Lettre du 30 octobre 2020
En 2018, nous avons acheté une maison carrée, posée dans un pâté de maison entre deux rues relativement fréquentées aux heures de pointe. Et entre la rue et la maison, il y a notre jardin (et derrière la maison, y'a une école, mais je m'égare).
Cela ne date pas d'hier, mais mon attrait pour les plaisirs du jardinage s'est développé au fil du temps et des rencontres. Je n'ai d'ailleurs pas tout à fait la main verte. Je commets encore des erreurs, et certaines de mes approximations ont laissé échouer de belles plantations. Dans une région où l'eau manque et où le soleil tape dur, ça ne pardonne pas.
Avec mon époux, nous avons tout de suite repris en main ce jardin laissé en friche depuis de nombreuses années. Nous nous sommes séparés de plusieurs spécimens, pour les remplacer par d'autres, et enrichir la diversité du lieu.
Notre meilleure décision a été de faire démonter l'énorme panneau publicitaire implanté là depuis dix ans, et transmis avec les droits de propriété. A la place, il y a maintenant un micocoulier qui ne demande qu'à déployer sa ramure. La vieille haie de tuyas, toute proche, qui n'avait de gueule que depuis la rue, a aussi été déplantée. Son emplacement est actuellement occupé par une rangée de noisetiers prometteurs.
Nous ne savions pas trop quoi faire du mimosa solitaire et une erreur de taille a sans doute scellé son destin. Après une longue année comme arbre mort, il accueille désormais une vigne vierge. C'est vrai qu'elle ne donne pas de fruits, mais en cette période automnale, toutes ses feuilles ont viré du vert tendre au rouge profond. Et c'est très beau.
L'automne est particulier sur la côte méditerranéenne. Le soleil d'été ravage et assèche tout ce qui ne reçoit pas d'arrosage. Les pelouses se transforment en paille. Les plantes attendent. Elles attendent le retour de la pluie, en septembre et octobre. Les adventis (ou autrement appelées mauvaises herbes, mais il s'agit là d'un abus de langage destiné à dévaloriser des plantes très utiles, mais jugées moins nobles). Les adventis, donc, reprennent vie, et le jardin reverdit.
Le printemps est la saison la plus verdoyante du Sud. Entre la pluie régulière et le soleil qui revient, la vie explose, éclos et s'agite dehors. Au printemps dernier, j'ai été absente un mois et demi (je vous passe les détails, ils confinent à l'absurde). Le jardin que j'ai retrouvé alors était une jungle qu'il fallait nommer.
La moutarde blanche et les chrysanthèmes sauvages avaient poussé en pagaille, la luzerne s'enracinait partout, l'unique artichaut avait fleuri comme un gros pompon de chardon et le grenadier planté plus tôt en mars faisait déjà des rejets. La vie, quoi.
La faune n'était pas en reste. D'année en année, de nouveaux pensionnaires et visiteurs occasionnels peuplent notre oasis. Je me sens toujours très fière de pouvoir nommer une espèce volante ou rampante observée au jardin.
Ma première victoire de la saison, je l'ai obtenue grâce au bombyle. Il ressemble à un petit kiwi bourdonnant dont l'allure m'amuse beaucoup. J'ai également identifié l'anthidie à manchettes, noble abeille sauvage qui adore la lavande. Plusieurs familles de guêpes polistes avaient choisi notre terrasse pour s'établir. Sans oublier la très belle abeille charpentière, qui faisait toujours des passages remarqués de fleurs en fleurs.
Quiconque en apprend plus sur ce qui s'ébat au-dehors apprendra à coup sûr à ne pas dégainer les tapettes à mouches et autres pesticides. Il est vrai que retrouver une larve de scarabée rhinocéros dans son compost n'est pas très ragoûtant. Mais on la laisse là, parce qu'on sait que son aide est précieuse et que ces scarabées sont de véritables stars de reportages animaliers faits maison.
En revanche, je ne sais toujours pas à quoi servent les cigales...
J'oublie certainement un tas de choses qui font de mon jardin un endroit que j'aime par-dessus tout, mais je pense que j'ai l'essentiel. Aujourd'hui, je me sens proche de la description que fait Bilbon des Hobbits, qui " partagent l'amour des choses qui poussent. "
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