Chapitre deux

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Adam se moquait de moi. Clairement, il se foutait de moi. Il devait mettre 10 minutes et ça en faisait 30 que je poireautais en bas des escaliers avec mon sac. 

-ADAM, SI TU DESCENDS PAS TOUT DE SUITE..

-On se calme. Qu'est-ce que tu as sœurette ? Pressée d'arriver en cours ? se moqua cet idiot.

-Heu non, je te rappelle que Grand-Père voulait nous voir, tu as envie de te le mettre à dos ? Moi non. Il avait l'air bien vénère à cause de moi déjà.
-À cause du collier ? Mais non. Il a juste un peu levé les yeux au ciel quand il a compris. 
-Tu plaisantes ?

Je me souvenais encore du regard glacial qu'il m'avait lancé quand sa femme avait fait une tête pas possible et qu'elle m'avait regardée. Sur le coup, j'étais assez fière de moi, mais pas après, quand il m'avait dit que je lui avais fait profondément honte. Enfin.. j'étais toujours assez fière de mon coup mais je n'aimais pas quand mon Grand-Père me regardait d'aussi près et qu'Adam n'était pas avec moi. Lorsque nous étions à deux, nous étions plus forts. Je le savais.

-Ne te fais pas de souci Anna, je suis là, répondit Adam en posant sa main sur mon épaule. Allons voir Grand-Père et filons à l'Institut psychiatrique.
Je souris et pris le bras qu'il me proposait. Mon Grand-Père n'habitait pas très loin de chez nous et nous pouvions aisément y aller à pieds. Nous faisions souvent le trajet avant que ma Grand-Mère ne parte s'établir en Australie. Cette époque me paraissait révolue à jamais de toute façon. Mon Grand-Père vivait dans un hôtel particulier quand il était à Londres.. C'est à dire 80% de son temps. Il nous attendait assis dans son bureau à l'étage. Mon Grand-Père n'avait qu'une seule ambition. Faire perdurer le nom de la famille Hamilton dans la Haute société et dans la sphère politique. À sa mort, le titre de Lord Hamilton et sa place dans la chambre des Lords reviendrait à mon père et ce serait à Adam de le porter après. Je savais que mon frère n'avait absolument pas hâte que ce jour arrive. 
-Bonjour Grand-Papa, dis-je suivie de mon jumeau. Vous m'avez l'air en forme. Je suis contente, j'ai été un peu inquiète pour vous quand j'ai appris que vous aviez attrapé un rhume à Bath. 
-Oui, c'est vrai. Lady Hamilton nous a dit que vous aviez été vous baigner dans une eau glaciale. Ce n'était pas très prudent.
Je regardai Adam. Il m'avait l'air plutôt calme. Il n'avait pas envie de le mettre en colère, pas plus que moi d'ailleurs. 
-Asseyez-vous mes enfants.
Adam attendit que je m'asseye avant de prendre place dans le fauteuil. Quand j'étais petite, j'adorais venir dans ce bureau quand mon Grand-Père était absent. Je m'asseyais à sa place et je me demandais ce que cela ferait si c'était moi qui héritais du titre et que je devenais la Lady Hamilton du congrès. J'avais une véritable admiration pour lui. Mais.. désormais, ça avait bien changé. 

-Savez-vous qui vous êtes les enfants ?
-Adam et Anna Hamilton, marmonna mon frère.
-Vous êtes les derniers descendants d'une grande lignée. Et votre comportement de ces derniers mois a déshonoré le nom que je vous ai transmis. Je ne suis pas aussi laxiste que peuvent l'être vos parents et je vous offre une nouvelle chance de vous racheter de votre conduite. J'ai dû user de mon influence pour vous faire admettre dans cet établissement, l'un des meilleurs du pays et je compte bien que vous en sortiez diplômés, sans blâme. 

Il regardait Adam avec courroux. Ses exigences envers lui étaient plus grandes qu'envers moi. Je savais que c'était un véritable fardeau pour Adam. Et je ne pouvais pas le laisser comme ça.
-Pourquoi ? demandai-je. Pourquoi est-ce si important que nous ayons un diplôme ? Beaucoup de personnes réussissent sans diplôme. Cela ne montre pas la valeur de quelqu'un.
-Vous n'êtes pas n'importe qui, Anna. Vos comportements influenceront d'autres personnes. C'est ainsi quand on est né dans une famille influente. Mais voyez par vous-même, vous ne semblez pas comprendre.

Il me lança un magazine et je le saisis. Adam blêmit. Je devais être forte pour nous. Il y avait un gros plan sur Adam et moi, une cigarette et une bière à la main sur une plage à Ibiza. Nous avions fait ça cet été. Nous étions partis peu de temps après la soirée chez le tatoueur. Nous avions 18 ans et nous pouvions faire ce que nous voulions. Le magazine était truffé de nos petits exploits de beuveries.
-Ce n'est pas ce que vous croyez Grand-Papa, balbutia Adam.
-Si en fait, c'est tout à fait ce que vous croyez, répondis-je. Mais c'était une seule et même nuit, je vous le jure. Je ne vous mentirai pas.
-Savez-vous que mes adversaires politiques n'attendent que des scoops comme ceux-ci pour me décrédibiliser et décrédibiliser mon travail ? Si je ne suis pas capable de gérer mes petits-enfants, qui suis-je pour demander des amendements à des lois pour faire progresser ce pays ? Votre comportement a un impact sur les décisions de ce pays. Vous n'êtes pas n'importe qui. Vous fréquentez les mêmes cercles que les plus grands de cette nation. Aussi, vous allez m'écouter bien attentivement. Vous aurez votre diplôme en fin d'année. 
-Sinon ?
-Je ne me contenterai pas de vous couper les vivres, je vous déshériterai. 
Je ne m'attendais pas à ça et Adam non plus. 
-Ce serait cruel de faire ça, Grand-Papa.
-Je le sais Anna. Cela me fendrait le cœur. Mais vous ne me laissez pas le choix. 
-Même si cela signifie que...
-Ce n'était pas la peine de nous menacer milord, répondit sèchement Adam en me coupant la parole. Le lycée est une perte de temps, mais vous aurez nos petits noms inscrits sur des bouts de papiers si vous le désirez tant que ça. Je n'avais personnellement pas l'intention de m'en passer. Puisque vous avez montré vos exigences, voici les miennes. Nous passons bien un contrat n'est-ce pas ? Je passerai mon année, nous aurons même la meilleure moyenne possible mais à deux conditions. La première c'est que cette menace cesse à l'obtention de nos diplômes et que vous ne la réitériez jamais. La seconde c'est que nous puissions choisir l'université de notre choix, l'an prochain. 

Je ne savais pas comment allait réagir Lord Hamilton. Je n'avais jamais entendu une telle assurance dans les propos de mon frère face à lui. Mais visiblement, Grand-Père semblait trouver ça.. plaisant. 
-Un diplôme avec mention.
-Un diplôme avec mention, répéta mon frère en se penchant légèrement en avant, et plus jamais vous ne nous menacerez de nous couper les vivres ou de nous retirer notre nom et notre famille. Et je pourrais choisir l'université de mon choix.
-Uniquement parmi les plus cotés, continua mon Grand-Père. 
-Tous pays confondus, ajoutai-je. Notre choix pourra porter sur les meilleures universités de chaque pays. De plus, voici mon exigence, à compter du moment où nous mettons les pieds dans cet établissement, vous n'êtes plus Lord Hamilton, mais simplement notre Grand-Père.

Mon grand-père tourna les yeux vers moi. 
-De fait, vous aurez interdiction de vous mêler de nos affaires et d'appeler un membre de l'institut pour avoir de nos nouvelles, comme un Grand-Père normal le ferait.

C'est alors que l'ange en moi reprit sa place. 
-Ce que je veux dire c'est que j'ai envie de retrouver une relation normale avec vous. Nos promenades du dimanche, nos discussions sur les auteurs du XIXè au coin de la cheminée. 
C'était le moment de l'achever pour qu'il accepte nos conditions. Mes yeux s'humidifièrent. J'étais une très bonne comédienne, mais ça, il l'ignorait. 
-Est-ce que je ne vous manque pas aussi Grand-Papa ? 
Je vis Adam pencher la tête et ses cheveux cachèrent son visage. Mon grand-père ne le voyait pas mais il avait un sourire narquois qui faillit me faire rire. Deux grosses larmes coulèrent de mes joues et je me levai brusquement. 
-Anna, mon enfant...

J'entendis son fauteuil se reculer et sa main sur mon épaule.
-Ne pleure pas.
-Même si vous me déshéritiez, vous resteriez toujours mon Grand-Papa. Je ne pourrais pas renoncer à votre amour. Jamais.

Et là, comble de l'hypocrisie, je me jetai à son cou. Je pouvais voir Adam plié de rire sur sa chaise qui faisait son possible pour ne pas faire de bruit. Il en avait les larmes aux yeux le pauvre. Il mima une personne entrain de vomir et je lui fis un doigt d'honneur.
-Je ne cesserai jamais de vous aimer ma petite Anna. 
Je me détachai de lui et il essuya mes larmes. Est-ce que j'avais honte de manipuler mon Grand-Père ? absolument pas. J'en étais même fière dans le fond. Il était connu pour être intraitable et je pouvais le faire plier.

Ce n'est qu'une fois dehors, alors que nous retournions chez nous qu'Adam hurla de rire.

-Tu as vu sa tête ?? dit mon frère.
-Tu as remarqué que nous avons eu exactement ce que nous voulions. La liberté de choix.
-En plus, comme on a déjà suivi 85% du programme ce sera un jeu d'enfant d'avoir une mention.
-Je dois t'avouer que j'ai eu peur, tu m'as fait peur.
-Désolé sœurette, mais j'ai conscience d'une chose. Depuis ma plus tendre enfance, il me répète que je serai Lord Hamilton, que j'ai des devoirs, qu'il plaçait ses espoirs en moi.
-On est bien barré alors..
Adam me poussa du trottoir avant de remettre son bras autour de mes épaules. 
-Je disais, qu'il plaçait ses espoirs en moi. Il n'aurait jamais pris le risque que son nom s'éteigne par sa faute. C'était du vent destiné à nous faire peur et ta petite crise de larmes m'a prouvé ce que je savais déjà. Il n'est que parade. C'est une grande gueule mais en ce qui nous concerne, il n'y aura jamais d'acte.
-Tu crois ? 
-J'en suis persuadé Anna. Bon, on a combien de temps avant de partir ?
-Il est 10h, on doit être là-bas à 15h. Il faut une bonne heure de route. On a quelques heures. Nos bagages ont apparemment été envoyé tout à l'heure. C'est ce qu'a dit Papa en tout cas. 
-On devait déjeuner avec Maman et lui à 12h30. On a 2h30. Que vais-je faire pendant ces dernières heures de liberté ? Je vais traîner avec Rick peut-être, tu vas faire quoi toi Anna ?
-Embrasser Chelsea..
-Fais le aussi de ma part. J'ai été dégoûtée pour elle avec Oxford. Dis-lui qu'elle aura un meilleur dossier l'an prochain et que ça fonctionnera.

J'espérai aussi. Cette fille était une battante, elle avait toujours bien travaillé. En apprenant son refus, j'avais failli demander à mon père d'appeler le Premier Ministre, qu'il connaissait depuis l'enfance, pour qu'elle se fasse pistonner. Mais elle avait refusé. Elle était méritante. 

Notre mère nous attendait dans la véranda de la maison. Nous avions récupéré ses cheveux roux un peu indiscipliné, même si elle les lissait pour paraître.. parfaite.

-Salut M'man, lâcha Adam en allant l'embrasser. Pas trop triste de nous voir partir ? Personnellement j'en suis dé-vas-té.
-Je sens l'ironie dans tes paroles Adam. 
-Non, je le suis vraiment. J'aimais te voir tous les soirs entrain de broder. On ne pourra plus le faire, on va en pension. 
Il me fit signe qu'il s'occupait de notre mère et je filai. Je pris le paquet que je destinais à Chel et les clefs de la voiture que mon Grand-père maternel m'avait achetée à mon anniversaire. Je me garai, mais pas tout à fait devant chez elle et je finis la route à pieds, mon paquet sous le bras. Je sonnai à la porte mais personne ne me répondit. Elle n'était peut-être pas là.
Je soulevai le nain qui ressemblait à Prof dans Blanche-Neige et récupérai la clef. J'ouvris la porte et montai dans sa chambre. Je ne savais pas où elle était exactement. Je pris mon téléphone pour l'appeler et ma sonnerie dédiée retentit. Elle était là mais elle ne me répondait pas ? Je poussai la porte de sa chambre et la première chose que je vis, c'est mon petit-ami. Enfin. Mon futur ex, visiblement, puisqu'il était à poil avec ma meilleure amie.
-Anna ! lâcha-t-il. Ce n'est pas ce que tu crois.
Je n'en avais rien à foutre de lui. Je fixai Chelsea qui devenait rouge à vue d'œil. Je posai le paquet sur son bureau.
-C'est un cadeau pour ton premier jour de travail, dis-je froidement. Oh en fait, toi, je te largue.
-Attends tu le..

Je n'entendis pas la fin de la phrase parce que je venais de quitter la chambre. J'entendis un bruit dans les escaliers.
-Je ne savais pas.
-Que c'était mon petit-ami ? Tu te fous de ma gueule ?

-Il.. il m'a dit que c'était fini entre vous y'a deux semaines et comme tu ne m'as pas parlé de lui du tout, j'ai pensé que.. putain Anna, arrête toi.
Je me retournai et je vis mon ex, juste derrière elle.
-Ce n'est pas ce que tu crois Anna, c'était la première fois, elle ne compte pas pour moi, c'était juste un coup de bi..
-Tu me présentes des excuses comme si tu comptais à mes yeux. Mais c'est pas le cas, ne te fais pas d'illusion. En fait, tu me laisses profondément indifférente. Dégage d'ici, avant que je demande à mon frère de te foutre dehors. 
J'ouvris la porte et il partit mais avant je lui fis un croche-pied et il s'étala sur le perron.
-En fait, t'es qu'un sale type si tu n'es pas capable de voir que Chelsea est une fille absolument géniale. Tu as sûrement loupé la chance de ta vie. Tu ne trouveras jamais une fille aussi bien qu'elle. Retourne dans la fange sale parasite. Pour moi tu n'as jamais existé. 

Je claquai la porte et je fixai ma meilleure amie. 
-Tu sais ce qui me déçoit ? Pas que tu couches avec lui, c'était juste mon sex toy, Votre petite liaison me laisse profondément indifférente. Mais... Tu ne me l'as pas dit Chelsea. On se dit tout. Tu aurais dû me dire que tu étais amoureuse de lui, je te l'aurais laissé sans aucun remord. Tu le sais très bien.
-Je ne suis pas amoureuse de lui. C'est juste que.. je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Pardonne-moi.
-Les seuls couples qui comptent dans ma vie c'est Adam et moi et toi et moi. On est plus forte que ça. Girl Power. En plus, c'est même pas un bon coup.
-Non, tu as raison, commença à rire ma meilleure amie.
-Bah oui, et je te l'aurais dit si tu m'avais prévenue. Enfin bref. Tu veux venir avec moi chez BK ? J'ai envie d'un burger.
-Il est 10h30 ?
-Et alors ? Oh attends, avant tu regardes ton cadeau.
Je l'entrainai dans sa chambre. Je savais qu'elle ne comprenait pas mon attitude. 
-Chelsea. Je m'en contrefous. Je ne l'aimais pas. Que tu couches avec mon sex friend, ça ne me fait ni chaud, ni froid. Par contre, si un jour je tombe amoureuse et que tu me fais ce coup là, je ne te le pardonnerai pas. Qu'on se le dise franchement. Tiens, ton paquet.

Je faillis m'asseoir sur le lit mais je lui préférai la chaise finalement. Elle déballa son cadeau et quand elle sortit la robe du soir de l'opéra, elle hoqueta.
-Mais c'est.. ta robe.
-Maintenant c'est la tienne. J'ai vu que tu l'avais adorée ce soir-là. Et puis, je ne porte jamais deux fois la même robe en sortie officielle, tu le sais bien. Elle serait restée dans un placard. Autant la donner à quelqu'un qui l'utilisera à sa juste valeur.
-Merci. Je ne sais pas si je le mérite.
-Moi non plus pétasse. Bon, on va chez BK ?
Elle était heureuse et gênée à la fois. C'était un mélange assez étrange. Nous tombâmes sur mon frère et Rick assis à l'étage du fast-food.
-Tu déconnes ? s'exclama-t-il.
Je ne pouvais rien répondre, trop choquée par sa coupe de cheveux.
-Mais..mais...mais.. 
Je touchai ma tête et il comprit.
-Ah oui. J'ai décidé qu'une nouvelle année commençait et qu'une nouvelle coupe s'imposait. Tu n'aimes pas ?
Il avait coupé sa longueur. Fini les buns que j'aimais beaucoup. Ses cheveux roux flamboyaient tout en étant dressés sur sa tête par du gel et de la laque. 
-Si j'aime bien, mais ça fait mannequin pour une pub de laque quoi. Tu te souviens de la pub française Vivelle Dop ? 
-C'est parce que je sors de chez le coiffeur. T'inquiète pas. 
-Tu me fais penser à Nick Roux dans Jane by design mais version actuelle.
-Tu adores ce mec.
-Je t'adore aussi, mec, dis-je en m'asseyant en face de lui. J'aime bien, finalement. Une fois le choc passé. Nos parents ne vont pas aimer du tout. 
-Je leur dirai que c'est le coiffeur. Pourquoi tu as l'air gênée Chelsea ? Il y a un souci.
-Oh rien, elle a couché avec mon petit-ami, enfin ex, et elle s'est rendue compte que c'était pas un bon coup. La pauvre, elle avait besoin d'un remontant.

Elle rougit et Rick se mit à rire. 
-On aurait dû aller dans un bar du coup. Chelsea n'est plus vierge. Ouaaaaais ! 
Il se prit un coup de la part de Chelsea et de mon frère. Elle me confia alors que nous sortions du fast-food pour aller dans un pub que j'avais abusé de lui coller la honte comme ça.

-Surtout devant ton frère. 
Je n'avais pas pu lui répondre puisque les garçons arrivaient vers nous avec les pintes de bière. Nous trinquâmes à toutes les nouveautés dans nos vies. Ils allaient me manquer. C'est légèrement éméchée que j'arrivai au repas du midi avec nos parents. 

-Tu as l'air bizarre ma chérie, me fit ma mère avant d'aller à table.
-Je suis juste anxieuse par rapport à cet après-midi. Je n'ai pas eu à changer d'établissement depuis longtemps..

-Tout va bien se passer. Tu es une fille intelligente Anna, brillante même. Nous le savons tous. 

Elle m'embrassa sur le front et hoqueta en voyant mon frère arriver dans la salle à manger.
-Adam.. ta coupe ! On dirait..
-Oui, excès de laque chez le coiffeur Maman. Je vais arranger ça avant d'arriver là-bas. Où est Papa ?
-Je suis.. Adam. Quelle est cette coupe de cheveux mon garçon ? 
-C'est plus facile pour la boxe Papa. 
Papa sourit. 
-Dès que vous reviendrez ce week-end, nous monterons sur le ring Adam. Veille à faire des pompes à l'internat. On a tendance à s'engraisser.
-Ah oui, j'ai vu des photos de toi à mon âge. Je comprends ce que tu veux dire.
Mon père piqua un léger fard et se mit à rire.
-Bien envoyé mon garçon. Vous avez été voir mon père ce matin ? 
Je laissai Adam répondre et je me contentai d'acquiescer. Je n'avais pas envie de parler. 

-Nous avons une nouvelle à vous annoncer.
-Tu es.. enceinte Maman ? m'étranglai-je.
-Mais non. Voyons. Votre père va être nommé ministre du Transport.
-Oh. Bravo Papa. Mais veille à fêter ça en semaine, par contre, dis-je. Sinon tu vas devoir inviter le fils du premier ministre et je ne l'aime pas.
-C'est vrai ?
-Heu vu qu'il a essayé de m'embrasser à la dernière fête où on s'est retrouvé avec lui, oui, je ne l'aime pas. Okay, il était saoul, mais c'est un gros lourdingue.

Mon père me fixa avec ses grands yeux bleus-gris. 
-Pourquoi ne me l'as-tu pas dit, je l'aurais dit à..
-Papa. Tu n'aurais pas eu ton poste si tu avais dit à ton pote que son fils est un connard mal élevé qui se la pète. 
-Je ne lui aurais pas dit comme ça ! 
-Papa. Adam lui a collé son poing dans l'abdomen, mais il était tellement imbibé qu'il ne s'en souvient pas.
-Je suis contre la violence mais je ne peux pas te reprocher d'avoir défendu ta sœur. Tu as bien agi fils. 
-Merci Papa. Tu sauras pourquoi je laisse jamais Anna seule avec lui maintenant. Je veux dire, il se met dans des états pas possible. Tu devrais peut-être en toucher deux mots à son père, parce que je suis un peu inquiet. 

Mon frère était aussi un excellent comédien. Il arrivait à rester sérieux sur des sujets qui intérieurement le faisait rire. La fin du repas se passa très bien, mieux que je ne le pensais et nous eûmes le droit de boire une coupe de champagne. Je ne savais pas si le mélange bière-champagne allait bien se faire dans mon estomac. Notre père s'excusa auprès de nous pour ne pas nous emmener et il nous dit qu'il viendrait nous chercher samedi matin. Adam hocha la tête, j'hochai la tête et nous partîmes tous les deux dans le jardin en attendant l'heure de partir. 

Adam me laissa monter dans notre cabane dans l'arbre en premier et il s'installa à sa place. Elle était vieille mais c'était notre endroit. Notre père nous avait aidés à la construire, enfin, il avait tout fait lui-même, nous nous contentions de lui donner les clous. Nos deux grand-pères s'étaient moqués de lui. Et c'est bien la seule et unique fois que je l'avais vu tenir tête. Je fais uniquement ce que tout père doit faire pour ses enfants, leur offrir un lieu où ils se sentiront bien et en parfaite sécurité. Je n'accepterai aucune critique là-dessus. J'étais fière de lui à cette époque.. et ensuite.. il avait essayé de se conforter à l'idée de son père, c'était tout. 

Adam allongea ses jambes. 
-Elle commence à devenir un peu petite.
-Elle l'est uniquement si on veut être plus de deux. Nous n'avons pas de frères et sœurs. Nous ne la partagerons jamais. 
J'ouvris le petit coffre cadenassé et sortit la pièce de son emplacement. 
-Tu es prêt ? demandai-je. Seras-tu l'ange ou seras-tu le démon ?
-Le sort nous le dira. Pile tu es ange. Face, tu es démon.
Je lançai la pièce dans les airs. Je ressentais de la peur, de l'appréhension et surtout, une bonne dose d'excitation. Adam suivait le mouvement de la pièce lui aussi. Quand elle retomba dans un petit bruit au sol, je me rendis compte que nous avions cessé de respirer. Nous nous penchâmes et un grand sourire s'afficha sur nos deux visages.
-Je sens que ça va être une année démentielle, fit Adam.
-Je crois aussi. On devrait y aller, sinon, on sera en retard.. et ce serait tellement dommage d'arriver en plein milieu du discours du directeur. 

Adam rit et je le suivis. Décidément, cette dernière année allait être spectaculaire.


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