Chapitre 32

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Ecrit en écoutant notamment : S3RL - Happy Hardcore Tonight



Je me relève d’un bond, réalisant qu’Alexandre doit très sûrement s’impatienter. Et mon malaise s’accentue quand j’essaie d’imaginer ce que je vais bien pouvoir inventer en guise d’excuse. Morgan m’intime en s’aidant de son regard magnétisant de ne pas me mettre à stresser outre-mesure, regard qui me fait sourire et me rassure avec une facilité déconcertante.

Nous retournons donc ensuite à l’intérieur du bowling, avec comme solution provisoire d’encore rien laisser paraître, Morgan m’ayant assuré avec bienveillance qu’il ne tiendrait évidemment pas rigueur de ces quelques instants, et qu’il avait en tête une bonne trouvaille pour justifier notre retard. Nous nous sommes cependant promis de réfléchir à une solution plus définitive rapidement. Il faudrait d’ailleurs éviter qu’Alexandre m’invite chez lui ce dimanche…

Le fait de ne pas le retrouver malgré un bon quart d’heure d’attente et m’être heurté à deux reprises à son répondeur tend à me remettre sur les nerfs. A nouveau, Morgan tâche de me rassurer par des arguments et explications assez improbables que je me force à moitié à croire, et nous parvenons ainsi à terminer notre partie agréablement.

Vers sept heures et demie, nous nous quittons sur un baiser langoureux en nous promettant de faire tout notre possible pour nous trouver un moment d’intimité ce week-end.


Avec le recul, je trouve Morgan tellement plus sincère que l’autre… Je rentre chez moi dans un état second, un sourire béat ornant mon visage. Les voyageurs tardifs qui m’accompagnent dans le bus doivent me trouver bien stupide, mais je les emmerde, moi j’ai Morgan et pas eux, et je l’aime.

Je me surprends à penser au comportement à adopter vis-à-vis de notre équipe de foot. Il est évident que nous allons garder le secret dans un premier temps, puis il faudra réfléchir… Tiens… je me rends compte que j’envisage déjà des choses sur le long terme avec lui, je ne veux pas en être séparé… Au match de samedi, ça sera déjà une tâche ardue de se comporter en simples amis…

Je suis plus heureux que je ne l’ai jamais été, mais il reste un dernier os, et pas des moindres, à savoir Alexandre. Je me résous à profiter de la fin de ce magnifique jeudi et à attendre le lendemain pour m’occuper du problème.


Point de vue Morgan


J’avoue que j’ai encore un peu de mal à comprendre ce qui m’arrive, je n’ai rarement ressenti telle légèreté et intensité simultanément… Et il faut que ça soit en compagnie d’un mec, enfin plutôt de lui. Je m’assoupis tranquillement dans le TER au quatre cinquièmes vide qui me ramène chez moi.

Assommé par les émotions du jour, je m’endors véritablement à mon insu, et suis heureusement tiré des profondeurs deux minutes avant la station de mon village par Sonia, une bonne amie du collège, actuellement dans un autre lycée, ce qui explique que nous nous soyons pas mal perdus de vue depuis deux ans.

Je la remercie chaleureusement et après nous être faits la bise et exclamés sur le fait que le hasard fait bien les choses, nous décidons de nous promener un peu ensemble, n’étant tous les deux pas tellement pressés.


Une fois sortis de la gare, elle lance pour me taquiner :

— Alors Morgan, je pense que tu préfères que je t’aie réveillé malgré le beau rêve que t’avais l’air de faire, plutôt que de faire un détour par Saverne ?

Beau rêve, t’as bien raison, me dis-je en essayant de calmer une érection qui revient assez régulièrement. L’idée qu’elle ait pu remarquer ce détail quand je dormais encore me fait pourtant plus sourire que honte !

Et le fait d’être en sa compagnie n’arrange pas forcément les choses ; il faut bien avouer que les dernières années lui ont été très profitables sur le plan physique, celui-ci étant mis en valeur par de beaux cheveux encore plus noirs et brillants que les miens et joliment arrangés, qui lui donnent cet air mignon et très assuré à la fois.

En bon gentleman, et uniquement dans cet état d’esprit, je m’empresse de lui faire ce compliment, ce qui a pour effet de la faire rougir instantanément :

— Toi aussi, t’as bien changé, et il faut dire que c’est… plutôt bien réussi… et largement mieux en vrai que sur tes photos Instagram, termine-t-elle gênée.

— Bon, ça suffit, on va arrêter de se cirer les pompes mutuellement ! rétorqué-je amusé, mais suspectant la possibilité qu’elle soit tout bonnement en train de me draguer.

Je préfère orienter la conversation sur nos cours, c’est bien moins sensible comme sujet… Et puis, j’arrive à tenir mécaniquement la conversation tout en laissant mon esprit divaguer…

Je lui ai dit que je croyais l’aimer… j’ai plutôt l’impression que c’est une certitude… Avec lui, je retrouve des sentiments et éprouve des émotions que j’ai connus avec certaines filles, mais là, c’est à la fois très particulier et très fort.

Et pourtant, si on m’avait posé la question il y a quelques mois, j’aurais estimé qu’il y avait encore plus de chance pour que je sois frappé par la foudre que pour que je tombe amoureux d’un mec. Au final, j’ai eu les deux.


Ça a débuté au mois de septembre, quand j’ai commencé à intercepter les regards émerveillés qu’il posait régulièrement sur moi. Ça m’amusait beaucoup : je ne connaissais pas de personnes gays dans mon entourage, et je me suis dit que si j’en rencontrais une dans mon club de foot, ça ferait une histoire drôlement cocasse à raconter.

Au fil des entraînements, de nos quelques discussions et du samedi matin qu’il a passé chez moi à me donner des cours, je devenais de plus en plus certain de son attirance pour moi. Un soir, je suis rentré chez moi un peu moins amusé quand je me suis rendu compte que ça m’avait aussi bien plu de regarder ses muscles légèrement dessinés sous la douche, mais je n’étais pas tellement plus dérangé que ça. Sauf qu’il ne me laissait pas totalement indifférent. Et lorsqu’il m’a embrassé chez moi le jour de mon anniversaire, je me suis retrouvé complètement pris au dépourvu. Dans un élan de lucidité, je me suis rappelé qu’il était juste un bon ami, et me suis confondu en excuses de ne pas pouvoir (vouloir ?) lui rendre son baiser.

Mais à force d’y repenser les jours suivants, j’étais de plus en plus persuadé qu’il y avait quelque chose de spécial, sans vraiment réussir à mettre le doigt dessus, même si aujourd’hui ça paraît très évident. C’est tellement stupide d’avoir joué au couple gay avec lui, tout ça pour que quelques jours plus tard, j’ai enfin la véritable révélation… C’est vraiment à se demander ce qui m’est passé par la tête…


Oh et puis merde, je ne vais pas commencer à me poser des questions psycho-métaphysiques ! Je fais ce qui me plaît maintenant, tout simplement !

Je suis absolument comblé par la situation actuelle, à un petit détail près : tout à l’heure, quand pendant quelques secondes j’ai senti son sexe en érection contre le bas de mes abdos à travers nos vêtements, ça m’a mis assez mal à l’aise, même si je n’ai rien laissé paraître. C’est peut-être juste le manque d’habitude, non ?

Je suis plongé dans l’incompréhension la plus totale lorsque j’aperçois Sonia se mettre à rire d’un coup, à première vue sans raison:

— Hé, ta rue, c’est à gauche ! Tu ne voudrais pas que je t’accompagne jusqu'à dans ta chambre pour m’assurer que tu ne vas pas encore te perdre ?

— Euh, non merci, ça va aller, en tout cas, je suis content de t’avoir revue… conclué-je avant de retourner chez moi.

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