Je t’attends. 

Dans le hall illuminé de l’aérogare, je reste les yeux collés sur l’écran des arrivées, un morceau de papier froissé entre les mains où j’ai inscrit les horaires de ton vol. Dans une poignée d’instants, notre amour virtuel deviendra réel.

Je lis et relis le message que tu viens de m’envoyer.

« Plus que quelques minutes ! »

Une éternité…

S’approche de moi une femme en uniforme, le sourire forcé.

– Excusez-moi mademoiselle, vous attendez quelqu’un du vol interplanétaire ? me demande-t-elle.

Je réponds que mon amoureux se trouve à bord. L’hôtesse serre les dents, hausse les épaules.

– Je suis navrée, mais il y a eu un problème avec le transtellaire…

Mon visage ose malgré moi la question que mes lèvres ne peuvent prononcer.

– Non non, rétorque-t-elle, les passagers ne sont pas morts, mais… le propulseur… il ne fonctionne plus. Le vaisseau ne peut atteindre la vitesse supraluminique. 

Elle soupire.

– Écoutez, les voyageurs ont quitté la Terre il y a quelques heures. D’après nos calculs, ils ont parcouru les neuf dixièmes de la distance entre nous et la planète mère : c’est déjà beaucoup, mais à cette allure, le vol va durer beaucoup plus longtemps…

– Combien de temps, je demande, combien de temps ?

– Cent huit ans, répond l’hôtesse. 

Les ondes voyagent à la vitesse de la lumière pendant que toi, à bord de ton escargot interstellaire, tu rampes sur cet infini fond fade. 

Alors pour nous donner du courage, je t’écris ce message.

« Malgré le temps et la distance, je t’attends ».