Avancer seule
"[...] le pire, lorsqu'on écrit, est que l'on soit tellement tributaire des éloges. Je suis à peu près certaine de n'en recevoir aucun sur cette histoire & je n'en sortirai pas vraiment indemne. Sans encouragement, j'ai du mal à me mettre à écrire le matin ; mais cet abattement ne dure que 30 minutes, dès que j'ai commencé, tout est oublié. On devrait apprendre à n'accorder aucune importance à ces hauts et ces bas ; ici, un compliment, là, le silence."
"[...] lorsque les gens me font des compliments, je ne sais jamais que répondre, et s'ils ne le font pas, ce n'est pas non plus très réjouissant."
Ai-je déjà parlé d'éloges ?
Ici, il sera moins question de comprendre à quoi ils servent que, comme Virginia, de s'interroger sur la possibilité de faire sans.
Peut-on faire sans éloges, sans encouragements, sans soutien ?
Eh bien, je crois que non. Simplement : non.
Aujourd'hui plus que jamais, je sais qu'il est surhumain de chercher à avancer seul sur une voie longue et semée d'embûches. Ceux qui réussissent ont forcément reçu de l'aide. Ils ont un partenaire avec lequel organiser le quotidien, des amis sur lesquels compter. Ils ont fait la bonne rencontre au bon moment.
Pourquoi je galère à écrire 200 pages d'une épopée prévue en deux tomes ?
La réponse me parait de plus en plus limpide. Trois années de changements perpétuels, entre maternité et reconversion professionnelle, avec un marin absent pratiquement la moitié du temps, pas de famille dans la région, un tissu social à consolider. Et le petit plus : la pandémie du COVID-19, avec les répercussions que l'on connait.
Cela m'a pris du temps, et me demande encore des efforts, pour à la fois entendre les conseils divers et variés sur "comment gagner sa vie d'entrepreneur" ou encore "comment écrire un livre facilement en 10 étapes", et mettre ces conseils en perspectives. D'une part la perspective de celui (souvent des hommes) qui professe sa bonne parole, et d'autre part mes perspectives et ma réalité.
Sans encouragement, moi aussi j'ai du mal à me mettre au travail.
Non, je ne cherche pas de quelconques excuses pour me dédouaner de procrastiner. Je cherche surtout à me départir de la pesante culpabilité et de la dévalorisation qui s'y rattache de me voir dans l'incapacité pratique de suivre la plupart des méthodes prescrites par un tas de gens importants.
Une morning routine ? Je n'en connais qu'une : me lever, m'habiller, m'occuper de ma fille.
Une pratique sportive régulière ? J'en ai pléthore : les courses, la lessive et le ménage.
Des loisirs épanouissants ? Mais bien sûr : manger un peu trop gras et m'asseoir vingt minutes devant une vidéo de qualité, histoire de déconnecter le cerveau.
Des challenges fréquents ? Bien sûr : revoir mes plans de la journée pour garder ma fille malade, jongler avec les disponibilités des amis pour ne pas rester seule sur les longs week-ends ou trouver des activités à la fois intéressantese et peu gourmandes en ressources.
Ok, j'arrête.
Alors quoi ?
Il n'y a qu'un seul conseil, qui semble marcher pour moi : m'entourer de personnes que mon travail d'écriture intéresse, et accepter que, quand Monsieur n'est pas à la maison pendant trois mois d'affilée, mon Magnum Opus ne peut pas avancer à plus de 10.000 mots par mois.
Il n'existe, à mes yeux qu'une seule question à résoudre : Dans quelles conditions la création et l'écriture sont-elles possibles, quelles personnes sont utiles dans ce processus encore flou ?
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