Capitaine Hornblower
J'ai eu une surprise de taille hier soir. Ce livre, je l'avais sorti un peu par hasard, pour marquer un changement radical de style dans mes dernières lectures. Je me vois encore plantée devant ma bibliothèque, hésitante, piochant ici et là, lisant l'une ou l'autre quatrième de couverture sans conviction. Puis, ce livre s'est imposé à mon regard.
Je connais sa jaquette vert canard depuis l'enfance. Avec son tome 2, il garnissait la bibliothèque de mon père, toujours en vue et toujours à portée de main. Papa est décédé, malheureusement, et j'ai alors récupéré ces ouvrages, entre autres. Et dans ma lecture, je me rends compte à quel point ces aventures maritimes l'ont influencé.
Le titre du livre : "Capitaine Hornblower". Les péripéties et tribulations d'un jeune officier britannique engagé dans la Royal Navy durant les conflits opposant la France révolutionnaire aux monarchies d'Europe. Je me suis vraiment laissé séduire par ce personnage bourré d'incertitudes et de gaucherie, plein de lacunes professionnelles, naïf, ingénu.
Mais ce garçon ose tout. Arrivée à la page 71, il a déjà provoqué un duel, perdu une prise de guerre, été capturé par un corsaire et bouté le feu au dit corsaire pour s'en évader. Il traverse ces premières épreuves avec constance et courage. Ce n'est pas un fier à bras et pourtant il n'hésite pas à tout miser, même sa propre vie.
Installée sur mon lit, j'ai dû lutter pour arrêter ma lecture. Sinon, j'étais partie à lire jusqu'aux petites heures du matin. Cela m'est déjà arrivé, dans le passé. Je sais que quand un livre m'emballe, je suis capable de le finir, ou de m'arrêter à l'aurore pour dormir un peu. Là, ce n'est plus possible. Ma toute jeune fille se réveille bien trop tôt, et je suis actuellement seule à m'occuper d'elle.
Car son papa est parti en mer. Je crains que ses aventures à lui soient moins rocambolesques et palpitantes que celles du jeune Hornblower. Cependant, et pour avoir moi-même vogué sur les mers d'Europe du Nord, il nous reste toujours des petites histoires à raconter.
Mon père n'a jamais été que marin d'eau douce. Non pas qu'il y ait du mal à cela. Quand je lis Capitaine Hornblower, je retrouve ce qu'il aimait à se raconter lui-même. Et cela me donne l'envie irrésistible de mettre en mots l'imaginaire simple, poussiéreux et daté d'un rêveur impénitent. Papa était resté un grand enfant. Il s'était créé un personnage sur mesure : pipe au bec, casquette à coiffe blanche et écussons dorés, barbe fournie, whisky et jurons. Il avait néanmoins touché du doigt ce qu'il adulait en investissant son temps à la section des Cadets de Marine de Bruxelles, et partait chaque année avec une antique vedette fluviale, le Sambre, sur les fleuves et canaux de Belgique. Il n'était pourtant jamais mieux mis que chez lui, dans son intérieur encombré de merveilles.
J'envisage beaucoup la famille autour de la nécessité de transmettre un héritage. Quand papa est décédé, certes avons-nous, ma soeur et moi, hérité de sommes d'argent qui nous servent encore de marchepied dans la vie, mais je pense que notre héritage est avant tout immatériel et culturel. Et c'est celui-là auquel je tiens.
Nous avons baigné dans l'amour d'oeuvres de fiction très diverses, des plus beaux peplums aux films d'action des années 80 et 90, en passant par les films de guerre réalistes, la science-fiction classique ou la fantasy baignée d'altérité.
Papa n'est plus là pour raconter à l'envi ses histoires canoniques, mais quelque chose en restera, dans ma mémoire, dans ce que j'ai conservé de lui. Ces temps-ci, comme je vous le disais, je suis vraiment tentée de me lancer à corps perdu dans le partage de cet imaginaire, non pas seulement avec ma fille, mais avec le plus grand nombre.
Je suis très curieuse de savoir avec quelles lectures et avec quelles histoires vous avez grandi.
A très bientôt,
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