Voir Delphes et sourire ...

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Samedi 8 Août 1970 …

Réveil par bruits de gros moteurs … Nous nous étions « posés » pour la nuit non loin d’un chantier, et ce matin, dès 7 heures, nous avons droit à un déferlement de camions, de pelleteuses et de poussière … Quel sortie de sommeil mes amis !… Pourtant, la plus part d’entre nous a du mal à se dégager des duvets. Personnellement, je suis pressé pour que l’on trouve un terrain de camping afin de nous installer plus confortablement et de pouvoir enfin nous reposer vraiment … Je secoue la compagnie pour qu’on détale au plus vite mais, aux vues des mines rébarbatives et des regards en coin, je sens que ma précipitation ne fait pas l’unanimité … 

 

Nous rejoignons Delphes et, 2 km avant la ville, nous trouvons un camp assez bien aménagé devant lequel nous avions du passer la veille au soir sans le repérer. Nous y pénétrons sans hésitation… Il est à peu près 9 H du matin et déjà, il y a pas mal de mouvements entre entrants et sortants. L’équipement de ce camp semble correct, nous nous faisons enregistrer à l’accueil et allons aussitôt monter notre campement sous des paillotes idéales pour rester à l’ombre car il y a peu d’arbres dans le camp… Les oliviers sont en dessous de nous… D’où nous sommes nous dominons un paysage extraordinaire avec cette mer d’oliviers entre les montagnes et, au loin, la mer toute bleue du golf de Corinthe …  Les cigales chantent et le café sent bon … on se sent revivre …

 

La matinée se passe en prise de douches et en nettoyage de linge … Après tout ces bains de poussière subits depuis notre départ de Lithochoron, cela tient du paradisiaque …

 

Vers Midi, nous allons, à quatre, en deux voitures, dans le bourg pour faire nos provisions ; Roselyne et Anne-Marie se chargent de préparer le repas … Je compte bien trouver un garagiste pour faire réparer le carter moteur fissuré de l’Anglia. Nous ne trouvons aucun réparateur à Delphes et sommes quitte pour aller à Itéa où, nous renseigne-t-on, il y a un garagiste… On est en plein bled ma parole !... Je commence à être inquiet … Nous faisons notre marché et retournons au campement …  

 

Voyage en graisse …

 

Nous déjeunons à 2H de l’après-midi… il fait chaud même sous les paillotes … Je suis peu loquace … Vers 16 H, tandis que les filles restent au camp pour se reposer et faire du courrier, les trois gars nous allons en voitures à Itéa… Nous trouvons ce fichu garage… un atelier presque en plein air, il y a des épaves de voitures disséminées au quatre coins de la place devant le garage … Cela ne présage rien de bon… En descendant de voiture, voilà que je mets le pieds dans une flaque d’huile … Si !... Je me suis encore arrêté au mauvais endroit … sandale et pied droits sont noirs (Je fulmine… moi qui ai horreur de ce qui est gras, je suis servi…) Mes compagnons sont hilares. Je peux partir sur le sentier de la guerre, on me suivra facilement à la trace … Victoire je suis Sam aux traces !…

Nous allons sous un hangar où deux mécanos en salopettes qui, jadis devaient être bleues, sont affairés autour d’une Fiat Topolino presque blanche (euphémisme)… comme il y en a des centaines sur les routes grecques… Daniel fait l’interprète . La situation serait comique si la gravité de la panne ne nous rappelait à la réalité. L’un des mécanos daigne avancer jusqu’à l’Anglia qu’il examine avec une moue dubitative… Il nous fait signe de lever le capot moteur, nous, on lui montre le sol et l’invitons à aller sous la voiture. Je me mets à quatre pattes pour lui faire comprendre que la panne, c’est en dessous… Même à côté de la fameuse flaque d’huile, le sol gravillonné me semble gras … Nous regardons sous les soubassements de l’Anglia , je mets la main au carter et le meccano en fait autant … Ca y est il a compris !... On retrouve la verticale le meccano et moi :

-          Réparer !  

-           ???

Nous nous lançons dans un échange gestuel des plus burlesque … Au bout d’un moment le gars a compris, semble-t-il. Il va réparer… faire une soudure … 

Quand nous repartons dans la Simca 1000, je suis plus que très sceptique quant à l’avenir de mon Anglia … Ca va mal dans mon Ford intérieur … de quoi broyer du noir comme mon pied … Mon pied ! Faut aller le rincer … on va en bordure de mer sur un semblant de crique : bain de pieds dans une eau boueuse en bordure … Les charmes de la Grèce, de la graisse… 

Retour au camp… les copines ne savent pas quelle attitude prendre face au récit de mes mésaventures … En fait, je vois bien qu’elles se retiennent de rire… 

Tandis que mes compagnons s’installent pour profiter du paysage je retourne prendre une douche et me changer … 

 

Voir Delphes et mourir …

 

De retour de mes ablutions je trouve la compagnie… qui, allongé sur les matelas pneumatiques qui, sur les cantines à siroter du coca cola en écoutant France Inter (Oui, déjà à cette époque, on captait cette chaîne de radio bien de chez nous, sur notre transistor, même en Grèce…Ah la magie des ondes !) … Gilbert Becaud chante le « Petit oiseau de toutes les couleurs » … un « Piaf » qui n’a pas la patte noire lui !...  et pour l’heure, je ne vois pas la vie en rose… 

Tout à coup Maguy, sous le charme de « Monsieur  100 000 Volts », nous fait cette sortie : «  Je mourrirai en écoutant les récitaux de Gilbert Bécaud » … Alors là on éclate tous de rire et Maguy se rendant compte de son double lapsus éclate de rire aussitôt … Voilà qui m’a sorti de mon mutisme. A l’heure de l’ouzo, les langues se délient et on passe une soirée à rire de nos histoires et de nos bêtises de jeunesse … 

 

Dimanche 9 août 1970 …

 

La nuit a été bonne, bien meilleure que la précédente ; on se lève les uns après les autres à partir de 8 H… Emmanuel est le premier à être rasé de près et bien pomponné … La cafetière ne fonctionne pas bien mais le café est tout de même bon, les abeilles viennent se poser sur nos tartines de miel … il faut faire gaffe à ne pas en avaler … des abeilles … 

Je passe une bonne partie de la matinée à faire de la lessive … Maguy est parvenue à capter radio Vatican et avec Emmanuel, ils écoutent la messe retransmise sur la voie des ondes … Anne-Marie moins intéressée, effectue le brossage des tentes et de certains matelas pneumatiques … Daniel fume une cigarette allongé sur le matelas pneumatique de Roselyne… Vers la fin de matinée le soleil tape vraiment fort. Le camp rempli, hier soir s’est de nouveau en grande partie, vidé... C’est vraiment calme, propice à la méditation…  

Cet après-midi là on lézarde au soleil, s’étant bien enduit de crème. Roselyne écrit des cartes postales, les autres somnolent et moi, je croque le paysage sous nos yeux… 

Au cours du repas du soir que l’on a mis un temps fou à préparer, Roselyne revendique pour avoir un deuxième camping gaz … Daniel s’engage à la satisfaire dès que possible … Tandis que nous mangeons, le camp se remplit de nouveau et, ça et là, on entend le bruit des maillets sur les « sardines » que les nouveaux arrivants tentent d’enfoncer dans le sol rocailleux, caillouteux, sol dur et dont la terre ocre rouge salit, tentes et vêtements au moindre courant d’air … 

A la veillée, on parle surtout de Saint Martin en évoquant les résidents qui commencent à nous manquer si bien que nous les imitons avec délectation … Soirée gogole où l’on rigole surtout de nos niaiseries … 

Avant de nous coucher, nous établissons le programme du lendemain, prévoyant de faire la visite de l’extraordinaire site archéologique de Delphes …


A suivre ...

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