foule. Morgan, sous ses airs d’habitué, me hurle dans les oreilles :
— T’as de la chance, ce soir, on a vraiment du lourd sur scène ! On va pouvoir se défoncer !
Après une heure à danser sur un rythme frénétique, nous sortons un peu prendre l’air et reposer nos oreilles pour un court instant. Nous nous asseyons sur une caisse en bois, périodiquement balayés par quelques spots lumineux égarés traversant la pénombre. Je me confesse :
— Eh ben, je peux te dire que je n’aurais jamais pu imaginer ça au début de l’année, c’est fantastique de découvrir ça avec toi !
— Ah ouais, ça me fait plaisir, tu sais, moi, ça me rappelle les premières fois où je suis venu ici, j’aimerais bien pouvoir revivre ça, alors vraiment, profite à fond !
Nous restons encore quelques instants côte à côte, savourant notre amitié ainsi que le court instant de répit que nous nous octroyons, puis il se lève soudainement en m'informant qu’il vient de se rappeler qu'il doit rapporter les clés de voiture de son pote qu'il avait gardées :
— Attends-moi, j’en ai pour cinq minutes !
Je patiente donc tranquillement, heureux de la soirée en cours, et effectivement, quelques minutes plus tard, il réapparaît, surexcité, et me tire par le bras :
— Allez, on y retourne !
De retour au milieu de la foule, la chaleur et la sueur, je suis proprement impressionné par l’énergie que mon ami dépense pendant des dizaines et des dizaines de minutes sans s'arrêter un seul instant. Pourtant, il finit par me crier :
— Viens, on retourne dehors, j’ai un peu chaud, il faut sûrement que je prenne l’air.
Une fois sorti, il se dirige ensuite d’un pas pénible vers les toilettes pour aller se rafraîchir. Il m'assure qu'il n'a pas besoin de mon aide; je ne m'inquiète donc pas outre-mesure, mais son état, surtout son teint et son regard hagard, m’interpellent tout de même. Quoique, c'est probablement le contre-jour qui donne cet effet... Je décide donc de m’installer quelques minutes sur un vieux banc à la peinture largement écaillée.
Dix minutes après, alors que je m’apprête à quand même aller le rejoindre, j'aperçois une silhouette connue arriver dans ma direction.
— Non ! Genre toi t’es là ! Qu’est-ce que tu fais tout seul ici, mon petit mec ? Tu n’es pas en train de réviser tes cours de maths chez toi ? me lance Alexandre d’une voix rêche.
— Moi… moi j’attends un ami qui doit revenir tout de suite… parviens-je à répondre, passablement troublé par son charme renforcé par ses cheveux à moitié en pagaille et son T-shirt humide plaqué sur son torse musclé.
Il s’approche de moi, apparemment bien éméché :
— Bon, allez, si déjà t’es là, on ne va pas attendre demain quand même !
Et sur ces belles paroles, il se laisse tomber sur moi de tout son poids, avant de partir à l’assaut de mon visage. Son regard magnétique et la douce chaleur humide de ses pectoraux qui irradie contre les miens m’enivrent complètement. Mon appréhension se commue en une douce léthargie, et je m’en remets à sa volonté, à sa langue qui vient se frayer un chemin entre mes lèvres. Je poursuis le baiser en accompagnant son mouvement tandis que ses mains halitueuses s’immiscent sauvagement sous mon T-shirt et me caressent bestialement. Je sens ensuite vaguement ses doigts qui enserrent mon dos et le frottent énergiquement de haut en bas. À force d’attaques répétées de sa part, nous finissons par choir mollement au sol et continuons notre étreinte sauvage, sans même nous soucier des autres fêtards qui pourraient passer par là.
Ah, d’ailleurs, mon Morgan, s’il nous voyait, je suis sûr qu’il serait fier de moi ! Peut-être même qu’il est déjà revenu, et qu’il me laisse profiter de cet instant. J’aurais pourtant bien préféré que ce soit lui qui soit en train de m’embrasser, là maintenant ; certes, Alexandre est beau, mais il lui manque cette étincelle que possède mon milieu de terrain préféré… J’en viens à fermer les yeux et me figurer que c’est lui qui me prodigue ces caresses en ce moment…
Alexandre ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin, et se met à déboucler ma ceinture dans un but bien précis, son ardeur semblant s'être notoirement accrue grâce à l'érection qui déforme mon pantalon. Je le laisse opérer, complètement tétanisé à la fois par l’excitation et le stress.
Soudain, je sens une force surhumaine qui me détache de lui. Avant même que je ne comprenne ce qu’il se passe, je vois Alexandre sur le dos qui se débat vigoureusement face à un Morgan à quatre pattes au-dessus de sa prise, donnant des coups de griffes tel un chat devenu hystérique. Je me jette dans le tas et arrache à Morgan sa prise avec difficulté, puis je l’éloigne tant bien que mal tel un boxeur insatisfait alors qu’Alexandre part dans l’autre sens en titubant, scandalisé :
— Mais il est complètement malade ton pote, c’est quoi son problème ! Ouais c’est ça, va le calmer un peu !
Et il disparaît dans la pénombre, me laissant avec mon ami ayant commis ce geste inexplicable. Peut-être a-t-il cru que j’étais en train de me faire agresser ? Non, ça n’a pas de sens, n’importe qui dans un état normal aurait compris qu’il y avait consentement. Dans un état normal… normal ?
Je l'empoigne solidement par les épaules et inspecte fixement ses yeux… des yeux inexpressifs qui semblent fixer vaguement l’horizon. Je remarque également que ses mains tremblent anormalement.
Merde, qu’est-ce qu’il nous a fait ? Je commence à paniquer, passe mon bras dans son dos pour le soutenir, mais son état ne semble pas s'améliorer et je pense enfin à ce moment à appeler le service de sécurité, dont j'avais noté le numéro pour faire plaisir à ma mère...
Alors que ces derniers sont sur le point de prendre en charge mon ami, celui-ci peine à articuler un vague : « Non… il n’a pas le droit… c’est à moi… il n’a pas le droit… » , avant de s’écrouler lamentablement sur le brancard.
Un des deux secouristes tente de me rassurer :
— Ne t'inquiète pas pour ton ami, ça m’a l’air d’être du classique, alcool et drogue ne font parfois pas bon ménage…
Après m’être assuré que Morgan a été bien pris en charge, et avoir fourni le numéro de ses parents, je quitte les lieux, bien refroidi par les évènements. Malgré la relative douceur ambiante, je commence à trembler à mon tour, cette fois-ci à cause de l'ascenseur émotionnel des dernières minutes...
Annotations
Versions