Nous jouions un jeu dangereux, nous le savions tous les deux. Nous étions les deux faces d’une même pièce… lorsque l’une est dans la lumière, l’autre est forcément dans l’ombre. 

Ce jeu avait commencé depuis que nous avions compris la signification du mot, jumeau. Nous étions un tout, un ensemble et nous avions compris assez tôt que nous n’avions pas tellement besoin des autres pour être heureux.

Au jardin d’enfant, nous étions inséparables et nous n’avions que rarement accepté qu’un autre enfant entre dans notre cercle. Il devait avoir fait ses preuves ou être d’une extrême gentillesse. Et déjà là, nous étions les acteurs des plus mauvais tours qui pouvaient exister.

Mais tout avait changé pour nous, ce jour où nos parents avaient décidé de nous séparer pour l’école, nous envoyant dans une école pour fille et une école pour garçon. La veille de notre rentrée, nous nous étions enfermés dans notre cabane et nous nous étions promis de ne pas être séparés et de tout faire pour être ensemble le plus rapidement possible. 

C’est sûrement à ce moment là que le jeu avait commencé, effectivement. Qui avait jeté les règles en premiers ? Nous deux en même temps, probablement. Puisque nous étions diaboliquement angéliques tous les deux, il suffisait de tirer au sort pour savoir la dominance de nos caractères. Serions-nous plus ange ou plus démon dans l’année à venir ? 

Les règles étaient très claires: Si Anna était un ange, Adam serait un démon. Si Adam souhaitait redevenir un ange, Anna redeviendrait automatiquement un démon. Chaque jour, nous avions tiré au sort en rentrant de l’école, après les devoirs.

Nous avions décidé de concilier ces deux parts de nous à tour de rôle au lieu de jouer avec nous-mêmes. Ainsi nous pourrions être pleinement angélique et pleinement démoniaque. Étions-nous fous ou simplement réalistes ?

Nous avions remporté la partie et nous fûmes renvoyés de l’école primaire au grand dam de nos parents pour « comportements inconciliables avec le projet pédagogique ». Nous étions légèrement turbulents. C’est comme ça que le comprirent nos parents.. s’ils avaient su…

Ils nous avaient trouvé un autre établissement, ce n’était pas la panacée mais nous étions réunis.. et pourtant, notre jeu avait continué encore et encore. C’était devenu notre mode de vie et pas seulement à l’école. 

Depuis, à chaque rentrée, nous tirions au sort pour savoir qui serait qui. Et même lors de notre dernière année de lycée, nous n’avions pas arrêté… Mais si nous avions su ce que notre jeu nous coûterait.. Nous aurions peut-être arrêtés l’année entre nos 17 et 18 ans…