Chapitre 29

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Ecrit en écoutant notamment : Infected Mushroom - Head of Nasa [PsyTrance]



Point de vue Michaël

Il ne semble vraiment pas être dans une forme royale, descendant les escaliers d’un pas de sénateur rempli de Beaujolais, en s’appuyant fermement sur mon épaule.

Le contact de ses mains m’enchante littéralement ; cependant ce bonheur n’est que de courte durée puisque nous débarquons rapidement dans le salon, faisant face à un désagréable rictus de ses parents.

Néanmoins, le père se radoucit quelque peu lorsqu’il m’adresse la parole :

— Ça ne te dérange pas de nous raconter un peu plus en détail ce qui s’est passé ? Parce que je crois que ça risque d’être bien plus difficile pour toi... termine-t-il en dévisageant son fils d’un œil mauvais.

— Bah, je n’ai pas grand-chose à ajouter, si ce n’est que j’ai eu quelques frayeurs quand t’as commencé à raconter un peu n’importe quoi, au moment où les secouristes t’ont emmené, marmonne-je en contemplant Morgan, largement soulagé qu’il se soit correctement remis.

Subitement, à ce moment-là, ses yeux semblent s’affoler, effectuant quelques allers-retours nerveux entre moi et ses parents. Je ne rentre alors pas plus dans les détails ; de toute façon, ça n’a que peu d’intérêt. J’omets également l’altercation pour son bien. Ça ne sert à rien de compliquer sa situation avant qu’on ne se soit expliqué tous les trois avec Alexandre.


N’ayant bientôt plus grand-chose à apporter, et commençant vraiment à me sentir de trop, je quitte poliment leur maison, dans l’intention de les laisser s’expliquer seuls.

Dans l’après-midi, je reçois un message trois fois plus long que large :

— Finalement ça ne s’est pas si mal passé ! Bien-sûr, je suis interdit de soirée pour un moment, ça je m’en doutais. Ils veulent aussi que j’assiste à des sortes de réunions de prévention des risques, c’est tellement la honte, mec ! Mais sinon il n’y a pas de problèmes pour le foot, ni pour le reste. Et puis, je ne sais pas si je devrais te le dire, mais mon père m’a avoué qu’il a lui-même vécu une période peu glorieuse à la fac quand il avait une vingtaine d’années. C’est apparemment ce qui le rend vraiment aussi préoccupé. Enfin si, finalement, je peux te le dire, on est très proches, maintenant…

Je suis plutôt content pour lui, mais éprouve une curieuse fierté légèrement malsaine suite à son rapport. Il se confie à moi, bien, mais il n’était obligé ni de rentrer dans les détails, ni de mentionner aussi explicitement notre amitié, même si ça me remplit d’allégresse…


Je compte mettre à profit ce lundi pour organiser mes états généraux. À cet effet, entre deux cours, je parviens à coincer Alexandre, lequel me fait obstinément la gueule, pour lui proposer d'aller faire un bowling jeudi en fin d’après-midi. Bien-sûr, je lui fais comprendre qu’on n’y ira pas uniquement pour enchaîner les strikes, puisque je convierai également Morgan.

Il me répond sèchement :

— Bon, je vais essayer de me libérer, je vous tiens au courant, Michaël Hincker. Autant joindre l'utile à l'agréable.

Le soir, à l’entraînement de foot, j’interpelle Morgan entre deux exercices et l’emmène une minute à l’écart du reste de groupe pour réaliser ma mise au point :

— Alors, c’est compliqué, je ne l’ai bien-sûr pas crié devant tes parents, mais il y a un léger souci. Samedi soir, quand tu n'étais pas bien, t’es allé mettre quelques patates à mon petit ami pendant qu’on s’embrassait…


Point de vue Morgan

Et merde… Enfin, il faut impérativement que je me ressaisisse, je me dois de respecter sa relation avec Alexandre. Je me sens encore coupable du faux-espoir que je lui ai fait il y a deux semaines quand il m'a embrassé… et puis j’ai déjà fait suffisamment de conneries…

Mais pourquoi est-ce que je ne me suis pas rendu compte plus tôt que je l’aimais aussi comme lui il m’aime ? On aurait été tellement bien tous les deux, là, et au lieu de ça, je suis embourbé dans une merde pas possible…


Point de vue Michaël

— ...Heureusement, tu ne l’as pas trop amoché, et il est d’accord pour qu’on s’arrange entre nous. Il aimerait juste s’expliquer calmement avec toi et moi.

J’hésite ensuite à lui faire part de ce qu’il m’a dit quand il était complètement perché. Quelques mots que j’entends encore résonner, et qui entretiennent l’improbable fantasme qu’il puisse ressentir quelque chose pour moi. Il n’a peut-être pas dit ça complètement au hasard. Se pourrait-il qu’il ait été… jaloux?

Après quelques secondes d’hésitation, je demande d’un ton le plus détaché et désintéressé possible :

— D’ailleurs, t’as dit un truc bizarre après lui avoir mis une rouste : Non… il n’a pas le droit… c’est à moi… il n’a pas le droit… Tu ne t’en souviens pas ?

Il me répond en lançant désespérément son bras en l’air avant que celui-ci ne retombe mollement sur sa cuisse :

— Euh non, pas du tout, je t’ai déjà dit, après avoir vu mon autre pote pour la dernière fois, c’est le black-out complet. Je devais être parti bien loin...

Nous nous regardons tous les deux tristement dans les yeux. Il a l’air aussi déçu que moi, et nous nous décidons à rejoindre nos coéquipiers, en marchant côte à côte sans décrocher un mot supplémentaire.

Pendant les cours du mardi et du mercredi, je suis particulièrement tendu par l’attitude d’Alexandre, essayant vainement d’interpréter chacun de ses faits et gestes. Je hais être à ce point dans l’attente d'un possible dénouement. Il ne vient toujours pas me parler, c’est à peine s’il consent à me répondre froidement d'un seul mot les rares fois où j’arrive à le rattraper.

Le mercredi soir, lors de l'entraînement, Morgan me semble lui très las, presque déprimé, il fait vraiment peine à voir. Lui d’habitude si volontaire et généreux dans l’effort physique erre aujourd’hui lamentablement sur le terrain et manque maladroitement les rares gestes techniques qu’il entreprend, s'attirant les foudres de notre entraîneur. Je profite d’une pause ravitaillement pour discuter avec lui:

— Mec, t’es sûr que ça va ?

— Ouais… je ne suis pas au mieux de ma forme… mais j’espère que ça va aller mieux bientôt.

Je note qu’il a du mal soutenir mon regard, mais je ne veux pas le forcer à se livrer d’une quelconque manière.

— Bon, j’espère juste que je n’y suis pour rien, ça serait gênant.

— Non, absolument pas, ne te fais pas de soucis, pense plutôt à ton… amoureux, me répond-il, sa voix fléchissant sur ce dernier mot.

J’y repense calmement quelques heures plus tard : bien sûr que je pense à mon vrai amoureux, ce beau joueur dont l’amour m’est tragiquement inatteignable. J’en aurais presque honte, puisque vu son attitude de tout à l'heure, il a probablement des problèmes sentimentaux en plus de ceux avec ses parents, même s’il ne semble pas vraiment vouloir en parler. Ça doit être difficile… Même sa poignée de main d’au revoir à la fin de la séance n’était plus aussi ferme que d’habitude… La prochaine fois, j’insisterai vraiment, parce que ça me rend terriblement malheureux de le voir dans cet état. Je peux sûrement l’aider d’une manière ou d’une autre.

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