Chapitre 38
Ecrit en écoutant notamment : Destructive Tendencies – Skull Dynasty [Hardcore]
Peu avant midi, nous sommes toujours blottis l’un contre l’autre dans son lit d’un mètre de large. Il se relève sur ses coudes et dit :
— Hmm, tu crois pas que tu pourrais appeler tes parents ? Tu leurs dis que tu restes manger chez moi. Et puis les miens seront sûrement très contents de t’emmener au match !
— Ça me va ! Enfin, tout ce qui me permet de rester plus longtemps avec toi me va… terminé-je à voix basse.
Je me rappelle ensuite de la raison officielle pour laquelle je suis venu et lui dis :
— Par contre, je suis sûr que ça plaira à ton père si on a travaillé ensemble un minimum !
— Oh bah non ! Tiens, on n’a qu’à sortir quelques feuilles de cours, ça fera diversion si jamais !
— Certainement pas ! Allez petite feignasse, en avant ! dis-je en lui claquant les fesses.
Alors qu’il me lance un regard faussement implorant, je poursuis de manière très sérieuse :
— Sors tes exos de maths pour la semaine prochaine ! Allez, je t’explique vite fait, et à chaque fois que tu réussis une question, t’as le droit de m’embrasser !
Mon deal a l’air de le motiver, car il ne fait quasiment aucune erreur, et me regarde à chaque fois avec des yeux pétillants quand il a droit à sa récompense. Je suis déjà largement rassuré sur l’amour qu’il me porte, et il s’amuse même de temps en temps à masser mon paquet à travers le pantalon, probablement pour essayer de me distraire de mon but.
Je lève rapidement la séance au bout de quinze minutes pour son plus grand bonheur, et nous descendons à la cuisine préparer le traditionnel plat de pâtes qu’ingurgite chaque footballeur qui se respecte avant son match du samedi après-midi.
Comme ses parents doivent bientôt rentrer, nous nous limitons à quelques chastes baisers pendant que nous préparons la table et le repas.
Il était en train de déposer quelques bisous dans mon cou quand il a relevé la tête, surpris, mais satisfait que ses parents aient frappé quelques coups à la porte avant d’entrer.
Une fois tous attablés et servis, son père nous demande à tous les deux :
— Alors, la matinée a été productive, les garçons ?
J’allais répondre, mais Morgan me devance :
— Oui bien sûr, en plus Michaël est arrivé vers dix heures, donc le temps de s’installer, on a eu une bonne heure et demie !
— Parfait, vous avez eu le temps de faire quoi ? demande-t-il cette fois en regardant son fils.
Morgan semble mal à l’aise, essayant de se remémorer quelques titres de chapitres qu’il pourrait balancer au hasard ; ainsi je réponds à mon tour pour lui en inventant un programme, mon discours étant ponctué par des hochements de tête périodiques de son père. Lorsque j’ai fini, il s’exclame :
— Eh ben, tout ça, vous m’étonnez ! En tout cas, Michaël, je vous suis très reconnaissant de vous investir autant, ce n’est pas forcément facile avec mon fils... Vous êtes en Terminale, n’est-ce pas ?
— Heu oui, c’est ça ! réponds-je très gêné, surtout avec Morgan en face, qui doit se sentir horriblement rabaissé par son père.
— Et vous envisagez quelles études après le bac ?
— Bah… pour l’instant, je me vois bien faire maths sup…
— En voilà un jeune homme sérieux, j’apprécie ça énormément !
J’aurais presque honte, ayant passé toute la matinée dans les bras de son fils…
Vint ensuite de nulle part une remarque dont je ne l’aurais pas cru capable tant il me semblait porté uniquement sur l'importance des études et la vie professionnelle :
— Et en plus, loin d’être moche pour un matheux… Tu dois avoir du succès avec les filles !
— Pas que ! répliqué-je sans réfléchir.
Mais merde, qu’est-ce que je viens de dire ! Je me rattrape avant qu’il n’embraye sur ma réponse :
— Je veux dire que ça m’est arrivé de me faire draguer par des mecs !
— Ah bon ? Pourtant t’as vraiment pas une tête de tafiole ! Euh, veuillez excuser mon manque de bienséance, de gay, je veux dire !
Sa femme approuve son deuxième choix, et ajoute :
— C’est vrai que c’est plus respectueux pour ces gens-là !
Hmm, « ces gens-là » , voilà typiquement le genre de parents qui pensent être tolérants mais qui tombent de haut en découvrant que leur fils sort avec un garçon… ça me fout un léger coup au moral. De son côté, mon amoureux fait profil bas, et termine son assiette bien avant tout le monde, n’adressant pas un regard à ses parents.
Comme prévu, les parents de mon petit ami sont enthousiastes pour m’emmener au match. Nous discutons de tout et de rien dans la voiture, le léger incident du repas semblant déjà oublié. Finalement, son père est peut-être moins rigide qu’il m’en avait donné l’impression…
Nous arrivons au stade pour notre deuxième match à l’extérieur de la saison, en tant que simples amis, bien que nous ayons tous les deux du mal à dissimuler le sourire radieux qui nous anime.
Nous nous dirigeons vers nos coéquipiers déjà présents et dévisageons froidement au passage nos adversaires du jour, tous vêtus d’un survêtement vert à l’effigie de leur club.
Alors que nous nous installons dans les vestiaires pour nous changer, les discussions tournent principalement autour du fait que nous avons reconnu beaucoup de joueurs de l’équipe adverse, laquelle nous avions déjà battue facilement 7-0 l’année passée. Je glisse à mon petit ami, qui s’est bien-sûr assis à côté de moi :
— Tu devrais t’amuser aujourd’hui, ça va être moins dur que la semaine dernière !
— Est-ce que ça sous-entend que je n’aurai même pas droit à une petite récompense si je marque ? me chuchote-il en retour.
— Chhhhh ! Moins fort ! T’es fou ou quoi ? souffle-je d’un simple rictus presque inaudible.
— Rhoo, ça va… soupire-t-il en retirant son t-shirt, n’oubliant évidemment pas de se tourner vers moi pour me faire admirer ses muscles.
L’habillage se passe ensuite presque normalement, sauf quand il se lève en faisant exprès de coller son bassin devant ma tête pour enfiler son short… Ce mec est taré… mais je l’adore !
Après un bon échauffement, et avoir écouté les ultimes consignes du coach, nous nous mettons en place dans notre système habituel de 4-2-3-1, et l’arbitre siffle le coup d’envoi.
Comme prévu, nous démarrons le match fort pour ne laisser aucun espoir à cet adversaire qui nous semble inférieur. Ainsi, pendant le premier quart d’heure, nous assiégeons la surface adverse en tentant de nombreuses frappes qui manquent cependant de précision. Nous pensions ensuite pouvoir ouvrir le score sur une belle passe de Morgan vers notre numéro 9 dans le dos de la défense, mais celui-ci manque lamentablement son face-à-face avec le gardien.
L’équipe adverse, toute heureuse de ne pas encore être menée au score, s’enhardit et commence à placer quelques contre-attaques. Nous commençons à nous agacer, et suite à une erreur de concentration de notre ligne de défense – merci Nathan… –, sur une transmission à la limite du hors-jeu, les verts se retrouvent à deux face à moi, et je ne peux malheureusement rien faire pour les empêcher de marquer… 1-0.
Pendant tout le reste de la première mi-temps, nous déjouons, multipliant les passes approximatives et encourant de grandes difficultés dans l’impact physique. Je dois m’employer pour éviter d’être menés 2-0.
Les deux coups de sifflet signifiant la mi-temps arrivent au bon moment, tant nous étions proches de flancher une seconde fois. Notre entraîneur est furieux de notre prestation, et se contente d’abord de nous regarder un à un droit dans les yeux sans dire un mot pendant plusieurs minutes. Il prend ensuite Léo à témoin, qui rappelons-le a tendance à avoir la flemme de courir, pour demander :
— A ton avis, qu’est-ce qui a manqué à toute l’équipe ?
— Heu… l’engagement… dans les duels ? Et à la récupération !
— Exactement ! On a bien commencé, et je voudrais qu’on oublie les trente dernières minutes. Parce que excusez-moi, mais 11 tapettes auraient fait mieux que vous !
Comme d’habitude, je laisse passer sans tiquer ces remarques débiles, mais ça a au moins l’air d’avoir remotivé l’équipe :
— Allez les gars, on va leur montrer qui c’est, les petits PD, hein ! lance Lucas.
Et effectivement, comme quoi le foot est autant une affaire de mental que de physique, nous parvenons à recoller très rapidement au score, puis à prendre l’avantage sur une frappe lointaine de Florian dont la trajectoire flottante trompe le gardien adverse.
L’entraîneur adverse s’énerve et commence à vociférer ses consignes et remarques à destination de ses joueurs pour les remobiliser, tandis que son adjoint s’en prend à l’arbitre en lui hurlant dessus depuis le banc à chaque faute sifflée en notre faveur.
Mon père, appuyé à la rambarde de l’autre côté du terrain en discutant avec les parents de mes coéquipiers, et qui a parfois tendance à devenir sanguin, est lui à deux doigts d’aller rendre visite à un supporter de l’équipe adverse qui vient de crier "Du Arschloch !" [1] à l’arbitre sur un hors-jeu pourtant très évident de leur attaquant.
La fin du match approche dans une tension générale, et quelques minutes avant le coup de sifflet final, nous scellons notre victoire grâce à un bon travail de fixation de Nathan, qui peut ensuite distiller une belle passe à Morgan, lequel n’a plus qu’à finir le travail. 3-1.
Le calme revient doucement autour du terrain, nos parents ayant fini de s’écharper verbalement avec ceux de l’équipe adverse, allant même presque jusqu’à se réconcilier autour d’une bière.
Et inutile de vous dire que dans les vestiaires, Morgan n’a pas arrêté de se pavaner, au moins autant pour m’exciter que pour célébrer son premier but sous nos couleurs…
[1] Insulte alsacienne classique xD
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