Chapitre 2 : le début d'un dur combat
Thomas était assis dans la salle d’attente, attendant que Malya ne sorte de son entretien avec le psychiatre. Il avait dû la traîner jusque la clinique ce matin et avait même séché ses cours pour qu’elle ne puisse pas s’enfuir. Tout au fond de lui-même, il savait ô combien c’était difficile de franchir ce pas. Et même avec ce premier pas de franchi, la fuite était assez tentante pour la personne en détresse.
Jouant avec son portable, il repensait à ce que lui avait expliqué ses amis à propos des rumeurs qui couraient sur Malya Cooper. Selon les deux compères, il n’avait pas été difficile de comprendre le comportement dépressif de l’intéressée car tous ses camarades avaient soit craché leur venin à son encontre soit avaient fuit la question. En effet, une photo d’elle circulait sur les réseaux sociaux la voyant sortir de l’appartement de Mr Brown, le professeur de civilisation en anglais. Mr Brown était connu pour être l’enseignant le plus exigeant dans les études de langues et les étudiants ne recevaient généralement pas de très bonnes notes pour ses apprentissages. Le problème avait été que Malya Cooper faisait parti du peu d’élèves à recevoir des bonnes notes dans cette matière et toutes sortes de rumeurs étaient nées le jour où cette photo avait été publiée sur la discussion du groupe des élèves de langues et s’était répandue comme un effet de poudre chez les autres étudiants. Depuis ce jour, plus personne ne l’approchait et elle était devenue le mouton noir de la promo.
« Ridicule » siffla entre ses dents Thomas.
Il ne comprenait pas comment les autres étudiants sans preuve formelle avaient pu l’isoler sans vérifier les dires de la jeune fille. Ces comportements le rendaient malade.
Un bruit le sortit de sa réflexion quand Malya s’assit, mal à l’aise, à côté de lui. Son regard était toujours aussi désespéré, mais il était bien évident qu’une consultation n’était pas assez pour faire retrouver un sourire à ce joli visage. Il chercha tout de même un moyen de lui redonner un peu le sourire et se leva soudainement:
« Tu n’as rien à faire aujourd’hui n’est-ce pas ?
La jeune fille fit un petit non de la tête
— Tu veux faire quelque chose de particulier aujourd’hui ? lui demanda-t-il avec un grand sourire.
— Parce que tu comptes me suivre encore aujourd’hui ? lui demanda-t-elle froidement.
Malgré son ton, Thomas sourit de plus belle.
— Evidemment. Nous ne sommes plus des inconnus non ?
Malya haussa ses épaules. Tout à coup, son regard se posa sur une affiche qui lui faisait face. Thomas suivit son regard et tressaillit quand il découvrit à son tour le sujet. Il se reprit assez rapidement et afficha un faible sourire.
— Si tu veux y aller je peux t’y accompagner…. Et puis ça fait longtemps que je n’y suis pas allé » murmura-t-il.
***
Les deux étudiants descendirent du train qui les avait alors menés à leur destination. Malya Cooper ne connaissait que très peu la région et fut surprise quand elle découvrit la plage qui s’offrait à eux. Puisque c’était un jour de semaine, l’endroit n’était pas trop peuplé et cela lui convenait parfaitement. Elle suivit, sans vie, son compagnon de voyage qui se dirigeait vers l’océan et s’arrêta légèrement en retrait de lui. Celui-ci détacha une pétale des fleurs qu’il avait acheté en ville et la lâcha en direction de l’eau. Malya l’observait sans bruit. Il se tenait debout, le regard rempli de tristesse et elle crut même voir une larme couler le long de son beau visage. Il était vrai que ce magnifique paysage les avait tous les deux ensorcelés, car bien que son coeur était meurtri, la jeune fille semblait apaisée par le doux son des vagues. Malya ferma les yeux et se laissa bercer par la douce brise qui venait frapper légèrement son maigre corps.
Malya et Thomas avaient entrepris une petite marche le long de la plage et n’avaient, tous les deux, décroché un seul mot. Le bouquet d’ancolies que tenait à la main Thomas la laissait perplexe mais, elle n’avait pas osé lui demander la signification de ces fleurs et, en avait conclue qu’il avait sans doute perdu un être cher et que l’océan le lui rappelait cette personne.
***
Malya pénétra dans son appartement après avoir quitté Thomas. Malgré le désordre qui y régnait, elle s’étala de tout son long sur son lit. Elle avait apprécié cette journée à la plage malgré le silence pesant qui avait régné entre les deux jeunes étudiants. Elle avait pu pour une journée oublier tous ses problèmes, mais elle savait très bien qu’elle allait devoir de nouveau s’y confronter le lendemain. À cette idée, elle se mit à trembler et s’enroula dans ses couvertures. Tout son corps était pris de tremblements. Elle avait du mal à respirer mais se reprit quand la dernière phrase de son nouvel ami surgit dans un coin de sa tête: « On se voit demain ! » Elle essaya de contrôler son souffle saccadé et serra de plus en plus fort son maigre poignet entre ses doigts. Au bout de quelques minutes, elle avait repris le contrôle de tout son corps et, épuisée, s’endormit.
***
Ce qui réveilla Malya ce matin fut le retentissement de la sonnette. Encore à moitié endormie, elle se leva pour aller ouvrir sans s’être assurée de sa tenue. Le visage de Thomas apparut dans l’encadrement de la porte, tout sourire. Elle soupira devant tant d’énergie. Elle voulut lui claquer la porte au nez mais avant qu’elle ne l’ait invité, il entra dans l’appartement.
« Qu’est-ce que tu viens faire ici ? lui demanda-t-elle agacée.
— T’accompagner à la fac !
Malya se figea à cette idée.
— Tu vas le regretter, si tu m’accompagnes, murmura-t-elle.
— Si tu fais référence aux autres étudiants, je m’en fiche totalement » répondit-il sérieusement.
La jeune fille ne répondit pas et alla s’apprêter sans demander son reste. Elle revint quelques minutes plus tard, et attrapa le sac que venait de lui envoyer Thomas. Il lui sourit et l’obligea à manger quelque chose avant de sortir de l’appartement.
***
Malya et Thomas attendaient assis sur un banc Paul et Gauthier qui se faisaient tarder. Quand les deux amis entrèrent dans son champ de vision, Thomas se leva brusquement et fit mine de leur donner des petits coups. Les trois amis éclatèrent de rire pendant que Malya se levait timidement. Une fois calmés, Paul et Gauthier lui adressèrent leur plus beau sourire et tous les quatre prirent le chemin de la fac. Tout le long du chemin, Malya fut bombardée de questions sur ses activités de loisirs et après avoir décidé d’un accord commun, ils décidèrent de sortir vendredi soir ensemble. Elle ne savait pas comment se comporter devant tant d’entrain et avait alors accepté sans pouvoir refuser.
Lorsqu’ils arrivèrent devant la fac, le regard de la jeune fille avait blêmi. Elle s’était arrêtée devant les portes et avait recouvert sa tête de son capuchon. Son souffle était devenu saccadé et malgré la foule d’étudiants qui lui jetait un drôle de regard, elle n’arrivait pas à avancer. Malya se sentait totalement impuissante et se retrouvait face à une force invisible qui l’empêchait de bouger un seul de ses membres. Au moment où elle allait rebrousser chemin, une main attrapa la sienne et la serra comme pour la calmer. Elle jeta un regard apeuré à Thomas mais celui-ci ne la lâchait pas. Le jeune garçon se pencha vers son oreille et lui chuchota quelques mots. Malya n’avait qu’une envie, c’était de s’enfuir à tout moment mais les trois garçons qui l’accompagnaient lui donnait une sorte de courage. Après avoir soufflé un bon coup, elle prit son courage à deux mains et suivit ses compagnons dans le hall de la faculté de Lettres.
« Je sais que ça ne va pas être facile, mais tu dois absolument tenir pour ne pas leur donner raison, murmura Thomas au creux de son oreille en l’accompagnant à sa salle de classe.
— Et puis les autres on s’en fiche, renchérit Paul, un grand sourire vissé sur le visage.
— Tu n’es pas seule, on est là pour toi ! » ajouta Gauthier.
Tous ces encouragements lui redonnait espoir, elle n’était plus seule. Elle leur promit de les rejoindre à la cafétéria pour le midi et les trois l’abandonnèrent pour rejoindre leur propre salle de classe.
Malya était encore pétrifiée devant la porte de la classe quand l’enseignant apparut derrière son dos. Devant son regard insistant, elle pénétra dans la salle de classe et balaya d’un regard furtif la salle pour trouver une place libre loin des autres étudiants. Sur son passage, de nombreux murmures s’élevèrent du groupe. Plus elle avançait et plus elle pouvait sentir les regards hostiles de ses camarades de promo. C’est donc dans un état agité qu’elle gagna une place au fond de l’amphi. Elle n’osait pas croiser le lourd regard de ses camarades et préféra détourner les yeux. Le silence se fit quand le professeur commença son cours et Malya put enfin respirer car ce professeur détestait le bruit et aucun des étudiants n’était assez courageux pour oser le contredire. Bien qu’elle était présente en cours, elle n’avait pas réussi à suivre les enseignements car elle était trop stressée. Boursière, et avec les examens du premier trimestre qui se profilaient à l’horizon, la jeune fille ne savait pas comment récupérer les cours. Elle put néanmoins un peu se reprendre et suivit d’un oeil le deuxième cours de la matinée.
Il était 11h quand les étudiants de langues anglaises purent enfin quitter les sièges de l’amphithéâtre. Pour éviter les remarques désobligeantes de la part de ses camarades, Malya avait rangé en avance ses affaires et sortit telle une souris. Elle entendit quelques remarques injustifiées mais s’échappa avec succès. Il lui restait une heure à tuer pour rejoindre les élèves d’histoires et elle voulait absolument éviter de se retrouver au milieu des étudiants. Elle se dirigea alors vers un petit espace vert où peu de personne s’y rendait et s’assit sur le bord du muret qui en faisait le contour. Malya se sentait léthargique et eut du mal à ne pas s’endormir malgré que l’endroit n’était pas des plus adapté.
Des gloussements la sortit de sa torpeur. Elle ouvrit les yeux avec surprise et son teint devant blême quand elle reconnut les trois personnes qui lui faisaient face. Le groupe de filles qui était à l’origine des différentes rumeurs la toisait en abordant un regard des plus désobligeant. Malya ,terrifiée, baissa les yeux et allait s’enfuir quand une des filles lui fit un croche-pied. De ce fait, elle se rattrapa de justesse et laissa échapper une petite larme, accablée par les rires stridents des harpies.
« Alors comme ça tu as changé de cible ? Tu t’attaques aux étudiants d’histoire maintenant ?
— C’est qu’elle ne s’est pas renseignée avant de les draguer, gloussa une fille aux cheveux blonds, ils sont connus pour n’avoir pas eu de copines ou n’être jamais resté en couple.
— Ce n’est donc pas toi qui les fera changer d’avis ! scanda la dernière.
— Je n’ai jamais eu cette intention… s’écria Malya, paniquée.
— De toute façon, personne ne voudrait d’une traînée !
Malya se figea et les mots lui restèrent à travers la gorge. Une des filles s’approcha d’elle et empoigna ses cheveux. La jeune fille étouffa un cri et essaya de desserrer la prise de son assaillante mais sans succès. Plus elle se débattait et plus la bande de filles riait aux éclats. C’était la première fois qu’elles usaient de la violence corporelle mais Malya avait l’impression qu’elle endurait cela depuis des semaines. Alors que l’humiliation gratuite n’était pas prête de s’arrêter et semblait monter en puissance, une voix féminine les interpella:
« Qu’est-ce que vous faites ? »
Annotations
Versions